Chapitre 42: Keryna.

Après que Demyan soit repartit, je restai quelques instants seule avant de parler aux Scintillants. J'avais besoin de ce moment de tranquillité. Après m'être allongée sur le dos, j'observai donc le ciel strié par les branches verdoyantes des arbres. Mon cerveau était rempli par l'appréhension et toutes sortes de questions, alors j'inspirais de grandes bouffées d'air afin de libérer un peu mon esprit; en vain. Même la brise qui caressait mon visage ne suffit pas à me calmer. Puis je partis après un soupir vers le royaume des elfes. 

En arrivant devant l'entrée, je fus déçue de ne pas y trouver Eneuk. J'aurais aimé pouvoir lui parler de ce qu'aucun Scintillant n'aurait compris. Je savais que mon peuple ne verrait pas d'un bon œil l'arrivée d'un Sans-Pouvoir dans notre plan, et cela m'angoissait malgré les paroles rassurantes de Demyan.

Lorsque je fus arrivée sur la terrasse immense qui nous servait de salle de réunion, tout mon peuple était déjà présent. Yla me lança un regard appuyé tandis que Suran tapotait du doigt sa montre. Je les ignorai tous deux. J'agrippai alors la branche d'un arbre et me hissai dessus, sentant l'écorce me griffer la main. Je fus prise d'un léger déséquilibre puis me repris. Une centaine de Scintillant m'observait, et comme toujours je ne fus pas très à l'aise d'être le centre de tous ces regards. 

Après une grande inspiration, je me lançai donc dans le résumé de notre plan. Tout se passa bien, jusqu'à ce que le nom de Demyan franchisse mes lèvres. A ce moment-là, tous les yeux s'écarquillèrent et certains commencèrent à protester, et même m'insulter. Face à ce débordement de situation, je ne savais plus très bien comment réagir. Puis après quelques secondes de flottement, je me ressaisis.

— Stop! m'écriai-je. Taisez-vous. Demyan est le fils du roi et est un Sans-Pouvoir, mais il n'est pas celui que vous croyez. J'avais les mêmes à priori que vous lorsque je l'ai rencontré, exactement les mêmes. Je ne pouvais pas m'empêcher de l'agresser chaque fois qu'il me parlait. Je voyais en lui le responsable de notre situation, et encore plus car il était un legio. Mais il n'a pas eu le choix. Il est autant victime de Rioz que nous, lui aussi est animé par la vengeance. Certes, pas la même que nous, mais si vous connaissiez son passé vous comprendriez qu'il veut renverser son père. Il veut que les choses changent, car il veut protéger son peuple aussi et ce n'est pas possible tant que son père est là. Il me fait confiance et veut que je prenne sa place. Sans lui, nous sommes perdus. Si nous refusons son aide, nous n'arriverons probablement pas à atteindre la pierre et nous serons tous exécutés. Si vous me faites confiance, acceptez ma décision. Je le connais et sais qu'il ne nous trahira pas. Nous nous devons d'accepter son aide, je manquerais à mon devoir si je refusais son offre, car je vous mettrais encore plus en danger de mort. Il est le seul qui peut nous protéger. 

Je finis ma tirade avec le souffle coupé. Les Scintillants avaient cessé de parler et j'attendais que l'un d'eux dise quelque chose. Ils n'étaient pas convaincus, je le voyais, mais je pensais qu'ils avaient compris qu'ils n'avaient pas le choix.

— Si je comprends bien, on est obligé de se coltiner le fils du roi, car notre princesse s'est amourachée de lui? lança Hox, les bras croisés sur son torse. 

Le rouge me monta aux joues comme jamais il ne m'était arrivé dans ma vie. Je me sentis humiliée et dus papillonner des cils pour que les picotements dans mes yeux cessent. Je voulais répondre au plus vite à cette pique, mais j'avais peur de bredouiller; c'était bien la première fois que je ne savais pas quoi répliquer.

— Ecoute, Hox, je me devais de lui soutirer des informations. Mais il n'y a rien entre lui et moi, et il en restera ainsi. Ne t'imagine pas des romances là où il n'y en a guère, mentis-je après quelques instants, en relevant la tête.

Il haussa un sourcil, mais à mon grand soulagement, ne répondit rien. Je respirais enfin. 

— Bon, passons désormais aux groupes, continuai-je comme s'il ne s'était rien passé. Nous sommes cent treize Scintillants qui allons se battre. Il me faudrait deux groupes de quarante-six personnes, dont l'un passera par les toits, et l'autre par le souterrain. Puis le dernier sera constitué de vingt personnes, pour m'escorter jusqu'à la pierre. 

Suran indiqua alors les numéros des groupes et des files commencèrent à se créer. Je fus étonnée du nombre qui voulait m'accompagner. La plupart des Scintillants s'amoncelaient dans cette file malgré les avertissements de mon frère, qui leur affirmait qu'ils ne pouvaient pas tous être là. Je souris à cette agitation. Puis je descendis de la branche d'un petit saut, me réceptionnant sans aucune grâce. 

Tous commençaient déjà à se battre, dont Hox qui incendiait une jeune femme qui n'avait visiblement rien demandé. Je m'approchai en secouant la tête. 

— Hox? Pourrais-tu arrêter de jurer comme un charretier? lui demandai-je, les poings sur mes hanches.

— Cette gamine a l'âge de mes gosses, elle n'a pas à être de ceux qui t'accompagnent. Tu dois choisir les meilleurs à tes côtés Keryna, ne nous fais pas prendre de risques supplémentaires. 

Je tressaillis à cette pique, mais n'en fit rien remarquer. Je me tournais ensuite vers la jeune femme et soupirai. Hox n'avait pas tort, je ne pouvais pas accepter cela; elle ne devait pas avoir plus de quinze ans.

— Comment t'appelle-tu? la questionnai-je d'une voix douce. 

— Jeka. 

— Je suis désolée Jeka, mais ce ne sera possible. D'ailleurs, je ne pense pas que ce soit une bonne idée que tu participes aux combats, tu me parais un peu trop jeune.

— Ils ont tué mes parents, je me dois de les venger, répliqua-t-elle sèchement. 

C'est à ces mots que je me souvins de son visage. Elle avait beaucoup changé depuis la dernière fois que je l'avais vu, mais je ne pouvais pas oublier ses yeux bleu si profond. Ses parents avaient été pendus bien des années après le coup d'état et elle avait été en choc traumatique durant plusieurs semaines. Heureusement pour elle, elle était chez sa tante lorsque les legios les avaient embarqués. Et face à cette détermination dans son regard, je ne pus m'empêcher de me retrouver en elle. Jamais je n'aurais accepté que l'on m'exclue des combats.

— Je comprends, lui dis-je alors en posant une main sur son épaule.

Elle me lança un pâle sourire puis je m'éloignais. 

Grâce à Suran, les groupes étaient enfin constitués du bon nombre de personnes. Evidemment, il s'était lui-même mis dans le groupe qui m'accompagnerait. Une violente douleur me contracta alors les entrailles lorsque je réalisai que je pouvais le perdre. Plus les jours passaient, plus je me rendais compte de cette réalité et cela me rendait malade. Mais il ne fallait pas que je pense à cela. Je devais me concentrer sur la pierre et non sur ce qui se passerait.

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