Chapitre 14: Keryna.

La nouvelle avait fait le tour de l'île en une journée et je n'arrivais toujours pas à y croire. Quatre Scintillants, quatre personnes de mon peuple, allaient se faire exécuter. La dernière avait eu lieu deux ans auparavant, et j'en gardais un souvenir encore très vif. Je voulais faire quelque chose, mais Yla m'en avait empêché. Et après réflexion, je savais qu'elle avait raison. Cela aurait été suicidaire, et les Scintillants avaient besoin de moi. Je ne pouvais pas mettre ma vie en danger sans penser aux conséquences. 

Pourtant ne rien faire me rendait malade. Bien que je ne les connaissais que très peu, j'avais l'impression que l'on m'arrachait à un proche. Etant donné le peu de sorcier qu'il restait, nous nous considérions tous de la même famille. Je savais qu'ils ne possédaient pas de papiers d'identité en règle, et je m'en voulais de ne pas leur en avoir payé. Je me sentais coupable. Si tout le monde avait donné un peu de son salaire, peut être que tous les Scintillants seraient protégé par cela. Mais je connaissais le prix des papiers en règles, seul l'un d'eux équivalait à plus d'un an de salaire pour la plupart d'entre nous. Peu pouvaient se le permettre. 

Alors que j'assistais Suran à la cuisine en cette fin d'après-midi, Pol arriva, journal en main. Après l'avoir salué d'un vif signe de tête, je lui demandais les nouvelles. 

— Rien de nouveau, malheureusement. L'exécution sera bien publique, comme prévu. Elle aura lieu dans quatre jours. Pauvres gosses, ils n'avaient même pas dix ans... 

Je me mordis la lèvres, les yeux humides. Je me souvenais surtout du plus jeune, Hutys, qui était né voilà sept ans. C'était un petit garçon qui me ressemblait drôlement, avec des cheveux roux comme les miens et le visage parsemé de taches de rousseur. Je souriais tristement en me le rappelant. 

— On ne peut vraiment rien faire? Au moins pour les petits? lui demandai-je. 

Il secoua la tête, puis nous laissa seul. Suran me prit alors dans ses bras, conscient que j'en ressentais le besoin. Sa présence me calma un peu, même si elle ne suffisait pas à atténuer mes tourments. 

— Je ne comprends pas comment les Sans-Pouvoir peuvent faire ça. C'est tellement inhumain... Et dire que j'ai parlé avec ce Demyan, crachai-je en grimaçant. Je ne pourrais plus supporter sa présence, je vais arrêter de le voir. 

— C'est sans doute une bonne idée, ces gens là sont des monstres.

Je soupirais, me détachant de lui. De toute façon, notre rencontre n'avait pas été une réussite. Je n'avais obtenu aucune information importante et ne pus m'empêcher de lui montrer mon dégoût pour lui.

Le lendemain matin, je décidais de partir me promener. Après ces deux dernières journées, j'en ressentais grandement le besoin. Je pris mon écharpe à la volée, puis prenais le sentier qui menait à la forêt. L'air frais me fit un bien fou. En ce début de matinée, tout était calme, je n'entendais pas grand chose. Puis au bout de moins d'une demi heure, le bruit de mes pas foulant les feuilles mortes me permit de ne plus penser à l'exécution des Scintillants

Alors que je décidais de rebrousser chemin, je crus apercevoir un animal blessé. Je m'approchais et découvrais finalement une fée de la taille de ma main, dont les ailes ressemblaient à des pétales violets, coincée entre plusieurs ronces. La pauvre petite avait l'air bien en peine et j'avais peur de la blesser d'avantage en tentant de l'aider. Après quelques secondes de réflexion, je me penchais tout de même vers elle afin de la dégager. Elle poussa quelques cris aigus et plaintifs, puis je réussi enfin à la prendre dans mes mains. 

— Tu vas bien? lui demandai-je.

Elle eut seulement le temps de replacer une mèche derrière son oreille, puis s'évanouit. Je grognais en levant les yeux au ciel, me demandant qu'est-ce que j'allais faire d'une fée inconsciente. Bien qu'elles étaient de sournoises créatures, je leur portais un certain attachement et je ne pouvais pas me résoudre à l'abandonner. Je prenais alors la direction du domaine des Elfes, priant pour que mon amie, Egna, soit là-bas. 

Dix minutes plus tard, j'arrivais enfin devant la grotte souterraine aux roches humides. Je traversais la cascade, puis me retrouvais dans une sorte de hall. Un garde elfique se tenait devant l'entrée, droit comme un piquet. Bien que je ne le reconnus pas, il parut savoir qui j'étais.

— Keryna Tohar, que viens tu faire ici? me demanda-t-il de sa voix claire.

Il se dégageait de lui une aura puissante et je mis un temps à reprendre mes esprits. 

— Je viens voir Egna. J'ai trouvé une fée dans la forêt, elle est blessé. 

Il hocha la tête, puis ouvrit la porte. L'entrée était en réalité un simple mur rocheux, qui paraissait devenir liquide, puis gazeux, et nous permettait de pénétrer dans le royaume. Je me retrouvais alors face à cet endroit merveilleux. Je me mis à sourire sans même m'en rendre compte. Bien qu'il y faisait plutôt sombre, le domaine était tellement décoré par de multiples arabesques luminescentes qu'il paraissait plus lumineux que n'importe quel endroit. Aujourd'hui, beaucoup de monde s'agitait dans les rues, et je me demandais quelle en était la cause. Puis je me souvenus qu'ils fêtaient en ce jour l'anniversaire de leur dirigeante. Je me frappais le front, me demandant comment j'allais trouver Egna dans toute cette agitation. Serrant la petite fée contre moi, j'avançais tout de même vers sa maison.  

Mon amie habitait, comme tous les Elfes, dans une demeure perchée dans un arbre. Ceux-ci étaient bien plus imposants que ceux de dehors, ce qui l'expliquait. Je montais alors l'escalier enroulé autour du tronc puis frappais à la porte. 

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