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Naru se glissa peu à peu dans la source chaude naturelle qui se trouvait non loin du temple au milieu de la vaste montagne. Elle s'immergea jusqu'aux épaules, sentant avec soulagement les bienfaits de cette eau sur son corps endolori.

La nuit était claire, laissant les étoiles parsemer le ciel. La lune se reflétait dans l'eau limpide, mélangeant habilement sa pure blancheur avec la lumière vacillante des torches longeant la source.

Elle se cala confortablement contre une pierre qui avait pris la forme d'un siège à force de la corrosion de l'eau et se prélassa en fermant les yeux.

Le calme serein planait autour d'elle. La brise imperceptible du vent faisait bruisser les feuilles des arbres l'entourant. Elle s'assoupit un instant, apaisée davantage par la sérénité actuelle.

Un autre corps s'immergea profondément avec une délicatesse surprenante dans l'eau ardente, faisant onduler légèrement la surface, ce qui ne réveilla point la jeune fille endormie.

Doucement et sans le moindre faux mouvement, l'homme s'approcha du corps souple de Naru, respirant avec une lenteur minutieuse.

Il la regarda tendrement, un fin sourire en coin, refusant de briser l'apaisement de la jeune femme. La naissance de sa poitrine était légèrement immergée hors de l'eau, perlant de sueur sous la chaleur de la source. Ses bras étaient croisés sur son ventre comme si elle enlaçait un enfant. Cette beauté l'émerveillait.

Il s'approcha de nouveau, puis leva la main pour effleurer délicatement la joue de Naru. Celle-ci ouvrit les yeux non sans surprise, reconnaissant entre mille la merveilleuse douceur de ce geste familier. Elle orienta la tête vers sa moitié, souriant légèrement.

— Tu vas de nouveau tomber littéralement dans les pommes si tu restes trop longtemps ici, chuchota-t-il en esquissant un sourire.

— Et tu seras là pour me réveiller, ajouta-t-elle en se levant.

L'un et l'autre se faisaient actuellement face, laissant la lune se refléter sur leurs corps à moitié nus. Ils avaient bien l'habitude, mais n'avaient jamais réellement franchi de cap. Leur amour était tellement fusionnel qu'ils ne voulaient en aucun cas précipiter les choses sérieuses entre eux. Tsukasa s'approcha délicatement de Naru et lui remit une mèche qui s'était collée sur son visage derrière son oreille.

La jeune fille, habituée par ses gestes d'une extrême tendresse, n'empêcha pas son cœur de battre vigoureusement à toute allure. Elle conserva ses yeux levés vers lui, dessinant inconsciemment les contours de sa mâchoire finement taillée.

Il la regarda faire sans pour autant bouger, admirant langoureusement l'eau se reflétant dans ses yeux vert cristallin. Il la prit dans ses bras, sentant sa poitrine contre son torse.

Cette longue étreinte silencieuse ne détenait pas de mots pour les décrire. Mais le regard de Tsukasa se changea, plein de malice, ne s'empêchant pas de se retenir pour engager ses mains le long des côtes de Naru. Elle se mit à gesticuler dans tous les sens sous un affluent de rires.

Naru n'était pas le plus casse-cou des deux. Les apparences étaient parfois trompeuses, car comme disait souvent maître Yuzo : il faut se méfier de l'eau qui dort profondément dans son lit.

Après ce moment d'amusement qui dégénéra en une bataille d'eau, les deux amoureux sortirent main dans la main, roucoulant sous des regards furtifs.

Tsukasa enserra les épaules de Naru d'une serviette et s'essuya ses cheveux ébène avec une autre.

— Tu sais, à la base, j'étais venu à la demande du vieux, annonça-t-il.

Naru stoppa net son geste, refermant à peine la fine serviette lui recouvrant la poitrine, se demandant sincèrement pourquoi Yuzo ne s'était pas déplacé lui-même. Devant son regard perplexe, Tsukasa ajouta avec sérieux :

— Je ne laisserai en aucun cas le maître venir te mater pendant ton bain, il a essayé une fois et je pense qu'il s'en souvient encore.

La jeune femme partit dans une explosion de rires. Oui, c'était effectivement un drôle de souvenir. Quand Naru commença à avoir un corps un peu plus sculpté, le vieillard, dans une promenade nocturne, l'avait repérée en train de se laver dans la source thermale. Non curieux et malhonnête d'épier les formes que la fillette apprenait à découvrir, il reçut le coup d'une boule de feu dans l'arrière-train. Surpris, il décolla littéralement de son buisson verdoyant, dévoilant ainsi sa position.

Naru, effrayée d'être vue par un pervers, courut vers ledit voyeur pour le faire valser d'un point sous le menton. Ce n'était qu'après que Tsukasa soit venu spontanément vers elle en courant, l'air inquiet, qu'elle comprit que l'homme qu'elle avait fait rejoindre le milieu de la forêt n'était autre que son maître. Assurément, ce jour-là, il avait pris cher.

À présent, elle se tenait les côtes, reprenant son souffle, pleurant de rire au rappel de ce souvenir.

Tsukasa l'accompagna avec joie et ils rigolèrent ensemble en se rhabillant avant de regagner le temple. Main dans la main, ils passèrent près du grand lac jumeaux. Naru était à chaque fois émerveillée par ce lieu étrange et paisible. La particularité de cette eau, même visible de nuit, était qu'un côté demeurait bleu sombre et que l'autre était bleu azur, séparés par une ligne de terre.

Leurs maîtres leur avaient conté la légende des dragons jumeaux, l'un du ciel et l'autre de la terre, qui ensemble maintenaient l'équilibre des cieux. Mais les deux frères se querellèrent pour savoir qui des deux allait gouverner les terres. Dans leurs guerres, ils plongèrent le monde dans le chaos jusqu'à ce qu'un homme, aveuglé par la rage de la gigantesque perte de sa famille, décocha une flèche de lumière dans le flanc du dragon du ciel. La créature s'écrasa dans la montagne, laissant son frère seul.

De chagrin, le dragon de la terre se posa sur la terre et s'endormit aux côtés du corps agonisant de son jumeau, liant sa queue pour le revitaliser. Le temps s'écoula, laissant librement la nature reprendre ses droits, recouvrant soigneusement leurs corps massifs d'une eau limpide, distinguant nettement chacun leurs côtés mystiques.

Tsukasa sentit la paume de Naru se serrer sur la sienne. Il orienta le regard vers elle et remarqua qu'une larme se déroulait lentement sur sa joue. Il s'approcha prudemment et l'essuya délicatement de son pouce.

— Tu repenses à la légende ? s'inquiéta-t-il en la lovant dans ses bras.

— C'est plus fort que moi, larmoya-t-elle. Chaque fois que je vois ces lacs, je ne peux pas m'empêcher de pleurer, ajouta-t-elle, le cœur serré.

Il saisit son fin visage en coupe et embrassa tendrement la jeune femme. Il s'écarta prudemment et ramassa discrètement une pierre triangulaire sur le sol.

— Viens.

Il  tira sur le bras de Naru et en s'approcha d'un cerisier en fleurs. Elle se hâta à sa suite, s'arrêtant devant l'arbre majestueux. Elle ne saisissait pas où voulait en venir Tsukasa et le regarda attentivement faire. Il commença à tailler soigneusement dans l'arbre immense, disant tout bas :

— Si le vieux nous voit faire ça, je ne donne pas cher de ma peau.

Après un moment passé sur la gravure, il se recula, laissant à Naru observer le chef-d'œuvre sous ses yeux. Deux dragons formèrent un cœur. Les détails restaient impressionnants et le tout en relief. À l'intérieur du cœur étaient gravées les initiales de Tsukasa et de Naru. Il avait ainsi inscrit leur amour sur cet arbre centenaire.

Naru se jeta littéralement au cou de Tsukasa en le couvrant davantage de baisers. Elle était épanouie de ce moment rien qu'à eux, profitant entièrement de sa caresse dans son dos. Elle ne voulut point quitter ce lieu devenu sacré à leurs yeux. Cependant, il fallait au plus vite regagner le temple où le vieillard s'impatientait en fumant sa pipe, agacé de leurs retards.

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