Décision

Près du mont Tate, dans la préfecture sud-est de Toyama, vivait une personne âgée dans un temple japonais entouré par une dense forêt de cèdres centenaires.

Cet homme méditait souvent dans le calme de son sanctuaire, caressant sa longue barbe blanche et réfléchissant aux événements récents après sa rencontre avec les grands sages des lumières.

* * * 

Au cœur des montagnes brumeuses de Hida, dans les Alpes japonaises, loin des regards des mortels, se trouvait l'antre de lumière, un ancien sanctuaire où se rejoignaient les énergies cosmiques et terrestres. Perché sur un pic escarpé, le repaire émergeait des nuages comme un phare céleste, projetant une lueur dorée qui illuminait les environs, même dans les nuits les plus sombres.

L'architecture de l'édifice était majestueuse et mystique, combinant des éléments naturels avec des symboles sacrés. Les murs de pierre, décorés de motifs complexes représentant les cycles de la vie et de l'univers, semblaient sortir directement du sol, se fondant parfaitement dans le paysage.

À l'intérieur, un vaste hall circulaire accueillait les sages. Les murs de l'antre étaient couverts de fresques énigmatiques racontant les anciennes légendes et les prophéties à venir. Au centre de la salle, un autel de cristal scintillant diffusait une lumière douce et apaisante, symbole de la clairvoyance et de la pureté des âmes présentes.

Les fenêtres en arc laissaient entrer la lumière divine, créant des jeux d'ombres et de reflets qui dansaient sur les murs comme des esprits éthérés. Une atmosphère de tranquillité et de respect régnait, tandis que les sages se réunissaient en cercle, partageant des connaissances millénaires et discutant des destins du monde.

Au sommet de la salle, une ouverture circulaire donnait sur le ciel étoilé, offrant un lien direct avec les mystères du cosmos. Les étoiles scintillaient comme des joyaux célestes, témoins silencieux des délibérations des sages et des décisions qui façonneraient l'histoire.

C'était l'antre de lumière, un lieu sacré où la clairvoyance et la spiritualité se rencontraient, transcendant les frontières terrestres pour embrasser l'immensité de l'univers. Et c'est là que le maître Yuzo se faisait réprimander.

— Tu n'es plus tout jeune, Yuzo, affirma l'un d'eux d'une voix profonde, cachée sous son capuchon verdâtre. 

 Le vieil homme, courbé devant ces êtres supérieurs, subissait les paroles en réponse à sa décision qu'il avait prise. 

 — Je vous en fais la promesse, mes seigneurs, que ce seront les derniers que je formerai, implorait-il.Un silence suivit sa déclaration. Les grands sages le scrutaient d'un regard sévère.

Un silence suivit sa déclaration. Les grands sages le scrutaient d'un regard sévère.

Ils étaient cinq, vêtus chacun d'une longue tunique sombre ornée de symboles traditionnels. Des filigranes d'or étaient cousus sur le tissu de velours, incarnant les flammes du courage pour celui de droite. L'eau de la force pour celui à ses côtés, et des constellations symbolisant le savoir se reflétaient sur le maître du milieu.

Quant aux deux autres, plongés dans une conversation animée, l'un portait des gouttes de métal argenté qui se fondaient dans sa toge gris-anthracite, tandis que l'autre arborait des lianes grimpantes sur sa tunique verdâtre.

— Et où sont les autres ? s'inquiéta le maître de l'eau.

Yuzo baissait de plus en plus la tête, accablé par cette interrogation. Il savait qu'en y répondant, il en soulèverait d'autres.

— Disparus... murmura-t-il.

Les deux seigneurs, en désaccord depuis le début, se turent et s'approchèrent du vieillard qui courba davantage l'échine à leur démarche soudaine. Le maître de métal l'interrogea de sa voix froide :

— Il est réapparu ?

Yuzo hocha la tête après un long moment d'hésitation, provoquant des protestations au sein de la réunion. Chacun s'animait, débattant de l'impossibilité de telles assertions.

— Soit...

Une voix s'éleva parmi les semblables. Le maître de la création s'avança au-devant des autres, tapant de sa canne en saule tortueux sur le sol marbré avec une précision déconcertante. Son pas était assuré, ses gestes mesurés. Bien qu'il ait perdu l'usage de la vue depuis la naissance, aucun signe de vulnérabilité ne transparaissait dans sa démarche. Ses voisins le regardaient avec sérieux, cessant ainsi leur querelle, reconnaissant en lui la force et la sagesse qui transcendaient sa condition.

— Tu as notre accord.

Son timbre était doux et à la fois sonore. Le vent se leva et, dans un nuage immaculé, enveloppa les cinq maîtres qui disparurent, laissant la salle déserte et silencieuse.

Yuzo s'inclina davantage en avant, remerciant leur gratitude, même si le vide régnait à présent devant lui. Puis, il s'éclipsa à son tour.

* * * 

Un long soupir s'échappa du vieil homme assis sur le perron de son temple. Il écouta les bruits environnants. Les arbres bruissaient au gré du vent, revêtus des couleurs chatoyantes de l'automne, tandis que les sources s'écoulaient le long de la montagne pour rejoindre la rivière. Dans un bassin, des carpes koïs frétillaient sous les nénuphars, laissant paisiblement le shishi-odoshi cogner la pierre à chaque descente. Cette fontaine de bambou avait le don particulier de l'apaiser lors de ses nombreux songes.

Yuzo continuait de caresser sa longue barbe hirsute, se demandant quand il allait pouvoir trouver de nouveaux prodiges pour entamer sa dernière formation. Il tassa du tabac dans sa fine pipe en bois puis l'alluma. Ce magnifique orfèvre, sculpté dans du bambou, comportait un dragon gravé sur le foyer.

Une quinte de toux le secoua, lui faisant cracher ses poumons. Il n'était plus très jeune et la vieillesse se faisait de plus en plus ressentir, mais il savait qu'il devait trouver ceux qui pourraient le vaincre.

Il se leva et parcourut le perron pour rejoindre le dojo. Yuzo contemplait avec mélancolie tous les cadres affichés sur le mur de droite, représentant les héros passés qu'il avait eu la chance de former. C'était son univers, sa mission.

Perdu dans ses pensées, il continua la traversée du couloir puis regagna sa demeure où ses valises l'attendaient dans l'entrée. Il prit son passeport, enfila un haori sombre en coton, mit un chapeau et attrapa son sac à dos de randonnée, où un futon était méticuleusement enroulé. Il prit soin de fermer à double tour son temple et partit pour entamer sa recherche à travers le monde, espérant en son for intérieur de ne pas croiser à nouveau ce regard empreint de sang.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top