85 🐠

Incohérence

— C'est pourquoi ? Râla le conseiller de guerre.

Vasco était là, à son bureau, avec Otis et Jiemon, observant Aramis allongée sur le canapé les pieds nus en éventail, alors que quelqu'un venait de frapper à la porte. Swam entra et fronça les sourcils en essayant de comprendre ce que disait la sorcière. Il comprit au bout de deux minutes qu'elle se fichait d'eux lorsqu'elle leur annonça que le meilleur tiramisu se faisait avec des Chocobons.

N'importe quoi.

— Aramis ? Coupa Swam en fermant la porte après que Lucan soit entré.

Otis, Vasco et Jiemon lui jetèrent un regard de remerciement, alors que la sorcière fronça les sourcils.

— Hum ? Tu n'es pas censé être dans ta chambre toi ?

Oui, mais une idée aberrante avait germé dans sa tête après qu'il ait lu une bonne dizaine de commentaires à son sujet. Le brun était resté sur l'application bien plus longtemps qu'il ne le pensait et il devait aller donner la potion aux autres, alors il était sorti un peu plus tôt pour voir Aramis. Heureusement, il n'avait pas eu à chercher longtemps.

— Je voudrais voir ta fille, répondit Swam.

— Pourquoi ?

— J'avais des choses à lui demander par rapport à notre mission aux enfers.

— Notre mission, corrigea Jiemon. Vous n'y étiez pas convié, vous vous êtes incrustés sans permission.

— Et je vous ai tous sauvé, de rien.

— On s'en serait sorti sans vous.

— Si tu veux ouais. Bref. Ta fille a eu quelque cours d'introduction à la divination non ?

— Oui à distance depuis quelques mois. Généralement on l'enseigne en troisième année, mais on sait que cela ne ferait pas de mal à Ginger de connaître les basses, ne serait-ce que pour la rassurer. Pour l'instant son professeur essaie de cerner quel type de vision elle a et comment. La plupart du temps elle prédit des choses simples comme le repas ou la météo. Mais des fois ça n'a rien à voir.

— Comme ce qui est arrivé avec Livi ?

— Entre autres oui. Il lui a été recommandé d'écrire ce qu'elle voyait, allez savoir pourquoi elle a décidé d'en faire une histoire.

— Je ne te suis pas là.

— Ginger n'avait vu que des images : une grenouille, un géant, un cochon, un verre de vin et d'autres. C'est elle qui a décidé d'en faire une histoire basée sur le conte de la rue Broca et de le donner à Livi.

— Justement : pourquoi est-ce qu'elle le lui a donné ? Pourquoi est-ce que c'est Livi qu'elle a décidé d'envoyer ? Ça me trotte dans la tête depuis un moment. Elle aurait pu envoyer quelqu'un de plus performant comme Jiemon où Elysion.

— J'ai questionné Alexane à ce propos, fit Lucan. Livi a été plutôt rapide pour désactiver ce truc.

— Quand nous étions là-bas, Léviathan a complètement pété un câble parce qu'elle avait effacé des codes, leur apprit Jiemon. Je dois avouer que ça nous a bien aidé. On a gagné quelques précieuses minutes grâce à ça.

Vasco comprit rapidement le nœud du problème. Il croisa les bras contre sa poitrine en se calant dans son siège avant d'ouvrir la bouche.

— Comment peux-tu accéder à des fichiers sur une machine que tu n'as jamais vu ?

— En la connaissant, répondit Aramis du tac au tac.

— Et comment ? On n'a aucun engin de la sorte ici. Même si c'était le cas, comment est-ce qu'elle pouvait connaître les mots de passe pour accéder à ces fichiers ?

Aramis haussa les épaules sans bouger du canapé, les autres vampires restèrent silencieux.

— Certaines fois tu ne te souviens plus d'un mot de passe jusqu'à ce que tu te trouves devant le clavier, prononça Lucan.

— C'est un peu gros tu ne crois pas ?

— Quelques mois après son arrivée, elle a utilisé l'ordinateur de Mona pour accéder à sa messagerie. Elle se souvenait du mot de passe mais n'a pas pu y accéder car l'intendante avait bloqué l'accès, raconta Lucan.

Jiemon ne demanda pas pourquoi sa messagerie avait été bloquée, il se doutait que cela était une demande du roi. Il avait entendu dire que le souverain avait un contrôle total sur ses amants.

— Pourtant quand elle a eu accès à son téléphone, elle ne se souvenait plus du code pour le déverrouiller, ajouta Lucan.

— Soit, admettons qu'elle se souvienne de cela, à quel moment a-t-elle pu travailler sur ce genre de machine ? Demanda Otis.

— Je ne sais pas trop mais je vais devoir m'absenter quelques jours et j'aimerais que tu la surveilles Jiemon.

— Très bien.

— Nous avons détecté des revenus supplémentaires sur son compte, continua Lucan. Pourtant rien n'a été déclaré à ce sujet, et je ne comprends pas pourquoi une partie de son dossier est classée secret défense alors qu'elle n'était que dans la section de maintenance.

— Tu as réussi à l'ouvrir ? Fit Vasco.

— Non.

— Où est-ce qu'elle travaillait ? Demanda Jiemon.

— À la Naval Air station Alpha-L, répondit Swam

— Tu veux dire la N.A.S.A.L ? Fit Jiemon. La base militaire de loup garou à Orléans ?

— Oui.

— Et l'autre site ? Demanda Aramis à Swam.

— Je ne sais pas.

— Comment ça tu ne sais pas ? S'offusqua Otis.

— Je n'ai pas cherché à savoir c'est tout.

— Tu te fiches de qui ? S'énerva Vasco.

— De personne pour le moment, répliqua Swam sur le même ton. Je t'assure qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter. On en avait parlé avec Livi, on s'était même disputé à ce propos, mais elle ne pouvait rien me dire. Elle m'avait juste assuré que ce n'était pas un boulot dangereux.

— Qu'est ce que tu en sais ?

— Je lui fais confiance c'est tout.

— Non ce n'est pas tout. Contrairement à ce que tu crois, tu as des comptes à rendre !

— Je ne crois pas non ! C'est ma vie privée, ça ne regarde que moi !

— Tu sais très bien que non ! Arrête de faire le gamin tu as passé l'âge !

— Et toi arrête de me traiter comme un gamin ! Vous êtes tout le temps sur mon dos avec Jagger !

— A juste titre ! Tu fous la merde partout ! Je passe mon temps à ramasser les assiettes que tu casses !

— T'as cas toutes les foutre dans une putain de poubelles ! Mieux encore, si ça t'emmerde tant que ça arrête de t'en occuper ! Pourquoi j'm'engueule avec toi au juste ? Je venais juste voir Aramis !

— Parce que tu ne nous dis pas tout !

— Et alors ? Au dernière nouvelle tu n'es ni psychologue, ni mon père ! Pourquoi je te raconterais ce genre de chose sachant que tu iras le répéter à l'autre andouille la seconde suivante ?

— L'autre andouille c'est le roi, ayez un peu de respect, ronchonna Jiemon.

— J'en ai rien à foutre ! Trancha Swam.

— Donc c'est lui le problème ? Nargua Vasco.

— Ça a toujours été lui le problème !

— C'est bon vous deux ça suffit, calma Otis.

— Ginger est à l'école et à moins qu'on te donne une autorisation de sortie, ce qui ne se fera pas, tu ne peux pas te rendre à la Margaritifera, intervint Aramis.

Swam jeta un mauvais regard à Vasco et soupira d'énervement, il avait oublié ce point. Depuis qu'il était ici en attendant son autre procès, Jagger, grandement appuyé par Vasco, lui avait interdit de quitter le Palais, "histoire de lui mettre un peu de plomb dans la cervelle". L'américain ne pouvait donc pas se rendre à la Margaritifera, l'une des zones d'habitations mise à disposition pour les vampires qui ne résidaient pas au Palais.

— Je lui demanderais si tu veux.

— Ça me va, dis moi juste ce qu'elle t'a répondu.

— Ok. Tu vas où ?

— Potion.

Sans en dire plus, Swam quitta le bureau de Vasco et se dirigea vers le laboratoire avant de bifurquer vers l'infirmerie. Quelques échos lui avaient appris que Rosario avait été placée dans une nouvelle chambre de repos. Il avait envie de passer la voir, pour prendre de ses nouvelles, mais aussi parce qu'Elysion lui avait envoyé quelques messages auxquels il n'avait pas répondu. Autant faire d'une pierre deux coups.

Il savait qu'il approchait de son but lorsqu'il aperçut des vampires pousser des chariots, néanmoins il ralentit son allure, méfiant. Il s'arrêta finalement un moment pour observer les alentours en touchant le bijou à son oreille. Elle était légèrement chaude, mais cela ne l'inquiéta pas plus que ça. Il y avait autre chose de bizarre pourtant il ne voyait rien.

Peut-être qu'il devenait parano ...

Il s'arrêta de nouveau avant d'ouvrir la porte du secteur médical. Cette fois-ci il en était sûr : il y avait quelque chose qui clochait. Ce n'était pas quelque chose que l'on voyait, mais plutôt une que l'on ressentait. Comme lorsque que l'on épiait à distance. C'est bizarre. Même si quelques vampires étaient présents, il avait l'impression que cela venait de plus loin.

Swam recula précipitamment pour éviter de se prendre la porte qui s'ouvrit brutalement. Jagger lui lança un regard lourd et Swam comprit qu'il se trouvait au milieu du passage, l'empêchant d'avancer. Il se poussa et son alertomètre interne retomba à zéro en voyant les deux démons qui se trouvaient avec lui. Plus besoin de chercher, la réponse à ses questions se trouvait juste derrière Jagger. Ils avaient beau être avec lui depuis des années, Swam avait toujours un peu de mal à se faire à leur présence et son bijou chauffait légèrement en leur présence. Son regard se dirigea plus bas sur les dagues accrochées à la ceinture de Jagger. Il n'y avait rien à craindre tant qu'il les avait avec lui, mais cette étrange sensation resta dans un coin de sa tête.

Jagger sentit son regard sur lui alors il se retourna en croisant les bras. Il vit Swam toucher sa boucle d'oreille, celle-ci avait retrouvé sa température habituelle, puis observer ses démons. Pourquoi est-ce qu'il les fixait comme ça ?

— Quoi ? 

— Feur, répondit instantanément Swam avant de s'éclipser comme un enfant.

Jagger leva les yeux au ciel et se dirigea vers son bureau en oubliant cette vieille blague des années 2000. Il y a des jours où il ne comprenait vraiment pas Swam, mais bon il le laissait tranquille tant qu'il ne traînait pas dans ses pattes.

Lorsque Swam se présenta à l'accueil, la secrétaire s'inclina poliment devant lui avant de répondre à sa requête. Rosario se trouvait sur la droite, derrière la jolie porte bleue de la chambre n°4. En étirant son cou, il aperçut Aldric de l'autre côté de la chambre au ton clair, agitant ses pieds sous le drap de temps en temps. Swam entra le plus silencieusement possible et posa sur chacune de leur table de chevet une fiole tiède et opaque. Il s'étonna de ne pas voir Elysion dans la chambre. Où est-ce qu'il pouvait bien être ?

— ATCCHEEUUUU !

— Imbécile !

Ci fai o ci sei ?! Injuria Rosario dans sa langue natale.

Les deux vampires avaient sursauté en entendant Aldric éternuer aussi fort. Swam ravala ses remords en se disant qu'Aldric allait très bien s'il pouvait éternuer aussi fort et en rire comme une dinde.

— Bon j'voulais vous faire une blague mais c'est raté, lâcha le français.

— T'es vraiment con des fois ! Souffla Rosario en arrangeant son oreiller.

— Ca vous apprendra à me laisser pour mort.

Swam s'était peut-être inquiété pour rien, les deux vampires avaient l'air d'aller plutôt bien.

— Pardon, lâcha-t-il.

C'était minable, Swam n'avait rien trouvé de mieux à dire, mais en même temps il le pensait sincèrement.

— De ne pas remarquer que j'avais été remplacé par un caméléon, alors qu'on est de bon ami ? L'enfonça Aldric. J'espère bien que t'es désolé, ouais.

— J'ai remarqué que ce n'était pas toi, mais pas tout de suite.

— Quand ?

— Lorsque l'on a été invité par Seth pour la course des pigeons.

Aller savoir pourquoi, ces volatiles faisaient fureur en Egypte et honnêtement lui aussi aimait bien voir ces oiseaux disputer une course de 300 km jusqu'au Caire. "Ne sous estimez pas un pigeon" avait l'habitude de dire Aldric pour rire ; pourtant durant cet évènement, Swam l'avait trouvé étrange. Ce n'était pas une chose flagrante, mais l'accumulation de petits détails insignifiants, notamment lors de leur mission sur le chat d'argent, avait titillé la curiosité de Swam. Initialement, il pensait qu'Aldric avait un souci, mais n'avait pas pu en parler à cause de la disparition de Livi. Swam avait alors momentanément disparu des radars de Jagger en se rendant en enfers. A son retour, une invitation de Lucan pour le palais l'attendait. Puisqu'il ne réussissait pas à retrouver la jeune femme par ses propres moyens, Swam avait saisit l'occasion pour demander de l'aide à quelques personnes du Palais. Seulement, il ne s'attendait pas à la retrouver là-bas.

Ces doutes sur Aldric avaient de nouveau fait surface. Le comportement de Coconut, le fait que la langue du français était devenue d'une autre couleur quand il avait mangé ses chips, son attitude un peu plus calme, sa façon de se battre lors de l'attaque, l'oubli de certains mot de passe ... Toutes ces petites choses lui avaient mis la puce à l'oreille. Avec l'accord de Jagger, Swam avait été sur le coup et avait emmené Aldric sur une fausse mission qui avait dramatiquement conduit à la mort de Carabosse. Le pire dans tout cela, fut que le faux Aldric n'était pas le seul imposteur. Il y en avait deux. Le premier avait été démasqué et mis au cachot, le deuxième lui se pavanait toujours dans le palais. Cette fois-ci Swam ne pouvait pas intervenir. Avec ce procès qui lui collait à la peau, il était momentanément hors jeu.

Aldric pouffa en voyant la figure crispée de Swam qui réfléchissait.

— Tes moches quand tu réfléchis, plaisanta le français en le charriant avec son pied.

— Je reste quand même plus beau que toi.

— Depuis quand as-tu disparu, précisément ? Demanda Rosario.

— Aucune idée. Mais je ne me souviens pas être allé à la course des pigeons. Je suppose que j'avais disparu avant cet événement.

— Je suppose que le chat d'argent ne te dit rien non plus.

— Nope. Pourquoi ?

— Pour rien. J'aime poser des questions inutiles.

— T'as tes règles ou quoi ? Pourquoi t'es aussi ronchon, maugréa Rosario.

— Vasco m'a soulé.

Aldric avala sa boisson d'un seul trait, suivi par les deux autres vampires avant qu'Elysion n'ouvre la porte. L'italien observa avec étonnement les trois vampires puis s'asseya à côté de sa femme sur le lit avec un pot de yaourt.

L'arrivée de l'italien relança la conversation sur d'autres sujets bien plus légers et récréatifs. Lorsqu'une infirmière entra, Swam s'en alla d'un salut de la main puis remonta le couloir en vue de retrouver Guiseppe. Il ralentit sur le chemin en croisant Arthur. Le blondinet releva la tête, se sentant épié, croisa le regard de Swam et continua son chemin tout aussi silencieusement. Depuis qu'il était revenu, Swam n'avait pas été le voir une seule fois. Il ne savait pourquoi mais il avait l'impression que cette action serait déplacée venant de lui. Il se sentait un peu coupable pour ce qu'il lui était arrivé ...

Le jeune prince n'eut pas le courage d'aller voir Arthur, en revanche il dériva dans l'allée voisine d'où émanait des geignements cocasses. Il tomba sur Coconut, à l'ombre d'un poteau en train de se tortiller comme s'il était infesté de puces. Swam se pencha légèrement et son ombre fit sursauter le chat qui tenta de s'enfuir. En un tour de main le vampire attrapa le félin en s'asseyant dessus sans l'écraser et s'énerva en voyant la paire d'ailes qui s'échappait de la bouche de l'animal. Rageusement Swam essaya d'ouvrir la gueule de chat qui grogna de plus belle en le griffant.

— Recrache-le !

Coconut finit par ouvrit la bouche et l'oiseau qu'il essayait d'avaler, s'étala au sol enrobé de salive luisante.

— Saleté d'chat, pesta Swam.

Coconut tenta une nouvelle fois d'attraper l'oiseau puis s'enfuit la queue entre les jambes en voyant Swam le menacer avec sa sandale. Swam souleva son oiseau entre ses mains. Le pauvre était complètement perdu et son plumage poisseux lui donnait une drôle de tête. Il battit des ailes sans pouvoir décoller. L'oiseau réessaya mais il ne décolla toujours pas. Il semblait bouder d'énervement ce qui fit sourire Swam.

— T'inquiète pas je vais te nettoyer, tu seras tout beau.

Il fallait vraiment que Coconut arrête de bouffer son oiseau ... Mais avant ça il avait une tournée à terminer.

•°•°•°•°•°•

Hey, vous suivez toujours ? L'histoire est plutôt longue mais je préfère l'écrire comme je l'avais prévu plutôt que de tous changer et regretter. J'espère que ça vous plait toujours.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top