Chapitre 17: Demyan.
Arrivé devant le palais, je fus pris d'un doute et voulu rebrousser chemin. Qu'est-ce qui m'avait pris de venir ici? Comment avais-je pu croire que mon père accepterait ma demande? Non, cela ne servait à rien d'y aller. Il serait encore plus suspicieux à mon égard. Puis alors que je me retournais, une image fit irruption dans mon esprit et me paralysa. Je revoyais clairement le plus jeune des enfants Scintillants, son regard si désespéré et apeuré. Je ne pouvais pas les abandonner, c'était impossible. Je gravis alors les marches avec détermination, le cœur tambourinant dans ma poitrine.
Lorsque j'arrivai devant son bureau, je repris mon souffle durant quelques secondes, puis frappai. Je l'entendis m'inviter à entrer, ce que je fis donc. A l'instant ou je le vis, je me sentis rapetisser sous le poids qu'il exerçait sur moi. Je tentai de garder une posture droite, un visage levé, mais la crampe dans mon ventre me ramena à la réalité.
— Tiens donc, mon fils. Je n'ai même pas eu le temps de te féliciter il y a cinq jours, tu es partit comme un voleur. Alors, qu'est ce qui t'amènes ici?
— Justement, je voulais vous parler de ça, annonçai-je d'une voix peu assurée. Epargnez-les, au moins les enfants.
— Pourquoi? Pourquoi ferais-je une telle chose?
— Ils ne sont pas responsables de ce qu'on fait les Scintillants de votre époque, les enfants n'étaient même pas nés. Ils ne peuvent pas être condamnés pour quelque chose qu'ils n'ont pas commis. Leur seul crime est d'être né de parents sorciers.
— Et c'est déjà un bien grand crime. Les Sans-Pouvoir ne veulent plus de Scintillants sur Ivraska, alors ils seront exécutés aussi.
— Ils ne sont pas une menace, ils ne contrôlent plus aucune magie désormais. Laissez-les vivre comme nous, personne ne verra la différence.
— Tu me fais bien rire fiston! Ils restent tout de même une menace, bien évidement. Ces deux jeunes enfants deviendront adultes, et alors là ils voudront se venger. Venger leurs parents, venger leur peuple. Nous ne pouvons pas prendre ce risque.
— Je vous en supplie, je ferais tout ce que vous voulez, finis-je par dire, étant à bout d'argument, et connaissant l'absence de cœur de mon père.
— Demyan... Tu es ridicule. T'abaisser à ce point pour des Scintillants. Tu fais honte à notre nom, tu souilles les Vosris. Mais comme tu as osé venir me le demander, je vais faire un effort. Les enfants ne seront pas exécutés, ils iront sur Tawy.
J'eus l'impression de recevoir un coup de plus dans l'estomac, me coupant le souffle. Les envoyer sur cette île, ce serait simplement une mort plus lente et plus douloureuse. Ils ne pourraient pas survivre à ces conditions. Je voulus répliquer, mais n'en eu pas le courage. La bataille était perdue d'avance.
Je tournai alors les talons avec le menton tremblant. Je ne savais pas vraiment à quoi je m'attendais en venant voir mon père, il ne pouvait pas y avoir une autre issue que celle-ci. Je priais alors pour que les enfants soient récupérés par la femme que j'avais vu sur Tawy. Peut être que grâce aux réserves que je leur avait laissé, ils pourraient vivre. Cette tentative pour me rassurer était bien maigre, mais je n'avais que cela.
Plus les heures passaient, moins je me sentais bien. Je m'étais réfugié dans ma chambre, enfermé à double tours. Chaque seconde qui passait rapprochait un plus la famille Scintillante de la mort. Alors que le flux de mes pensée continuait d'affluer, je décidais de retenter ma chance. Mon père ne voulait pas céder à ma demande, très bien, désormais j'allais le menacer. Je ne voyais pas d'où me venait cette audace, mais il fallait que je le fasse.
Je retournai alors dans son bureau et entrai sans frapper. Il releva la tête avec une lenteur absolu, puis me toisa de haut en bas avec ses sourcils levés.
— Soit vous libérez les enfants, soit je révèle au peuple ce que vous faites de leur argent, et que vous détruisez les réserves des Scintillants de Tawy. Même si les Sans-Pouvoir n'aiment pas les sorciers, ils détestent encore plus qu'on leur mentent. Cela nuirait beaucoup à votre image, père.
— En voilà une première, mon fils qui me parle de la sorte. En général, je tue ou torture ceux qui me font affront. Mais toi, ta mort susciterait trop de question, et ta mère n'accepterait pas... Et puis, je n'ai pas le temps de te passer à tabac aujourd'hui, me dit-il, tandis que j'arrêtais de respirer. C'est la première fois que tu fais preuve de courage, même si ce n'est pas pour la bonne cause. Alors soit, je libère les enfant. Seulement les enfants. Trouves-leur quelqu'un pour s'occuper d'eux.
Le choc m'empêcha de répondre et je ne pus qu'afficher un sourire béat. Mon cœur restait encore meurtrit par le sort des parents, mais le fait d'avoir sauvé deux membres de leur famille me rassura un peu.
— Tu es bien trop bon avec nos ennemis, Demyan. C'est la dernière fois que j'accepte une telle idiotie, alors ne crois pas que tu as gagné. C'est moi qui impose les règles, tu n'es qu'un pion dans mon jeu. Un pion un peu rebelle ces derniers temps, certes, mais qui retourneras bien vite à sa place si je le lui ordonne.
Je hochai la tête avec raideur, puis fis demi-tour. Une fois passé le seuil de la porte, je respirai enfin. Il ne me restait plus qu'à trouver quelqu'un pour recueillir les deux enfants Scintillants. J'aurais aimé pouvoir passer un peu de temps avec eux, pouvoir les soutenir dans cette épreuves, mais ce n'était pas mon rôle. Celle qui serait en mesure de veiller sur eux était Nouria, ma nourrice, néanmoins je ne savais pas si elle accepterait. Elle n'avait pas d'enfant et jamais elle ne m'avait révéler si c'était un choix ou pas. Peut-être qu'elle en serait heureuse. Je ne pensais pas qu'elle soit de ceux qui méprisaient les Scintillants. Je décidai alors d'aller la voir, cela en vaudrait probablement la peine.
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