Négociation

 Suzy était de marbre, les bras croisés sur sa poitrine, regardant sévèrement son amie qui s'était agenouillée devant elle pour la supplier de la pardonner de son comportement de la veille. Autant, elle était la première dans les coups fourrés, autant creuser la carapace pour lui arracher un sourire était un combat de longue haleine que Naru s'évertuait à mener depuis son arrivée au bar.

Elles travaillaient ensemble dans la partie arrière de l'enseigne, alors que Naru profita de leurs pauses pour se faire pardonner. La jeune femme avait récuré les sanitaires, et servit les verres aux hommes que Suzy avait en horreur. Même les tâches que leurs responsables confiaient à Suzy, elle s'en emparait sous le regard interrogateur de celle qui mâchouillait son chewing-gum.

Suzy s'était amusée du comportement de la tornade rousse qui s'évertuait à l'alléger de son travail, et se délectait de la voir dans cette position. Elle renforça son air en prenant une grande inspiration, puis ferma les yeux d'exaspération en soufflant :

— Naru, Naru, Naru...

Mais quand elle les rouvrit, elle sursauta devant l'énorme peluche en forme de grenouille lui faisant face avec un grand sourire. Elle aperçut la tête de son amie se décaler sur le côté avec un léger sourire timide.

— Tu me pardonnes, dit Suzy, hein ?

Naru avait utilisé sa voix de petite fille pour faire littéralement fondre le cœur de son amie, qui ne put résister à la vue de la peluche qu'elle prit immédiatement dans ses bras en sautillant et câlinant la grenouille. La jeune femme se redressa devant son amie qui la remercia, mais qui lui annonça qu'elle lui devait un chocolat chaud et lui indiqua qu'elle avait également repéré une nouvelle collection dans sa boutique fétiche.

— T'es dur en affaire toi quand il s'agit de donner son pardon, tu vas finir par me ruiner, rit Naru.

— C'est soit ça, soit la deuxième surprise que tu m'as promise hier, indiqua Suzy les joues gonflées avant d'ajouter, si sa valeur équivaut à la collection, j'attendrai le mois prochain pour me l'acheter.

— Ah si tu savais... souffla Naru.

Suzy redressa la tête devant le ton employé par son amie. Elle sait que l'information va être de taille et ne pourra plus négocier son futur achat. Une tête passa dans l'entrebâillement de la porte de la réserve :

— Les filles, la pause est finie et il y a du monde, dépêchez-vous, indiqua la responsable en mâchant son chewing-gum.

— Bien madame, répondirent en même temps les deux amies.

Naru se pencha vers Suzy et lui dit :

— Je te raconterai à la fin du service, tu viendras chez moi, ça risque de durer le reste de la nuit.

Suzy ouvrit en grand ses yeux curieux et hocha frénétiquement la tête. Elle courut vers les vestiaires pour ranger sa grenouille avant de rejoindre son amie dans la salle.

Elles terminèrent leurs services après une heure du matin. Naru et son amie étaient éreintées, mais ne travaillant point avant le soir suivant, elles pouvaient profiter d'une grasse matinée, et donc de discuter une bonne partie de la nuit.

Elles arrivèrent au triplex, où Naru proposa « le » pyjama qu'elle gardait chez elle pour Suzy quand elle venait dormir ici. Sans grande surprise, Suzy ressortit de la salle d'eau avec un pantalon blanc imprimé de têtes de grenouilles aux joues roses, ainsi que le haut assorti avec. Les pantoufles étaient également en forme de l'amphibien tant vénéré par la jeune femme. Naru ne put s'empêcher de glousser devant son accoutrement.

— Elle est passée où la teigne que tu me disais être dans ta jeunesse, ria-t-elle pliée en deux.

— Loin, elle est vraiment très loin, s'esclaffa Suzy en rejoignant le rire de son amie. Je crois que j'ai dû traverser un monde parallèle quand j'ai découvert l'univers de ses petites bêtes.

— Ah non, là franchement, je ne pensais pas que tu trimballerais tes pantoufles ici, pfiou.

Naru se tenait les côtes, reprenant difficilement sa respiration. Elle savait qu'en parlant des surprises, Suzy prendrait le minimum nécessaire pour dormir chez son amie. Elle la connaissait si bien à ce sujet. Elles montèrent à l'étage où Naru avait déjà installé un matelas et une couette pour Suzy, puis apporta un plateau avec du thé qui s'infusait tranquillement.

— Oh, tu as mis les petits plats dans les grands, s'enthousiasma Suzy.

Naru lui sourit et s'installa sur son lit en invitant son amie à faire de même. La jeune femme prit un air sérieux avant d'entamer son récit :

— Bon pour commencer, sache que je n'ai pas appelé le gérant de la boutique.

— Tu es désespérante quand il s'agit d'ouvrir ton cœur, toi...

Naru l'a fit taire en posant son doigt sur sa bouche sous l'air surpris de Suzy, puis enchaîna :

— Par contre, on s'est rencontré par hasard hier et nous avons dîné ensemble.

Suzy se mit à hurler de joie, rassurant Naru sur le fait d'avoir une très bonne insonorisation, tandis que son amie la prit dans ses bras en sautillant sur elle-même.

— Je veux tous les détails, raconte-moi.

Elles discutèrent jusqu'à l'aube de la soirée de la veille avant de s'écrouler de fatigue sur le lit de Naru. La jeune femme se réveilla, sentant qu'on la fixait et découvrit Akito dans le coin de la pièce. Elle fronça d'abord les sourcils avant de porter son regard sur Suzy qui ronflait profondément, les bras étalés sur le lit.

— Tu ne peux pas apparaître comme ça Akito, surtout quand je ne suis pas seule, reprocha Naru dans un murmure.

— Il fallait que je te voie, c'est important, répliqua le sage.

— Pas maintenant, s'énerva Naru sur le même ton.

Elle sentit du mouvement à ses côtés.

— Naru à qui tu causes, bâilla Suzy en se frottant les yeux.

Akito alla pour ouvrir la bouche, mais Naru le fusilla du regard pour le faire taire. Suzy n'attendit pas sa réponse, qu'elle se rendormit comme une masse, retrouvant le doux rêve amphi bique qu'elle faisait.

Naru se leva en faisant le moins de gestes brusques, puis fit un signe à Akito pour qu'il la suive en bas. Elle se servit un verre d'eau dans la cuisine, tandis que le sage s'impatienta.

— Naru s'il te plaît, écoute-moi, s'agaça Akito.

— Tu ne peux pas débarquer ici à ton bon vouloir Akito ! cingla-t-elle, je pensais que vous étiez partie en retraite spirituelle avec les autres sages.

— Nous avons fini notre retraite, Meromi et Mohiro sont restés dans la forêt des lumières, tandis que Yahiro surveille le danger qui rôde à Kyoto.

Naru fronça les sourcils en entendant le nom de la ville, mais le bruit à l'étage indiqua que son amie s'était bel et bien réveillée.

— Disparaît, change de vêtement, fait quelque chose, Akito, un sage ne doit pas être reconnu dans le monde des humains, pressa-t-elle en faisant des gestes rapides.

Le sage leva les yeux au ciel avant de claquer des doigts. Suzy avait entendu le haussement de ton entre deux personnes et avait décidé à se lever. Elle arriva en bas des escaliers et découvrit Naru les cheveux en bataille, devant un homme qu'elle n'avait jamais croisé.

— Tu m'expliques, Naru ? interrogea-t-elle en faisant un geste vers le sage.

— Il allait s'en aller, Suzy.

— Je ne partirais pas sans toi, rétorqua Akito.

Naru fulmina entre ses lèvres devant son insistance. Elle savait qu'elle allait devoir mettre son amie à la porte et que cela n'allait pas lui plaire alors qu'elle avait eu tant de mal à se faire pardonner. Elle soupira fortement en croisant les bras, puis se tourna vers Suzy. Les négociations était ouvertes :

— Suzy, je te présente Akito un membre éloigné de la famille de mon maître...

— Très éloignée donc, car tu ne m'en avais jamais parlé, glissa-t-elle un regard sur l'homme.

— Suzy, s'il te plaît, souffla Naru en posant sa main sur son front. Il s'est pointé à l'instant pour une urgence familiale et malheureusement, je vais devoir te demander de partir.

Akito hocha la tête en restant impassible devant l'amie de Naru. Il n'osa prononcer un mot de peur de contrarier plus la jeune femme. Suzy regarda son amie, puis croisa les bras sur son torse en boudant, car elle aurait aimé faire plus ample connaissance avec l'homme se tenant derrière elle.

Reconnaissant son air entre tous, Naru ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel et lui indiqua :

— Il est hors d'atteinte et marié à une charmante jeune femme du nom de Yahora, sourit-elle en modifiant le nom du sage de métal pour le faire enrager.

Elle sentit la lourde respiration du sage de l'eau derrière son dos, lui signifiant que la pique, il l'avait bien reçu. Suzy, quant à elle, soupira de voir encore un autre homme casé, mais ses yeux s'illuminèrent quand Naru rajouta :

— Si tu veux bien me laisser seule avec lui, je te garantis ta collection avec supplément.

Il n'en fallut plus à Suzy pour débouler dans la salle d'eau, se changer puis faire la bise à son amie tout en lançant un clin d'œil à Akito avant de partir. Le sage était perplexe de la tornade qui avait changé du tout au tout, mais il pâlit quand Naru se retourna vers lui, le regard assassin :

— À nous deux maintenant !

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