Sourde colère
Perché du haut de son arbre. Yahiro, observait le jeune Tsukasa se débattre dans son sommeil. De son regard glacial comme le métal, il analysa les moindres palpitations du jeune garçon.
Il apercevait sans mal les gouttes de sueur perlées sur le front du jeune homme, tandis que sa tête remuait sans cesse de gauche à droite, se battant contre ses démons.
Le sage tentait d'apaiser la souffrance de Tsukasa, mais à maintes reprises, ses tentatives d'intrusions dans son esprit s'avéraient un échec. Ou dans sa réflexion, il se disait qu'une personne de plus puissante l'en empêchait.
Son regard fut attiré par les premières lueurs du soleil qui se levait. Avec son aurore de feu, une silhouette se détachait des rayons pour se figer quelques pins plus loin.
Essoufflé de sa course contre le temps, Nether s'adossa contre le tronc et observa un instant le jeune homme qui se réveilla en contrebas sous l'œil attentif de Yahiro.
— Les nouvelles ne sont pas favorables, souffla le sage de feu.
— Je t'écoute, sifflait le sage de métal.
— Le temple a été en proie à des attaques cette nuit...
Nether avala péniblement sa salive et continua devant le visage impassible de Yahiro :
— Akito a su préserver la fille et le maître, défendre son sanctuaire, mais...
Yahiro détestait qu'on lui fasse perdre son temps et fit comprendre à son ami, son impatience :
— Parle bon sang, sinon je rentre dans ta tête et te fais fondre tes neurones, stupide flammèche, crachait-il.
Nether avait l'habitude de l'attitude de Yahiro, mais était surpris quand celui-ci crachait son venin glacial à chaque situation.
— Mohiro a été blessé, lâchait-il après un silence embarrassant.
— Que dis-tu ? s'exclama le sage de métal, surpris.
Nether se grattait la tête, honteux de dévoiler ce qui allait suivre :
— L'attaque au sanctuaire n'était qu'un leurre de Hauwk qui en avait profité pour prendre à revers Meromi et Mohiro.
Le sage du feu inspirait par à-coups, sentant le poids de sa culpabilité peser sur lui.
— Je l'ai vue produire son attaque dévastatrice. Cependant, je n'ai pas pu bouger le petit doigt, murmurait-il à présent, la tête baissée.
Yahiro percevait le désarroi s'emparer du sage face à lui. Malgré sa puissance, il était le plus jeune de tous et avait par surcroît beaucoup à apprendre. C'était la malédiction des sages de feu. Éternelle comme la lumière, mais s'éteignant dans l'obscurité pour renaître tel un phénix en réapprenant tout depuis le commencement.
Le sage de métal était contrit par les événements. Il ne pouvait pas délaisser sa mission de surveillance sur le jeune Tsukasa, mais l'alerte était donnée. Hauwk manigançait bien quelque chose et il avait l'intention d'en arriver jusqu'au bout.
La décision qu'allait prendre le sage de métal était complexe, toutefois pouvait-il en faire autrement ? Il n'avait pas le temps de réfléchir.
— Nether, rends-toi au lac immédiatement ! Tsukasa ne va pas tarder à s'y rendre et tout doit se dérouler correctement, ordonna-t-il en pointant du doigt le jeune sage de feu.
Celui-ci obtempéra et s'éclipsa sans objection contre le sage de métal.
Yahiro fixa une dernière fois le jeune homme qui organisait tranquillement ses affaires et s'éclipsa pour en savoir plus sur l'état de Mohiro.
Parce que si le sage de la vie venait à mourir, il n'imaginait même pas ce qu'il adviendrait de l'équilibre élémentaire.
* * *
Tsukasa se dirigeait à présent vers sa dernière épreuve. Il avait passé une nuit épouvantable, ses rêves emplis de cauchemars. Le même que celui de la veille de ses épreuves.
La mort de ses parents coulant sous l'eau de la rivière, avec cependant un détail qui s'était rajouté à l'équation.
Un rire diabolique résonnait dans l'habitacle de l'épave remplie d'eau. Un son caverneux mélangeant, un râle de plaisir sous la vie quittant les êtres à l'avant de la voiture. Un son grognant de satisfaction voyant le petit garçon apeuré face à la monstruosité qui prenait vie à la place de sa tendre mère.
Tsukasa se retenait de vomir face à l'afflux d'image qui le hantait depuis son réveil. De son naturel calme et parfois malicieux, il avait de plus en plus de mal à contenir la sourde colère qui lui rongeait les entrailles depuis son enfance.
Car malgré son mutisme et l'aide de Naru pour le rassurer, il avait nourri une haine viscérale contre Hauwk depuis l'assassinat de ses parents. Il arriva aux abords du lac du dragon de la terre, où sous une forme de vieille paysanne, Nether l'attendait pour conter son histoire.
Le jeune garçon s'approcha précautionneusement, mais s'arrêta à deux mètres de la bonne femme. Le regard hagard, il scruta les alentours, captant le rire maléfique de son ennemi. Le comportement de Tsukasa ne passa pas inaperçu à Nether qui s'approcha en demandant d'une voix frêle :
— Êtes-vous perdu, jeune homme ?
Tsukasa fixa la vieille femme, mais ne fut pas dupe du petit manège se cachant sous son long jupon. Une étincelle de feu avait traversé le regard de Nether qui ne put contenir ce phénomène se produire à son si jeune âge.
Le jeune homme recula d'un pas, entendant sans cesse s'esclaffer Hauwk non loin de sa position.
Il se retourna, prêt à rebrousser chemin, mais la vieille dame ne l'entendait pas de cette oreille et lui retint le bras :
— Ne voulez-vous pas savoir qui se cache dans le lac ? sollicita-t-elle la voix chevrotante.
— Désolé madame, mais j'ai affaire, répondit Tsukasa hâtivement.
— Mon village est sans dessus, dessous... insista plaintivement la bonne femme.
Tsukasa commençait à s'impatienter du jeu de Nether. Et, personne âgée ou non, il fit parcourir des flammèches mauves le long de son bras, ce qui provoqua un cri de stupeur à la bonne femme. Elle n'eut pas le temps de rétorquer que le jeune homme avait auparavant sauté dans les arbres pour se diriger vers le son menant droit sur sa cible.
Nether recouvra sa forme en examinant sa main devenue noire par les flammes de Tsukasa. Il fronça les sourcils et s'éclipsa pour avertir les autres. Mais aurait-il le temps d'intervenir avant que le jeune homme ne commette l'irréparable ?
Tsukasa sauta de branche en branche pour revenir à toute allure là où l'homme vêtu de noir riait aux éclats.
Il n'était point difficile de le trouver, car il se cachait sous une cascade aux abords de la montagne où se déroulait l'épreuve des rapides.
L'homme de dos admirait dans une sorte de récipient des ombres qui se battaient entre elles. Il n'avait pas l'air d'avoir remarqué la présence de Tsukasa, qui l'épiait caché derrière des rochers. Il essayait de s'approcher à pas feutrer, comme la panthère, et se glissa derrière une paroi, parallèle à son ennemi.
— Tu crois sincèrement me berner à te glisser telle une fourmi dans mon dos ? clama la voix de Hauwk.
Tsukasa sursauta en retenant sa respiration. Dans sa précipitation, il avait le souffle saccadé et n'avait pas prêté attention à cet infime détail. Il sortit de sa cachette pour faire face à son ennemi.
— Vous avez assassiné mes parents ! cracha Tsukasa par colère.
L'homme en noir se tourna et joignait ses doigts sous son menton, l'air de réfléchir. Un sourire maléfique se dessina sur ses lèvres :
— Tu m'en vois navré, annonça-t-il froidement, ils ont juste été au mauvais endroit au mauvais moment, ajouta-t-il en haussant les épaules.
— Vous mentez ! affirma Tsukasa en serrant les poings.
Sa mâchoire se crispait au fur et à mesure du déroulement de la discussion. Hauwk ne lui disait pas toute la vérité et il le sentait au plus profond de son être.
— Ma cible, c'était toi, tu n'aurais en aucun cas dû venir au monde, comme cette peste, siffla Hauwk avec agacement.
Le choc de la révélation submergea Tsukasa. Pourquoi ne devait-il pas naître ?
Il lança un regard assassin envers Hauwk, puis s'éclipsa pour apparaître derrière lui et lui donner un coup de poing. Hauwk esquiva sans mal et rétorqua en abattant sa paume sous le menton du jeune homme.
Tsukasa s'écrasa contre la paroi de la grotte sous la puissance de son adversaire. Il balança plusieurs boules de feu bleu-mauve, en envoyant de plus en plus, en accélérant la cadence sous un cri de rage.
Jusqu'à ce que l'une d'elles arrive à frôler le visage de Hauwk, lui provoquant une entaille.
Celui-ci tendit la main qui, par une fumée noire, attrapa le cou du jeune homme pour le soulever. Tsukasa se débattait en essayant de desserrer l'emprise de la fumée. Quant à Hauwk, il regarda avec perplexité le sang qu'il avait récupéré de sa joue.
— Tu vas le regretter, misérable insecte, hurla Hauwk hors de lui.
Tsukasa manquait de plus en plus de souffles et tenta le tout pour le tout afin de revoir une dernière fois sa bien-aimée qui dansait dans une brume de souvenir.
— Et si... je me... range... À tes côtés ? bégaya-t-il avec difficulté.
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