La chute

Assis sur le perron, Yuzo contemplait avec inquiétude les premières lueurs du soleil levant. Un profond sentiment de malaise l'envahissait depuis le réveil. Ses sens aussi vieux et aiguisés qu'une lame étaient en alerte constante.

Akito demeurait en permanence dans la chambre de Naru, vérifiant ses constantes grâce à sa magie.

Yahiro et Nether surveillaient les épreuves de son jeune apprenti, quant à Meromi et Mohiro essayaient en vain de recouvrer la trace de ce fourbe de Hauwk. Un long soupir s'échappa malgré lui.

Péniblement, il tassait du tabac dans sa longue pipe et se préparait à l'allumer, quand il vit apparaître devant lui le sage de métal dans tous ses états. C'était bien la première fois que maître Yuzo, observait Yahiro avec une telle lueur dans les yeux. De la peur !

Yuzo se relevait avec difficulté, faisant craquer tous ses vieux os et descendait du perron en trébuchant à moitié pour accourir auprès du sage de métal essoufflé.

— Que se passe-t-il, s'empressait de dire Yuzo de plus en plus soucieux.

— Vous n'êtes pas blessé ? s'enquit le sage légèrement angoissé.

Le maître s'arrêtait dans sa course et fronçait les sourcils. De quoi pouvait bien parler le sage ?

Akito sortait à ce moment de la chambre de Naru et sentait à son tour que quelque chose ne tournait pas rond. Pourquoi, Yahiro n'était pas avec le jeune apprenti ?

— Yahiro, que fais-tu ici ? clamait-il, si Meromi voit que tu faille à ta tâche, elle va être en rage.

Mais le sage de métal l'ignorait sans vergogne, puis regardait autour de lui. La forêt était calme. L'endroit, toujours paisible, n'avait pas l'air d'avoir été la cible d'une quelconque attaque. D'après Nether, le maître avait défendu vaillamment ses terres pendant qu'Akito défendait la jeune dulcinée.

Serait-ce un mensonge que le sage de feu aurait fabriqué ? Pourquoi ? Il observait alternativement le maître qui ne comprenait plus rien et Akito qui semblait vouloir déchiffrer ses intentions.

— Nous avons un traître parmi nous, lança froidement Yahiro sentant qu'il venait de se faire berner.

La vapeur blanche de Meromi apparut soudainement. Elle se dressait prestement aux côtés du sage de la vie, Mohiro. Courbé en avant par son âge avancé, il s'aidait d'une canne magnifiquement sculptée pour se déplacer.

— Nous avons perçu ton désarroi, mon ami, entamait le sage de la vie avec calme.

Yuzo n'en croyait pas ses vieux yeux de dragon. Il était exceptionnel de rencontrer ce sage directement sur terre. Par son handicap et sa vaste connaissance, il restait le plus clair de son temps dans la forêt des lumières, ou bien encore a assisté au haut conseil. Mais en aucun cas, il ne s'était pris la peine de se déplacer pour quoi que ce soit.

Les sages avaient l'air de communiquer entre eux rien qu'en se regardant et se toisant.

Yuzo, quant à lui, était traversé de multiples émotions angoissantes.

Il le sentait au plus profond de lui-même. Tsukasa était en danger et il fallait impérativement qui le retrouvait avant qu'il ne dépérisse.

Le maître scrutait une dernière fois vers la chambre de Naru, qui dans son sommeil ne se doutait pas de l'agitation, puis il observait les sages devenus statiques dans leur dialogue.

Une lueur de culpabilité franchissait le regard de Yahiro. Il ne fallait pas qu'il perde son temps et devait localiser son jeune apprenti. Le cœur serré, Yuzo s'éclipsait, laissant les sages et Naru derrière lui.

* * *

Hauwk desserrait l'emprise qu'il maintenait sur le jeune homme. Il se grattait machinalement l'oreille pour voir si quelque chose ne lui avait pas fait modifier ce que son ennemi venait de dire.

Tsukasa respirait de nouveau. Le souffle saccadé, il profitait de l'inattention de Hauwk pour effleurer son diamant.

La fumée noire se mélangea parmi celles déjà présentes autour du cou du jeune garçon et se glissa dans l'ombre de Hauwk.

Elle se matérialisait dans son dos pour acquérir la forme de Nakthye, faisant apparaître d'abord ses yeux émeraude qui brillaient dans l'obscurité de la grotte.

Doucement et en silence, la panthère s'approchait pour surprendre l'adversaire de Tsukasa.

Mais celui-ci avait senti un pouvoir exceptionnel se glisser entre lui et le jeune garçon. Il put se retourner à temps pour envoyer valser la panthère à coups de pied, comme un vulgaire chaton.

Nakthye se rattrapait en bondissant sur une paroi pour attaquer cette fois-ci Hauwk de front.

— Je vais t'apprendre les bonnes manières, maudit sois-tu fils de ....

Nakthye n'achevait pas sa phrase, qu'une autre panthère aux yeux dorés surgit sur son flanc et lui mordait dans l'épaule.

Tsukasa avait recouvré ses forces, et apercevait à présent sa fidèle amie se battre contre la panthère de la veille. Le combat entre les félins était impressionnant et Nakthye ne se laissait en aucun cas faire. Le jeune homme profitait du déchaînement que Hauwk prenait plaisir à se délecter pour le faire renverser en l'agrippant autour de la taille, en le jetant à terre.

— Tu m'impressionnes petit, s'esclaffa Hauwk hilare de la situation.

— Mais tu vas crever ! rageait Tsukasa en expédiant son poing dans le visage de Hauwk.

Celui-ci l'interceptait sans difficulté et agrippait l'autre poignet du jeune homme pour l'embarquer dans son éclipse.

Ils réapparurent au sommet de la montagne. Les rafales faisaient voler les cheveux des deux hommes se faisant à présent face.

L'un riait à grand coup, comme si, un esprit sénile l'animait. Quant à l'autre, sa patience, mise à dure épreuve, perdait de plus en plus son calme. La haine, la douleur, l'envie de meurtre s'immisçaient plus profondément dans ses veines.

— Je te jure que tu vas mourir ce jour pour ce que tu as fait à nos parents, siffla Tsukasa les poings serrés.

Hauwk se remettait de son fou rire malvenu et s'essuyait une larme de joie au coin de son œil. Il prit position en glissant l'une de ses jambes derrière et tendait l'un de ses bras en avant, incitant ainsi son adversaire à l'attaquer.

— Viens là petit, fais-moi voir comment tu vas savourer ta propre mort, annonça-t-il d'un ton glacial.

Tsukasa fermait les yeux pour revoir une dernière fois le visage de Naru dans ses souvenirs. Il savait qu'il n'allait pas s'en sortir, mais dans sa chute, il anéantirait leur ennemi de toujours, Hauwk.

Il fonçait à présent, hurlant de rage vers son adversaire. Le combat fut rude. À chaque attaque, Hauwk parait sans difficulté ses coups. Il trouvait même le temps de glisser quelques commentaires tout en bâillant :

— C'est tout ce que tu as dans le ventre, s'extasia-t-il en se penchant en arrière.

Il savait que cela aurait pour effet d'enrager un peu plus le jeune homme.

— Ton maître n'est vraiment qu'une lavette, il ne t'a rien appris, à part jouer à la dînette avec ta petite rousse...

Les coups de Tsukasa s'accéléraient, son cri de rage s'intensifiait. Dans la haine, il tombait droit dans le piège que Hauwk lui tendait.

— Ce que je vais m'amuser à tourmenter les nuits de ta moitié, ajouta Hauwk avec mépris.

C'en était trop pour le jeune garçon. Il envoyait sa jambe gauche dans le flanc de Hauwk qu'il stoppa. Puis Tsukasa prit de l'élan et frappa la joue de son adversaire, qui encore une fois immobilisait le coup.

Mais l'homme en noir ne put interrompre la main gauche enveloppée de flammes bleu mauve transpercer son sternum.

Il se mit à cracher du sang en abaissant le regard sur le bras du jeune homme qui l'avait gardé à l'intérieur.

Un rictus se formait sur le visage de Hauwk, ses yeux brillaient de maléfice malgré le sang déjà présent s'y injectaient de plus en plus.

Tuskasa n'en revenait pas, il avait réussi. Il allait pour extraire son bras, mais sentit que quelque chose le retenait.

Il baissait les yeux sur la source qui le bloquait et vit la poigne de Hauwk qui le maintenait. Le jeune homme tentait de s'extirper, mais son ennemi renforçait sa main autour de son bras.

Hauwk prit également son élan, et planta sa main dans le cœur de Tsukasa. Le jeune homme hurla de souffrance, mais son adversaire ne s'arrêtait pas là. Il s'approcha de l'oreille de son attaquant pour lui susurrer sa dernière volonté :

— Tu goûteras à l'amertume, jeune apprenti, jamais, tu seras libre de ce lourd fardeau dont je te fais cadeau, riait-il d'un son guttural, mes pouvoirs, mon passé sera tiens...

Hauwk toussait d'agonie dans le cou de Tsukasa alors que celui-ci avait les yeux remplis d'effroi.

— Ne propose pas des choses à la légère petites, commençait-il entre deux quintes, car tu as gagné...

Le corps de Hauwk commençait à s'alourdir, sentant la mort venir le faucher. Il s'agrippait un peu plus longtemps pour que dans un dernier souffle, il proféra :

— Tu passeras du côté obscur.  

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