Chapitre 52: Keryna.

A dix-huit heures, je partis rejoindre Demyan. J'attendais ce moment depuis la veille. Il était déjà là lorsque j'arrivais. Il me pris dans ses bras et je cachais ma tête contre son torse. En cet instant, je pus réussir à ne plus penser à la bataille. Mais ce répits fut de courte durée.

— On va s'asseoir? proposai-je.

Il répondit par l'affirmative, alors nous avancions de quelques mètres pour nous retrouver face à un arbre. Il s'adossa à celui-ci et je m'installais en face.

— Comment tu vas? me demanda-t-il. 

Il prenait son pouls, chose qu'il faisait toujours lorsqu'il était stressé. Ce n'était pas la première fois que je le voyais faire ce geste.

— Je peux pas dire que je suis au meilleur de ma forme. Je pensais être plus motivée que jamais, encouragée par la haine et la vengeance qui boue en moi depuis tant d'année, mais en réalité je n'ai jamais été aussi stressée de ma vie.

— C'est normal. Tu pars attaquer un palais empli de gardes qui ont tous des armes, tu ne peux pas être décontractée. Tu es la fille la plus courageuse que je connaisse, je suis certain que ça va aller.

Je souris à ses paroles rassurantes. Je n'en croyais pas un mot, mais l'entendre me réconforter avait payé, mes entrailles étaient un peu moins serrée. Puis j'osais poser la question qui restait dans ma tête depuis plusieurs semaines déjà.

— Tu es sûr de vouloir faire ça Demyan? Vouloir trahir les tiens pour des sorciers? 

— Evidemment. Tu sais très bien que oui. Mon père n'aurait jamais du se retrouver au pouvoir, et tu es plus importante dans mon cœur que tous les Sans-Pouvoir réunis. 

— Tu voudrais bien répéter cette dernière phrase? demandai-je en riant.

Son rire se joignit au mien, puis il parut soudain devenir plus sérieux. Il me fixa dans les yeux, puis détourna le regard pour observer ses mains.

— Je crois qu'il est temps que je te dise quelque chose. Ce ne sont que des mots, qui n'ont pas vraiment une grande importance car tu le sais sans doute déjà, mais il faut que je te le dise. Je t'aime. J'ai l'impression que je ne serais plus rien sans toi. 

Je regardais dans le vide, un sourire béat accroché au visage. Puis voyant qu'il attendait une réponse de ma part, je m'approchais de lui et l'embrassai.

— Tu sais bien que je t'aime aussi, murmurai-je en m'écartant. Et si je ne m'en sors pas, je ne veux pas que tu prennes la défense des Scintillants. Tu fais profil bas, tu peux même aller jusqu'à nous insulter, mais n'éveille pas les soupçons. Je ne veux pas que ton père se doute de quoi que ce soit. Tu était tranquillement dans ton lit quand les alarmes de confinement ont sonné, tu n'y es pour rien, c'est clair?

— Je ne supporterais pas que des Sans-Pouvoir s'en prennent à toi, je ne pourrais pas rester sans rien faire. 

— Arrête! Si je meurs ça ne servira à rien de se venger. Je ne voudrais pas que tu le fasse, tu m'entend? Promet-le moi Demyan, j'ai besoin de te l'entendre dire pour partir tranquille. Au moins je suis sûr que toi tu resteras en vie. 

Il soupira en baissant les yeux.

— Je te le promet, murmura-t-il après quelques instants. 

— Merci... 

Nous restions cinq minutes dans le silence le plus profond, pensant à ce qui allait se passer.

— Une dernière chose. Tu as carte blanche pour mon père, me dit-il en relevant les yeux. Je sais que je t'avais dit de pas trop lui faire de mal, mais c'est un monstre qui mérite d'être remis à sa place. Il a tué des centaines de Scintillants, autant de Sans-Pouvoir, il a battu ses enfants et complètement brisé sa femme. J'en ai rien à faire de ce qui va lui arriver. Ca va lui faire du bien de se retrouver de l'autre côté, de se mettre à la place de ses victimes.

— Je te le promet. Et je n'aurais aucun mal à la tenir, ne t'inquiète pas pour ça.

— Qu'est-ce que vous allez faire de lui après tout ça?

— On a toujours dit qu'aucun Sans-Pouvoir ne serait envoyé sur Tawy tant qu'il n'a rien fait aux Scintillants. Mais ton père sera l'exception. On ne peut pas se permettre de le garder sur Ivraska, ce serait trop dangereux.

Demyan hocha la tête, sans un mot de plus. J'essayais de sonder son regard. Il paraissait presque soulagé que j'envoie son père à une mort certaine, et cela montrait à quel point son père était un personnage affreux. Jamais Demyan n'aurait pu se réjouir de la mort de qui que ce soit.

— Il faut que j'y aille. J'ai dit à Pira que je devais passer chercher des papiers au palais, alors je ne peux pas rester plus longtemps, m'informe-t-il en se levant. 

Je me relevais à sa suite, puis le prenais dans mes bras. Je ne voulais pas penser que c'était peut-être la dernière fois que je le voyais.

— On se revoit le jour de ton sacre, Altesse, murmura-t-il à mon oreille, la gorge serrée.

— Bien sûr, t'auras une place au premier rang.

Je me dégageais et observais son visage. J'aperçus que des larmes avaient coulé sur ses joues. Je les essuyais de ma main, luttant plus que jamais moi aussi contre les larmes.

— Ca va aller, on se retrouve bientôt, lui dis-je. 

Mais nous savions tous les deux que rien n'était moins sûr. 

— Allez, va, je voudrais pas que Pira se rende compte de ta disparition. Mais embrasse moi une dernière fois d'abord. 

Il se pencha alors et ses lèvres effleurèrent les miennes. Je m'accrochais à lui désespérément, passant mes mains dans ses cheveux. J'aurais voulu qu'il reste pour toujours auprès de moi. Je ne voulais pas qu'il me quitte.

— T'inquiète pas pour moi, t'es pas prêt de te débarrasser de moi! m'exclamai-je avec un grand sourire, malgré les larmes qui brouillaient ma vue.

Il me sourit, puis me raccompagna jusqu'au portail elfique.

— Keryna... N'oublie pas quelle personne exceptionnelle tu es. Fais toi confiance, tu vas y arriver. Et n'oublie pas à quel point je t'aime.

Il déposa un baiser sur front et mon cœur se serra. Je n'osais pas partir. Je ne voulais pas le quitter. J'avais l'impression de ne plus pouvoir bouger, j'avais l'horrible sensation que nous nous reverrions jamais. Je m'accrochai à son t-shirt comme si je ne voulais pas que nous nous séparions.

— Il va falloir que tu me lâche un jour, Kery, me dit-il avec un sourire.

J'acquiesçai, puis malgré moi m'éloignais de lui.

— A bientôt, lui dis-je. 

Le garde elfique me fit entrer ensuite, tandis que je jetais un dernier regard à celui que j'aimais.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top