Hauwk

Le lendemain, après avoir câliné les renardeaux et salué la Kitsune blanche, Naru se dirigea vers sa seconde épreuve. Bien avant son départ, elle avait réalisé le test d'appuyer sur le diamant noir qui ornait son front et était visible de tous. Un bien piètre fardeau, car, allez expliquer aux enfants singuliers l'ayant croisée, elle et Tsukasa, que c'était de naissance et non une fantaisie que les deux jeunes apprentis s'étaient infligée. Le diamant noir avait bien rempli son rôle et, à travers une brume épaisse, était apparu Kido, son récent compagnon. Elle en était excessivement fière, et lui aussi.

Sur le chemin, en gravissant la montagne, Naru remarqua au sommet un large poteau en bois avec un tissu rouge voletant sous les rafales. La jeune femme se hâta de rejoindre le morceau de bois au pas de course et y trouva un radeau face à une vertigineuse descente de rapides se finissant en cascade. Elle leva les yeux au ciel d'exaspération, saisissant tout de suite que la seconde épreuve était l'une des plus difficiles : descendre les rapides debout sur le radeau.

— Après ça, ils vont me pondre quoi les sages ? rumina-t-elle en soutenant la planche sur l'eau.

Naru s'installa et trouva péniblement son équilibre sur le radeau. Après avoir poussé avec un long bâton dans l'eau, la planche se dirigea vers les rapides et entama sa descente. La jeune femme peinait à garder sa position et devait ajuster ses appuis sur le radeau pour éviter que celui-ci se prenne de plein fouet d'énorme rocher sur son passage.

À mi-chemin, un gros rondin de bois passait au-dessus de la rivière. Dans sa concentration à ne pas tomber, elle réussit à percevoir un homme vêtu de la tête au pied en noir, des cheveux de jais et une peau d'une extrême blancheur. Mais un détail perturba la jeune femme : son regard. Des yeux à glacer le sang, d'une rougeur profonde nervurée de noir. Cet homme la fixait descendre les rapides dans une étrange sérénité, les bras croisés sur son torse, laissant apparaître une légère commissure au coin de ses lèvres.

Le cœur de Naru cessa un instant de battre, reconnaissant sans mal la terreur face à elle, et elle perdit l'équilibre. Mais, voulant être admise à tout prix à son épreuve, elle rattrapait sa position et réussit la fin de la descente sans trop d'encombres. Quand elle se releva, elle regarda en direction de l'homme, mais celui-ci avait disparu.

— Serait-ce... ? commença-t-elle à réfléchir à haute voix. Non, secoua-t-elle la tête.

Naru se convainquit que ce n'était qu'une illusion, sûrement créée par les sages pour la déstabiliser lors de son épreuve. Une illusion vraiment convaincante, car son cœur ne cessait pas de battre à vive allure. Le pas traînant, elle se dirigea désormais vers la troisième et dernière épreuve près du lac du dragon du ciel.

Non loin de là, cachés dans les hauteurs des pins, Meromi et Akito, le sage de l'eau, avaient observé la scène avec précision. Ne pouvant intervenir, les deux bouillonnaient de rage quand leur ennemi juré avait provoqué sa brève apparition.

— Que devons-nous faire ? rageait Akito.

Meromi se décala du tronc sur lequel elle était posée et vit la jeune femme se diriger vers le lac. Elle-même était énervée par la situation, mais à ce stade des épreuves, elle ne pouvait rien faire.

— La seule chose qu'il nous reste à faire est de veiller à ce que Naru revienne en vie de l'ultime passage, elle se tourna vers Akito et annonça d'un ton las, je vais prévenir Yuzo et Mohiro, garde un œil sur elle.

Akito adressa un signe d'accord et s'éclipsa dans une brume de vapeur en direction de Naru. Meromi, quant à elle, souffla d'exaspération de devoir apprendre au sage de la nature et au vieux grincheux, que Hauwk était de retour et qu'il surveillait de près la jeune femme.

Notre jeune héroïne arriva enfin aux abords du lac. Un vieillard regardait l'étendue d'eau avec un air morose, puis renifla et s'en alla de la magnifique vue face à lui. Éprouvant la peine de cette personne, Naru se rapprocha de lui en lui demandant d'attendre.

— Mon bon monsieur, clama-t-elle, pourquoi en ce beau rayon de soleil, votre cœur pleure la perte ?

L'homme âgé fut surpris par la question de la jeune femme et pensa qu'elle avait une curiosité bien déplacée. Mais en remarquant le diamant noir, il recula d'un pas en se demandant si ce n'était pas l'une de ses héroïnes que les légendes du village parlaient.

— Jeune fille, votre sollicitude me touche sincèrement, mais serait-ce trop de vous solliciter afin de me venir en aide ?

— Je suis là pour ça, se précipita-t-elle d'ajouter, quoi qu'il se passe, je me mets à votre service.

Le vieillard annonça alors soudainement que son village était régulièrement attaqué. Un esprit malveillant s'en prenait à leurs vies depuis des générations et des générations. Craignant pour la sûreté des villageois, le vieil homme avait demandé à tous les habitants de partir, laissant ainsi un village fantôme où seul, il restait pour combattre cet esprit. Dans son enquête, il avait découvert que la chose qui les attaquait provenait de ce lac. Mais son investigation avait trop durée, il n'était plus en âge de combattre. Naru prit la main du vieillard et, avec toute la grâce en elle, lui annonça :

— Je vais plonger dans ce lac et terrasser le mal qui vous ronge, je vous le promets.

Elle ne laissa pas le temps à la personne de répliquer qu'elle entra dans l'eau et piqua une tête. L'homme sourit face à la détermination de la jeune femme et s'évapora dans une brume de vapeur.

Akito apparut sur une branche plus haut et apprécia la détermination de Naru à secourir son prochain. Il scruta avec sérieux les alentours, observant l'apparition ou non de Hauwk. Le paysage était serein, seul le feuillage bruissait sous le faible vent. Le soleil envoya ses derniers rayons de soleil pour annoncer la fin du deuxième jour. Le sage de l'eau soupira et s'installa en tailleur, guettant patiemment le retour de Meromi ou de la jeune apprentie.

Pendant ce temps-là, Naru poursuivit sa descente dans le lac, cherchant en vain le fameux esprit qui détruisait le village en contrebas. L'eau était trouble, elle ne voyait pas à cinq mètres devant elle et le fait que la nuit tomba n'arrangeait pas sa vision. La jeune femme décida, grâce à son pouvoir, d'éclairer les lieux. Un faisceau lumineux sortit de sa paume tandis que ses pieds touchaient le sol vaseux. Une haute colline se présenta devant elle avec une forme courbée. Elle poussa sur ses jambes et nagea autour de la colline pour mieux l'observer.

Après avoir envoyé plusieurs boules de lumière. Ce n'était plus une colline qui se dressa face à elle, vacillant sous l'éclairage, mais la carcasse gigantesque d'un dragon. Ses os se désintégraient avec lenteur sous la corrosion de l'eau. Des algues et de la mousse s'étaient accrochées au squelette, rendant la vue irréelle. Naru ne mit pas longtemps à comprendre que dans les profondeurs des lacs se cachaient les vestiges du passé des dragons jumeaux. Elle admirait, ébahie, le spectacle qui s'offrait devant elle, sans se douter une seconde de la présence d'un monstre se faufilant caché, prêt à lui bondir dessus. 

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