Bien chère E.,

Déjà j'aimerais t'informer que mon poisson s'appelle Marilyn parce que ses écailles rouges virent un peu vers le jaune. Je n'ai jamais au grand jamais vu de films avec Marilyn Monroe. D'ailleurs, à part Charlie Chaplin et Marilyn Monroe, je ne connais aucune figure du cinéma américain du XXème siècle jusqu'à nos jours. Par exemple, tu me dis Harry Potter, je vois le héros principal, mais pour ce qui est du nom... RIEN. Tu as tout à fait le droit de me traiter d'inculte.

Je vois que tu as adopté deux prénoms charmants, ma chère Eglantine Escargot.

Quel est mon monde étrange dans lequel je vis ? Disons qu'il est constitué d'un père et d'une mère très bavards qui travaillent dans des boîtes au nom farfelu. D'une grand-mère à moitié sourde qui me tricote des pulls en plein été. D'un poisson rouge répondant au doux nom de Marilyn. De quatre filles (censées être « de passage », mais l'étant toujours depuis deux mois) qui m'abordent dans la rue en s'écriant que je suis LE sosie de leur série préféré et qu'il faut à tout prix que je prenne un selfie avec elles. Chaque semaine, elles oublient avoir fait ma connaissance pour ensuite mieux m'aborder la suivante. Grâce à elles, j'ai d'ailleurs réussi à progresser en course d'endurance. D'un garçon au lycée qui, lui, me donne de grandes claques dans le dos pour me saluer, détruisant sur une courte durée la moitié de mes vertèbres. C'est d'ailleurs grâce à lui si je suis devenu aussi souple en acrosport. Et d'une pile de livres de la bibliothèque municipale qui m'attendent sagement chez moi.

J'aime beaucoup ta version du petit BAC. Elle est très originale. Tu devrais déposer un brevet pour ce jeu.

Pour ce qui est du professeur, je trouve dommage que tu n'ais pas M. Lannion, le professeur de physique-chimie. Il est très intéressant. Il n'est malheureusement pas respecté des élèves, il peine à se faire entendre, mais lorsqu'on est attentif, on s'aperçoit qu'il aime sa matière, qu'il est passionné par ce qu'il enseigne quand bien même on ne l'écoute pas.

Les slows au Bal D'Hiver du Lycée m'agacent aussi. On ne se rend pas compte, mais le lancement des slows est cruel pour ceux qui sont seuls. Je sais que je n'ai pas le droit de me plaindre, vu qu'une fille m'avait proposé de danser avec elle. Mais il n'empêche qu'avant de danser sur la piste avec elle, j'avais remarqué une fille étreignant le poteau en esquissant des petits pas. Elle dansait le slow avec un poteau. Elle dansait le slow avec un poteau parce qu'elle n'avait personne autour d'elle pour la prendre dans ses bras. Et j'avais eu mal pour elle. Moi, je me fichais d'être sur la piste, mais elle, elle semblait ne demander qu'un instant de douceur dans les bras d'un garçon.

Oui, les slows peuvent être aussi doux que cruels.

D'ailleurs, j'ai entendu dire qu'on comptait aussi faire un Bal de fin d'Année, introduit par la prestation de la chorale et celle du club de théâtre.

Va savoir pourquoi un n'était pas suffisant...

Bon, je termine là ma lettre, même si je n'ai pas dit tout ce que j'aurais voulu dire ; je suis dans ma chambre et mes parents m'appellent pour dîner.

Ah et aussi, fais attention à tes affaires, il paraît que des personnes s'amusent à fouiller, déplacer les affaires des élèves. J'espère que ces idiots arrêteront leur bêtise : ça fait deux fois que je retrouve mon sac dans la poubelle des toilettes des garçons.

Ecris-moi ta réponse dans le tome 1 de Alex Rider qui se trouve au CDI,

A.