Le lendemain matin, nous fumes réveillé par Yla qui frappa à la porte. Je me levai pour lui ouvrir tandis que Demyan poussa une exclamation étonnée lorsqu'il vit la petite. 

— Tiens, je vois que as rencontré la petite Miha! s'écria-t-elle en entrant dans la chambre, une robe pendant sur son avant bras. Ma chérie, j'ai besoin de toi un instant, ton couronnement est dans quelques heures alors tu dois commencer à te préparer! 

Elle me prit par le bras et m'entraina dans les couloirs sans que j'eusse le temps de saluer Demyan et Miha. Nous nous dirigeames vers sa chambre, à côté de celle de Pol. Celui-ci ne donnait toujours aucun signe de vie et nous avions de plus en plus de mal à garder espoir, même si nous ne le montrions pas. 

— Va te laver, me dit Yla lorsque nous arrivâmes. Je t'attends ici. 

Je traversai la chambre pour aller dans la salle de bain, ennivrée par l'odeur des roses que ma tante avait disposé en multiples bouquets. Je me lavai ensuite en vitesse puis la rejoignai, couverte d'un simple peignoir blanc. Elle m'installa sur une chaise en bois, dont le siège était rembourré et recouverts d'un tissu aux motifs floraux qui rappelait les murs. J'avais devant moi une coiffeuse nacrée, et le reflet que me renvoyait le miroir montrait ma fatigue. Ylle commença ensuite à coiffer mes cheveux, les domptant par de multiples tresses. Lorsqu'elle assembla le tout en un chignon, je ne pus que rester amirative. Cette coiffure me métamorposait. Mon visage était dégagé, faisant ressortir mes yeux verts et me rendant plus mature. Je voyais dans le miroir une femme forte, courageuse, indépendante. 

— Qu'en penses-tu?

— C'est magnifique Yla, merci, lui dis-je, émue.

— Et encore, tu ne t'es pas vu dans la robe! Elle va t'aller à merveille. Allez, lève-toi, je vais t'aider à la mettre

Je m'executais et l'enfilai, sentant déjà à quel point le tissu était de qualité. Yla m'aida alors à fermer le corset. Une fois cela fait, elle m'ordonna de me regarder dans le miroir, ce que je fis. Cette femme ne pouvait pas être moi. Ce fut à ce moment que je me rappelai de la miniature que m'avait montré Yla il y avait quelques années. Liosa portait cette robe lors de son mariage avec mon père, peu avant ma naissance.

— Cette robe appartenait à ta mère, me confirma Yla. Nous l'avons retrouvé dans la chambre de l'épouse de Rioz. Etonnament, elle avait gardé toute sa garde robe. En tout cas je suis ravie qu'elle t'aille si bien, j'étais certaine que vous aviez à peu près la même taille. 

Je m'observai dans le miroir avec une grande émotion, voyant ma mère à travers ce reflet. Elle ne m'avait jamais paru si près, si reel. Le manque de mes parents n'avait jamais été aussi douloureux. Je ne les avais jamais connu, et pourtant leur absence me pesait encore beaucoup, même si je me persuadait du contraire. J'aurais tellement aimé connaître la vie qui m'était destinée. J'aurai vécu mon couronnement comme un jour heureux, au moment ou mon père aurait pris sa retraite politique. Alors il m'aurait couronner, et c'est avec ma mère que je me serais préparée. Elle m'aurait prise dans ses bras. Elle m'aurait rassurer. 

Une larme coula sur ma joue et je l'essuyai furtivement. Je n'avais jamais aimé les robes, mais en ce jour j'étais ravie de porter celle-ci en particulier. Elle était de couleur rouge, couleur de la royauté et des Scintillants, rappelant notre symbole qu'était la rose. Le bustier, brodé d'or et d'argent, marquait ma taille sans me gêner. Quant au jupon, il était de soie et de tulle et desendait jusqu'aux chevilles dans un cascade de tissu volumineux. Une robe de reine qui représentait mon nouveau statu. 

— Qu'est-ce que tu veux comme maquillage? me demanda Yla, me ramenant à la réalité. 

— Quelque chose de simple, je ne veux pas que ça se voit. 

Elle hocha la tête et partit prendre ce qu'il lui fallait dans un tiroir de la coiffeuse. Je m'asseyai sur la chaine puis fermai les yeux. 

— Miha vient de Tawy, n'est-ce pas? questionnai-je Yla.

— Effectivement. Sa mère est décédée à sa naissance, et son père l'a suivi quelques mois plus tard... Elle s'en est sorti grâce à la solidarité qui a unit les Scintillants pendant toutes ses années. Plusieurs femmes se sont occupées d'elle pendant des années. Maintenant, je crois qu'elle est assez seule. 

— Quel âge a-t-elle?

— Onze ans environ, d'après les Scintillantes. 

Je trouvais cela incroyable que les enfants nés sur Tawy ait pu survivre. Les conditions étaient tellement rudes... La pauvre petite n'avait vraiment pas bien commencé sa vie, et je me promettais de tout faire pour que son avenir soit meilleur. 

Lorsqu'Yla eut fini de me maquiller, je fus satisfaite du résultat. Le tout était vraiment naturel. Elle m'informa alors que la céremonie aurait lieu dans une heure. Pendant ce temps, je décidai donc de rejoindre Demyan, et esperai que Miha serait également avec lui. 

Je ne les trouvai pas dans la chambre, alors je pris la direction des cuisines. Ils étaient bien là. Un sourire illumina mon visage lorsque je les vis tous les deux, accompagnés de Nouria. Elle leur avait préparé un pain aux bananes, aliment classique du petit déjeuner ivraskien. Demyan lâcha sa tartine au moment où il croisa mon regard. Je fus ravie de l'effet que lui fit ma tenu, mais je ne pus m'empecher de sentir mes joues chauffer. 

— Keryna... Tu es magnifique, bégaya-t-il. 

— Merci! 

Je me penchai sur lui pour l'embrasser, le sortant de sa béatitude. Je vis également de l'admiration dans les yeux de Miha. 

— Tu es très belle, me dit-elle avec un sourire. 

Cette enfant était adorable et je sentais que je commençais déjà à m'attacher à elle. J'avais tellement envie de la protéger, de lui offir une vie telle qu'elle en oublierait son existance sur Tawy.

— Tu vas être notre reine? me demanda-t-elle en continuant de manger. 

— Effectivement oui, mais pas besoin de m'appeler Votre Majesté ou autre, ne t'inquiète pas! Keryna suffira. 

Elle m'accorda un immense sourire, et je me sentis prête à affronter mon destin. J'allais devenir reine d'Ivraska. 

Yla me retrouva dans la cuisine, un quart d'heure avant la cérémonie. Elle était déjà essouflée et ses joues avaient rougies.

— Je te cherche depuis cinq minutes! Allez, depeche toi, les Scintillants ont déjà commencé à prendre place.

Elle me prit alors par le bras et m'entraîna dans le couloir. Je relevai les jupons de ma robe afin d'éviter de les salir, et ayant ainsi plus de facilité pour marcher. Yla m'avait forcé à chausser des esparpins de la même couleur que ma robe, ce qui était une torture pour moi. Je ne comprenais pas l'utilité de marcher sur des échasses, surtout en sachant les douleurs que cela me provoquait.

Arrivée dans le hall, Suran me prit dans ses bras et me gratifia d'un sourire admirateur. Il posa sa main sur ma joue et déposa un baiser sur mon front.

— Keryna, ma chérie, je vais aller devant la pierre. Une fois que j'y suis, tu pourras me rejoindre, me dit ma tante en me pressant la main.

J'acquiesçai, puis je la vis partir dans les jardins. C'était elle qui allait me couronner, bien que ce n'était qu'une servante avant le coup d'Etat. Normalement, c'était le père ou la mère qui courronnait son enfant. Mais dans les circonstances, nous avions décider que ce serait Yla qui s'en chargerait. Elle savait déjà tout ce qu'elle avait à faire.

Une fois qu'elle fut debout devant la pierre, Suran m'intima d'avancer en me poussant dans le dos. Après une grande inspiration, j'avançai. La lumière du soleil m'éblouit et réchauffa ma peau. Devant moi étaient réunis tous les Scintillants qui avaient pu venir. Ils se levèrent tous et commencèrent à applaudir, tandis que je me concentrai pour avancer d'un air digne. Je reconnus des visages familiers, certains scandaient mon nom, d'autres pleuraient... C'était un tel moment d'émotion que je sentis mon coeur battre encore plus fort dans ma poitrine. Je ne pu m'empêcher de sourire et d'adresser des signes de la main à mes proches. Même Hox m'accordait le plus beau des sourires, et il se pencha d'une petite courbette en riant.

Demyan était au premier rang, et je fis heureuse de voir que Nouria l'avait accompagnée. A côté se trouvait Egna, qui avait l'air ravie pour moi malgré les épreuves qu'elle endurait, et je lui était reconnaissante d'être là pour moi.

Une fois devant Yla, elle m'intima de m'asseoire sur un imposant fauteuil. Elle prit alors ma main, puis de l'autre toucha la pierre. Le silence se fit instantanément. Le temps paraissait s'être suspendu, plus aucun bruit ne se faisait entendre à part la légère brise.

— Peuple Scintillant, peuple d'Ivraska, le temps est venu de couronner votre reine. Keryna d'Ivraska, souveraine légitime par le sang, fille de Keret et Liosa d'Ivraska, va aujourd'hui devenir notre reine.

Elle prit alors le diadème posé sur un coussin de velours carmin, disposé sur une table basse d'argent et de verre. Ce diadème, délicat mélange d'or rose et blanc, agrémenté de rubis, appartenait à ma mère. Celui-ci avait été conservé, tout comme ses robes et ses bijoux.

— Keryna d'Ivraska, acceptez-vous ce rôle que votre naissance vous accorde?

— Oui, je le veux, confirmai-je en posant ma main sur la pierre en signe de serment. Je désire être votre reine et gouverner du mieux que je le peux pour faire grandir notre Île.

Je posai alors un genou à terre, et Yla déposa le diadème sur ma tête sous le tumulte des Scintillants. Les cris et les applaudissements brisèrent le silence qui s'était installé et j'eus du mal à croire ce qu'il venait de se passer. Je nageais dans un bonheur étrange, comme si cette cérémonie était l'accomplissement d'une vie.

Ce couronnement représentait tellement pour moi. J'avais eu pendant dix huit ans un diadème de cendres sur la tête, car mon royaume avait été mis à feu et à sang. En ce jour, je récupérais mes droits.