Chapitre 34: Keryna.

Après plusieurs heures à vaguer dans les plaines et les bois d'Ivraska, je me sentais épuisée. Bien que l'île n'était pas très grande, je pouvais mettre des mois avant d'en faire le tour. Je commençais déjà à désespérer. Depuis huit mois, mon Oiseau devait donc errer dans la nature, sans savoir si je viendrais un jour le chercher.

Assise sur un rocher inconfortable, je me reposais avant de repartir. Fermant les yeux, je me concentrais sur le chant des cigales et l'odeur enivrante de la terre humide. Je restais là quelques instant, profitant de cette belle journée. Puisque lorsque je rouvris les paupières, je vis une imposante tête d'aigle à dix centimètres de mon visage. L'Oiseau. Je ne pus m'empêcher d'étouffer un cri et reculais en appuie sur mes bras. Le corps crispé et les yeux écarquillés, je n'osais plus bouger. L'animal tourna ensuite sa tête sur le côté, m'observant avec attention. Je me mis alors à rire, de nervosité, d'admiration et de soulagement.

Il était impressionnant. De deux fois ma taille environ, j'étais persuadée qu'il pouvait me tuer d'un claquement de bec. J'aimais beaucoup les aigles en temps normal mais j'avais plus de mal à faire confiance à celui-ci. Je l'admirais donc en silence, toujours sans esquisser un seul geste. La plupart des plumes de son corps variaient du bleu marine au bleu azur, et celles de sa tête paraissaient faîte dans de l'or. Quant à ses yeux, j'aurais pu les confondre avec des topazes. Il brillait tellement au soleil qu'il en était éblouissant. C'est alors qu'il s'approcha un peu plus de moi et cette fois-ci je ne reculais pas. Avec crainte, j'avançais donc ma main de sa tête, jusqu'à entrer en contact avec la douceur de ses plumes.

Je ressentis en moi une grande intensité, comme si un lien palpable me reliait à l'Oiseau. J'avais l'impression qu'un fil soyeux et élastique nous attachait l'un à l'autre. J'en fut émue et regrettais de ne pas l'avoir cherché  plus tôt.

-Bonjour mon grand, comment vas-tu? murmurai-je en caressant encore sa tête.

Bien qu'il ne me répondit bien évidemment pas, je ressentais au fond de moi comment il se sentait. Et il était heureux. Heureux de rencontrer celle avec qui il était lié désormais jusqu'à sa mort. Il releva ensuite la tête et je me demandais quel nom j'allais bien pouvoir lui donner. Je ne pouvais pas continuer à l'appeler l'Oiseau. Il serait pour moi bien plus que cela.

-Fastic. Qu'en penses-tu? Ca te plaît?

Il poussa un petit cri que je prenais pour un oui. Avec amusement, je me levais et me mesurais à lui. Je ne pouvais vraiment pas le ramener chez moi, nous ne pourrions pas le cacher. Le seul endroit où il serait en sécurité était le royaume des Elfes. Je pris donc la décision de m'y rendre, me demandant en même temps comment j'allais bien pouvoir l'emmener. Je savais que mes alleux montaient dessus afin de voler, mais je n'en avais aucune envie pour l'instant et ce n'était absolument pas discret. Je ne pouvais pas prendre le risque qu'un Sans-Pouvoir me repère.

Je commençais donc à marcher, l'encourageant à me suivre avec des claquements de langue. Le royaume des Elfes n'étant pas très loin, nous y fûmes en moins d'une heure. Je revoyais alors Eneuk, le neveu de la reine avec qui j'avais passé un agréable moment.

-Salut Keryna! Je vois que tu as trouvé ton Oiseau. 

-Eh oui, mais il me faut maintenant un endroit où le garder. Je ne peux malheureusement pas le prendre chez moi, lui dis-je en frôlant les plumes de Fastic.

Il me laissa ensuite entrer et je me dirigeais vers la maison d'Egna. Tous les elfes me regardaient avec étonnement, mais je ne m'en occupais pas. Lorsque j'arrivais chez mon amie, je me mis à l'appeler du bas de l'arbre. Elle sortit alors, souriant à ma vue.

-Je vois que vous vous êtes rencontrés. Félicitations, me dit-elle. Et je suis heureuse d'apprendre que tu es la princesse, je n'ai pas eu le temps de te le dire depuis que je l'ai appris. 

-Merci. Tu as eu des nouvelles de ta sœur sinon?

-Non, toujours pas, répondit-elle tandis que son regard s'assombrissait. 

Elle baissa alors les yeux et je ne sus pas quoi dire pour la réconforter. Chaque jour qui passait était encore plus angoissant pour elle, je le savais, et pourtant je ne pouvais rien y faire. Puis elle releva la tête avec un sourire un peu forcé.

-Bref, je suppose que ce n'est pas pour ça que tu es venu. Dis moi plutôt pourquoi.

-Il faut que je trouve un endroit où mettre mon Oiseau, Fastic. J'ai pensé que tu pourrais m'aider. 

-Bien sûr! Ils aiment particulièrement les grottes, et même si le royaume en est une immense, il y en a de petites également à l'intérieur. Nous devrions pouvoir en trouver une par ici.

Elle me prit alors par le bras et m'entraîna avec elle. Quelques minutes plus tard, nous découvrions donc une grotte parfaite pour Fastic. J'observais alors sa réaction et le vis s'avancer vers celle-ci. A première vu, cela paraissait lui plaire. 

-J'aimerais beaucoup passer du temps avec lui, mais je ne suis pas certaine d'en avoir en ce moment. Alors si tu pouvais lui rendre visite au moins une fois par jour, ce serait super, lui dis-je, un peu gênée. 

-Rien ne me ferait plus plaisir, ne fais pas cette tête. Il m'a tout l'air d'être adorable. J'aurais besoin de lui apporter à manger? 

-Normalement non, il se nourrit lui même. Mais il faut que j'y aille maintenant. Même si je n'ai finalement pas mis beaucoup de temps à le trouver, Yla sera rassurée de me voir revenir. 

Egna acquiesça puis je partis dire au revoir à Fastic. Je lui promettais à voix basse de revenir le plus tôt possible et quittais ensuite le royaume des Elfes. 

En sortant, je jetais un coup d'œil à ma montre. Il était quatorze heures passées et pourtant le soleil paraissait encore à son zénith. Je passais ma main sur mon front humide, déjà fatiguée par le soleil cuisant. Puis c'est alors que sur le chemin de ma maison, je découvris un homme inconscient et gravement blessé sous un arbre. Un legio.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top