L'ombre emprisonnée

Des pas résonnaient dans un écho sinistre au travers des galeries souterraines. Les flammes vacillantes faisaient danser les ombres sur la roche, tandis que la sienne semblait manquer à l'appel. Sa main passa dans ses cheveux bruns, laissant un soupir d'amertume traverser ses lèvres. Il s'arrêta un temps, tournant la tête vers l'entrée d'une caverne. Son regard se porta sur les racines noires qui s'entremêlaient en partant du plafond, jusqu'à la silhouette d'une ombre emprisonnée. Elle vacillait, ondulait entre les racines.

Sans qu'il s'en aperçoive, Ganossa se trouva en face de l'ombre. Une part de lui qu'il s'était arraché pour mener à bien ses projets. Il leva son bras et effleura sa silhouette, récupérant les images que celle-ci lui transmettait. Son cœur aussi noir que les abysses se serra, cependant, un sourire machiavélique se dessina sur son visage pâle.

Nakthye s'approcha de lui sur la pointe des pieds, ondulant son corps svelte dans une démarche féline. Ses yeux verts perçants, jaugea le comportement de son maître qui resta un moment le dos tourné face à l'ombre se tordant, s'étirant, tant les émotions qu'elle ressentaient étaient intenses. Or ce ne fut pas le cas pour son maître, qui ne pouvait jouir de son expérience. Il laissa son bras retomber le long de son corps, sentant la présence de sa protectrice.

— Tu sais que tu n'as pas le droit d'être ici, siffla-t-il d'une menace non dissimulée.

Elle ne répondit pas, croisant ses bras sur sa poitrine en levant le menton et plissant ses yeux. Ganossa se retourna, affichant son masque d'indifférence, puis s'avança vers Nakthye. Arrivé à sa hauteur, il apposa son doigt sous son menton et plongea son regard dans le sien. Il tut la méfiance que lui portait la panthère en posant la question :

— Où en est la horde ?

— Un sacrifice vient d'être achevé au sanctuaire de Meiji, annonça-t-elle sans émotion, mais ils ne savent pas qu'elle sacrifice vous souhaitez faire par la suite.

Elle porta l'un de ses ongles longs sur les lèvres de Ganossa, puis les effleura. D'un geste soudain, il repoussa brutalement sa main, en se détournant de son regard meurtrier.

— Je n'ai pas de temps pour cela Nakthye, gronda-t-il en en soutenant son regard.

La femme feula puis sortit ses griffes en giflant son maître. Ganossa contracta sa mâchoire, sentant le sang s'écouler le long de sa joue. Sa tête était partie sur le côté avec une telle force que, quand ses pupilles se dirigea vers Nakthye, celle-ci sentie son poil se hérisser, et une perle de sueur froide descendre lentement entre ses omoplates tant la dangerosité du rouge transperçait le regard de son maître.

Lentement, ne le quittant pas un seul instant, son corps se maintenant droit, descendit devant son aura pesante. Elle fléchit les genoux, levant la tête pour ne pas le lâcher du regard, s'agenouillant devant Ganossa. L'excitation mélangée à la crainte de tenir compagnie à une telle puissance lui fit entrouvrir les lèvres, laissant échapper un souffle irrégulier.

Ganossa ne lâcha pas la pression qu'il maintenait sur elle. Il transpirait la haine et avec ce qu'il venait d'apercevoir, sa rage ne faisait que s'accroître. Il attrapa violemment les cheveux de Nakthye dans une poigne serrée, puis la força à baisser le regard.

— La prochaine fois que tu lèveras la patte sur moi, tu peux dire adieu à ton beau pelage, menaça-t-il froidement.

— Crois-tu que Hauwk avait un tel mépris de mon prédécesseur ? rétorqua-t-elle en grimaçant.

Ganossa inspira lourdement.

— Hauwk n'avait pas ce qu'il fallait pour aboutir à son projet. Il a vu en moi, la seule chose qu'il n'a jamais pu obtenir.

Il lâcha brusquement sa poigne, poussant la femme à terre, puis s'éloigna en glissant ses mains dans son pantalon à pince. Nakthye savait de quoi il faisait référence, mais elle ne voulait pas entamer de nouveau cette discussion avec lui. Elle avait obtenu ce qu'elle désirait : que les émotions de son maître soient anéanties. Elle tourna sa tête vers l'ombre emmêlée dans les racines, puis se mit à sourire de façon diabolique.

* * *

Naru s'éveilla d'une nuit paisible passée aux côtés d'Akira. Le jeune nouveau couple ne se quittait pour ainsi dire jamais depuis leurs rapprochements dans la source chaude, provoquant inlassablement de merveilleux frissons dans le ventre de la jeune femme.

Une semaine s'était écoulé, sans que le maître, les sages ou encore Kido ne les dérangèrent, et elle accueillit ce temps de répit sans entraînement, passant le plus clair de son temps avec Akira, plongé dans les ouvrages à la recherche d'indice et de signification sur le diamant qui ornait son front.

— Tu me le dis si cela te dérange que l'on aborde le sujet, indiqua l'antiquaire en effleurant la main de Naru.

— Non, il faut bien que l'on aborde son sujet, si nous voulons réunir tous les éléments, soupira-t-elle en baissant la tête.

Ils étaient tous les deux assis sur le perron, dégustant un thé aux ginsengs, des livres éparpillés autour d'eux. Akira observa les réactions de la jeune femme, qui prit le temps d'inspirer et de soupirer.

— Donc, de ce que j'ai compris, Tsukasa... du moins, je veux dire Ganossa, se reprit-il en remarquant les épaules de Naru se tendre, a le même diamant que toi, mais en blanc.

Naru hocha la tête.

— Que se passe-t-il si vos diamants se touchent ? interrogea-t-il en prenant des notes.

Elle fronça les sourcils face à cette question dont elle ne s'y attendait pas. Une seule fois, l'expérience avait été tentée, lorsqu'ils étaient jeunes et allaient encore à cette époque au collège.

Un incident avait eu lieu, après avoir reçu des brimades des autres enfants, Tsukasa et Naru s'étaient réfugiés dans un coin essoufflé.

— Naru ? appela Akira en faisant un signe de main devant ses yeux perdu.

Elle cligna ses paupières, puis secoua la tête pour reprendre contenance, puis répondit :

— Rien de bon.

— C'est ce que j'ai cru comprendre. Dès l'instant où tu as assimilé ma demande, tu t'es perdu dans tes souvenirs.

— Je m'excuse, mais...

— Ne t'excuse pas Naru, sourit-il compatissant avant de demander. Veux-tu que nous allions nous promener avant de continuer ?

Naru acquiesça et se redressa en même temps qu'Akira. Ils partirent ensemble dans la forêt, main dans la main. La jeune femme, n'aurait jamais songé que cet homme se tenant à ses côtés, pouvait un jour la soulager la douleur qui l'étreignait jusqu'à présent. Elle se sentait prête à reprendre sa vie en main, retrouver son travail et sa collègue et amie qui lui manquait.

Ils longèrent la rive des lacs jumeaux, admirant la beauté de l'hiver se refléter sur la surface par le gel qui s'était formé en une épaisse couche de glace.

— Oh ça fait longtemps que cela n'avait pas été aussi gelé, s'extasia Naru.

Elle se tourna vers Akira, un air malicieux pétillant dans son regard, les mains dans son dos. Devinant son intention, l'antiquaire fit un pas en arrière en levant les mains et les secouant de gauche à droite :

— Non, non, je ne te suivrai pas là-dessus, indiqua-t-il peu rassurer de la solidité de la glace.

Le sourire de Naru s'intensifia devant son comportement, puis, ne le quittant pas du regard, elle défit son manteau qu'elle laissa glisser sur ses épaules avant de rejoindre la neige, suivie de son écharpe.

Akira d'abord surprit par son initiative de se déshabiller par ce froid, fut émerveillé de voir apparaître ses ailes d'une blancheur contrastant avec son diamant. Elle lui tendit la main, et sans qu'il n'y réfléchisse plus, il la lui prit, se laissant lentement guider sur la glace épaisse recouvrant le lac du dragon du ciel.

— Tu disais ? demanda-t-elle espiègle.

— Que tu es d'une beauté à couper le souffle, murmura-t-il d'une voix profonde.

Naru n'était qu'à quelques centimètres au-dessus du sol, tournant autour de lui. Akira se laissa guider et glisser sur la glace, profitant de cet instant magique avec l'héroïne, riant ensemble comme de jeunes insouciants, oubliant le temps d'un instant, les dangers rôdant autour d'eux.

Car ce ne fut pas les moindres qui les guettaient au loin dans la forêt. Adossé à un arbre, les bras croisés, dissimulant sa présence auprès des esprits et des sages guettant la jeune femme, Ganossa les observait. Sa mâchoire se contracta devant le sourire que cet homme affichait sur son visage, et de la joie qui se répandait des rires de Naru.

Il n'avait qu'une envie, de mettre fin à son existence précaire, et de reprendre sa domination sur elle avec ses cauchemars. La voir ainsi, réussissant à surmonter sa découverte quelques mois plus tôt, le contrariait. Or, il ne devait pas se permettre de rester plus longtemps en ces lieux, au risque de se faire repérer. Sa dissimulation ne durait qu'un temps, et il avait à faire pour rechercher sa prochaine victime à sacrifier.

Il se redressa, leva la tête, puis dans un bruissement d'aile, disparut de sa position, laissant un message à l'ombre se déplaçant entre les cimes des arbres :

— Surveille-la. 

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