Chapitre 48: Demyan.


Une journée après être rentré d'Eytidy, je voulus voir Keryna. Il fallait que je lui remette les armes. Mais je savais que ce n'était qu'un prétexte pour passer un moment avec elle. 

Lorsque je me levai ce matin-là, mes contusions m'empêchaient de bouger normalement, et des ecchymoses avaient fait leur apparition sur tout mon corps. Face à mon miroir, me soutenant au lavabo, je découvris mon visage tuméfié. Ma pommette droite avait pris une teinte entre le rouge et le violet. Je ne pouvais pas voir Keryna dans cet état, les questions étaient prévoyantes et je ne voulais pas y répondre. 

Devant mon corps recouverts recouvert de marques, je constatais que mon père n'avait jamais été aussi violent. Jamais mon corps n'avait été dans un tel état. J'observai mon torse rougit avec dégout, grimaçant lorsque je tâtais les ecchymoses du bout des doigts. Rien que le fait de respirer me faisait souffrir.

Je repartais ensuite dans mon lit. La seule chose que je voulais était dormir, pour tout oublier. Pourtant, même si je ne voulais pas voir Keryna dans cet état, je savais que je devais lui donner les armes, c'était trop dangereux pour moi de les laisser ici. Avec un grand soupir, je me levais donc afin de les lui emmener, ravalant ma fierté.

Je fus soulagé d'arriver devant la chaumière. Pour une fois, j'avais conduis le dirigeable pour n'éveiller aucun soupçon, mais je détestais faire cela. Je ne m'étais jamais senti à l'aise au volant de ces engins. Je descendais ensuite après avoir défait ma ceinture, puis frappais à la porte de bois rugueuse, mon sac sur mon dos. Ce fut Yla qui m'ouvrit, toujours avec ce même regard qui me signifiait que je n'étais pas le bienvenu. 

— Bonjour Yla, soupirai-je. Est-ce que je pourrais voir Keryna?

Elle me toisa de haut en bas, puis partit la chercher. J'aurais voulu lui en vouloir pour son attitude à mon égard, froide et distante, toutefois je comprenais qu'elle n'ai pas envie de voir le fils de Rioz avec sa fille. 

Lorsque Keryna descendis les escaliers à la hâte, ses flamboyants cheveux roux derrière elle, mon cœur se fit soudain plus léger. La voir me faisait déjà un bien fou. Elle s'approcha alors de moi et fronça les sourcils à la vue de ma pommette bleuie. 

— Qu'est-ce qui t'es arrivé? murmura-t-elle en l'effleurant du bout des doigts, me faisant frissonner.

— Pas maintenant, lui dis-je. 

Je pris sa main dans la mienne avec un sourire. Puis elle baissa les yeux, l'air confuse. 

— Je suis tellement désolée pour l'autre jour... Je n'ai fait que d'y repenser, et il faut vraiment que je sois stupide pour dire des choses pareilles. Je sais que tu ne me trahiras jamais. C'est juste que, j'ai l'habitude de détester les Sans-Pouvoir, c'est nouveau pour moi ce qu'il y a entre nous. Alors j'ai tendance à agir de manière un peu excessive.

— Arrête Keryna, tu n'as pas besoin de t'excuser. Tu es franche et c'est une de tes plus grandes qualités. Donc je ne t'en veux pas pour ça, je ne peux pas t'en vouloir pour quelque chose que tu ressens, tu n'y peux rien changer.

Elle se pencha alors et me prit dans ses bras, ravivant les douleurs que supportaient mon corps depuis la veille. Elle dut s'en apercevoir en raison de mes muscles crispés, car elle s'éloigna d'un pas avec une mine sérieuse.

— Il te bat, c'est ça? me demanda-t-elle avec la mâchoire crispée de rage. 

— Pas maintenant je t'ai dit, et surtout pas là. 

Nous étions toujours sur le pas de la porte et je savais qu'Yla nous écoutait. Keryna me prit alors la main et m'emmena vers les plaines. Une fois dans un endroit tranquille, nous nous assîmes face à la foret si paisible.

— Dis-moi, j'ai besoin de savoir, me supplia-t-elle en serrant ma main davantage.

Je n'avais pas envie de lui en parler, de subir cette humiliation, mais je ne voulais pas lui mentir non plus. Et puis elle savait déjà, elle désirait juste entendre la confirmation.

— Tu connais la réponse, lui dis-je alors, d'une voix plus sèche que je l'aurais voulu.

Je pensais lire de la pitié dans ses yeux, peut-être même du dégout, mais pas tant de rage. 

— Je te jure, Demyan, que je pourrais tuer ton père de mes propres mains pour ce qu'il te fait endurer. Tu n'imagine pas à quel point il me dégoute.

Elle prononça ces mots sans élever la voix, sans montrer les émotions qu'elle ressentait, mais ses yeux étaient brillants de larmes. Puis elle me prit de nouveau dans ses bras, faisant cette fois-ci attention de ne pas me blesser. 

— Plus que quelques jours et je te promet que tout ça sera terminé. Il ne lèvera plus jamais la main sur toi, chuchota-t-elle à mon oreille.

Je fermais les yeux et la serrais contre moi. Jamais je n'avais eu de soutien, et je me sentais soulagé d'avoir enfin quelqu'un sur qui m'épauler. Nouria s'était occupé de moi durant de nombreuses années, mais jamais elle n'avait fait allusion aux marques que je portais régulièrement. Elle croyait mon père, qui lui racontait que j'étais encore une fois tombé dans les escaliers. Je pense qu'elle n'y croyait pas vraiment, mais elle préférait se dire cela, ne pouvant rien faire pour moi.

— Demyan? Je suis désolé pour ce que je t'ai dit lorsque je suis venue te voir pour la première fois à la caserne, me dit-elle en se détachant de moi.

Je mis du temps à me souvenir de ses paroles. Puis cela me revint et j'en souris. "Tu as grandis avec une cuillère en argent dans la bouche", m'avait-elle craché.

— Tu ne pouvais pas savoir, répondis-je. Et puis en quelque sorte tu n'avais pas tord, je n'ai jamais manqué de rien sinon.

— Mais tu n'as jamais connu l'amour d'une famille, et cela c'est bien ce qui peut arriver de pire...

Je méditais sur ses paroles quelques instants. Elle avait raison, mais peut-être que je connaitrais cela un jour tout de même. J'observais Keryna, le regard porté vers la lisière de la foret. Je m'imaginais avec elle, dans le château, entouré d'une poignée d'enfants. Je me mis à rire en imaginant des petites têtes rousses courir à travers les pièces. Keryna et moi ne nous connaissions pas assez, et étions bien trop jeune pour envisager sérieusement de fonder une famille, mais cette idée me plaisait.

— Qu'est-ce que tu as? me demanda-t-elle en voyant mon sourire. 

Je me mis à rougir, n'ayant aucune envie de lui faire part de cela. Mais elle insista tellement que je finis par céder. J'avais le visage cramoisie. Puis alors que je m'attendais à ce qu'elle se moque de moi, elle me sourit et posa sa tête sur mon épaule.

— Moi aussi, ça me plairait. Mais pas maintenant! ajouta-t-elle en rigolant. 

Un sourire illumina mon visage et je me rendis compte que mon cœur n'avait jamais été aussi léger.


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