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Baba Yaga

— Merde, pesta Aramis.

Assis dans un coin du canapé, Bélial cessa de jouer avec la lame de son arme et orienta son regard vers la sorcière.

— Tu l'as senti toi aussi ? Fit-il après avoir ressenti un frisson.

— Qu'est-ce qui se passe ? Interrogea Tinaugus, attiré par leurs paroles.

— On les a perdus un instant, fit le démon en se levant.

Les mains dans les poches, il s'approcha de la sorcière-vampire et observa les flux magiques qui s'échappaient de ses mains.

— Comment ça perdu ? S'inquiéta le couturier.

— Le lien c'est affaibli un moment, mais ça va, rassura-t-elle.

L'intensité de flux magique, après avoir faiblit quelques secondes, était redevenu stable, mais ce n'est pas pour autant qu'elle s'en réjouissait. Il avait légèrement diminué et Aramis, comme Bélial, ne pouvait en aucun cas voir ce qu'ils se passaient du côté des concubins en mission. Ils ne pouvaient que les localiser et s'adapter aux messages qu'ils leur envoyaient. Ils ne pouvaient rien anticiper, et c'est d'ailleurs ce qui les frustraient.

— Ils sont donc déjà arrivés, murmura le couturier pour lui-même.

— Peut-être... Fit Bélial en se caressant le menton.

— Je ne crois pas, contra Aramis. De toute les façons ça ne sert à rien de s'inquiéter, s'ils ont un problème ils nous le feront savoir.

Tinaugus hocha la tête avant d'entendre un bruit provenant d'une des pièces voisines.

— Comment est-ce qu'ils s'en sortent ? Quémanda la sorcière sans pour autant se déconcentrer.

— Bien pour le moment, répondit simplement Tinaugus en jouant avec une paire de ciseaux. Ils se sont rapidement habitués à leur nouveau corps et les jumelles leur font savoir tous ce qu'ils ont à connaître.

Le plus vieux croisa les bras contre son torse.

— Nous n'avons pas grand-chose à craindre tans qu'ils restent ici, continua-t-il. De toute les façons, le roi est absent et seuls Vasco, Béryl, Otis et Lucan viennent ici. D'après ce que j'ai compris Béryl est dans la combine, quand Otasco, ils sont occupés.

— Otasco ? Répéta Bélial.

— Oui, Otis et Vasco. C'est ainsi que Livi les appels pour faire plus court. Elle trouve que ce nom leur va bien, et puis ça ressemble au mot tacos, gloussa-t-il. Bref, quoi qu'il en soit, le seul dont nous devons réellement nous méfier est Lucan.

Dans ce genre de situation, Aramis se demandait si Tinaugus ne portait pas la poisse. La discrétion, lorsque l'occasion l'exigeait, était un des points fort du sénéchal et un des points faibles du couturier.

Il avait dit cela pile lorsque Lucan passa le pas de la porte mal fermée.

— Sénéchal ! Sursauta Tinaugus. Vous êtes là depuis longtemps ?

Aramis se pinça l'arête du nez. Lorsqu'il était gêné ou surpris en flagrant délit, Tinaugus vouvoyait les personnes, quand bien même est-ce qu'ils se connaissaient depuis très longtemps. Et puis il ne savait pas mentir.

Lucan pris place sur le canapé et ricana en répondant au couturier qui pâlit légèrement. Il est vrai qu'il était entré au moment où Tinaugus finissait sa phrase, mais ce qui le surpris réellement, c'est que le blondinet était déjà au courant. Il savait que les trois concubins étaient partis, que les fantômes les avaient remplacés et plus encore.

Perplexe par tous cela, Aramis eut du mal à croire le blond qui leur informa que l'information n'avait pas fuité. Suspicieux, elle détailla sans gêne le sénéchal qui discutaient avec les deux garçons. Silencieusement, la sorcière jugea l'attitude de Lucan qui en savait beaucoup plus qu'il ne le devrait. Elle l'interrogea plusieurs fois, mais à chaque fois il lui délivrait une réponse vague.

— Je garde ça pour moi, fit doucement Lucan lorsqu'Aramais creusa la question. Si je suis là c'est parce que j'ai besoin que tu me rendes un service, fit le blond à l'intention du membre de l'équipe 1.

— Je suis occupé, lâcha Bélial.

Visiblement le démon semblait bien décidé à profiter de ces vacances improvisées, puisque Jagger n'était pas là. Tinaugus s'était toujours demandé ce que les membres de l'équipe 1 pouvaient bien faire lorsqu'ils ne se trouvaient pas avec le souverain. Il formait certes une équipe, mais les démons étaient avant tout des êtres solitaires. Ils coopéraient pendant leurs missions, mais Tinaugus les voyaient mal discuter de leur week-end lorsqu'ils n'étaient plus en service. En fait, il se demandait même est-ce qu'ils leur arrivaient de faire une pause. A chaque fois qu'ils les voyaient, lorsqu'ils ne se trouvaient pas à proximité du roi, ils avaient l'air occupé. A faire quoi ? Telle était la question.

— Oui c'est ce que je vois, retourna Lucan avec ironie. Ça ne sera pas long et Aramis semble très bien se débrouiller seule. De toute façon cela se passera aussi de la sorte lorsqu'ils seront aux enfers. Elle ne pourra pas assurer la totalité du lien tant qu'ils ne seront pas sortis de la bouche de la baleine.

— Pardon ?

— Enfin il serait plus correct de parler de cachalot, continua Lucan sans faire attention à l'air surpris qui s'était emparé des autres. Mais beaucoup de personne pense que c'est une baleine.

— Mais de quoi tu parles ? Fit Aramis.

Lucan parlait ni plus ni moins que du grand cachalot blanc qui ondulait dans les eaux profondes. Tout à son aise malgré les courants marins, le balèze cétacé en apnée s'aventurait vers les eaux froides du nord, en transportant cinq individus dans sa gueule.

Encore hier, Livi n'aurait pu y croire.

Au fil du temps, les narrations orales furent calligraphiées sur des manuscrits, ou encore enregistrées sur des plateformes numériques ; mais toutes avaient fini par être délaissées, abandonnées. Certaines avaient évolué, d'autres au contraire avaient disparus, perdues à jamais dans les toiles entremêlées des mémoires. C'est doute pour cela qu'un bon nombre de personne l'avait oublié, ce qui n'était pas plus mal.

A la suite des grandes guerres surnaturelles, Moby Dick c'était fait discret et choisissait les lieux, où il pouvait remonter à la surface pour prendre son souffle, avec précaution.

Figure océanique mythique, Momo avait traversé de nombreuses années paisibles, parfois entrecoupées par du transport, à cause d'un certain vampire aux yeux verts, ainsi que par quelques affrontements houleux contre celui qui allait devenir son déjeuner. Cela avait été le cas avec le dernier calamar géant qui avait croisé sa route. Un morceau de tentacule visqueux était d'ailleurs resté coincé entre ses dents.

Chose que Livi n'avait, heureusement, pas remarqué.

Swam la trouvait déjà suffisamment nerveuse, sans doute parce qu'ils étaient assis dans cette cavité buccale odorante et poisseuse depuis un bon moment. De plus, elle était la seule à ne rien voir. La jeune femme, dont (l'âme/l'esprit) avait été récemment transféré dans un corps de poupée, ne pouvait que se fier au son sourd qui vibrait à ses oreilles, sur l'odeur salée de poiscaille qui commençait à lui brûler les narines et sur la texture spongieuse qui se trouvait sous ces fesses.

Elle ne ratait pas grand-chose de toute façon. Le décor qui les entourait n'avait rien de folklorique. Il était plutôt morbide, terne, ennuyeux et écœurant.

— On est bientôt arrivé ? Demanda Livi.

— Presque.

— C'est exactement ce que tu as dit il y a une bonne demi-heure, cracha immédiatement Alexane.

Swam souffla de lassitude. Il avait uniquement dit cela pour la vampire brailleuse se taise.

Il faut dire que patauger dans de la bave tout en étant trempé, était loin d'être une situation idyllique. Swam avait même du renouveler la feuille de protection qu'ils avaient posé sur leur nez et qui leur fournissait de quoi respirer à peu près convenablement.

— C'est vraiment dégoutant, pesta Alexane.

— C'est pratique, contrèrent Joris et Swam.

— On ne se fait pas repérer de cette façon, précisa Aldric.

— Comment est-ce que tu as fait pour le rencontrer. Il n'est pas censé nous... Manger ? Continua Livi, toujours aussi sidérée par le calme dont les garçons faisaient preuve.

Visiblement, il n'y avait qu'Alexane et elle que cela incommodait.

— C'est une longue histoire que je garde pour moi, rigola Swam. Mais pour résumer, disons que j'ai bien fait de ne pas écouter Jagger sur ce coup-là.

— Ne prend pas la confiance non plus, c'est une des rares fois où tes bêtises sont utiles, fit Aldric.

— Tu es de quel côté au juste ?

— Du sien, c'est lui qui verse mon salaire, pas toi.

— Bonjour l'amitié ! Lâcha-t-il en frappant la cuisse du blondinet.

Le français pinça sa peau en contre parti et lui tira la langue, sous les rires discrets de Joris, ce qui fit sourire Livi. Ils commencèrent à se chamailler gentiment tandis que Livi ramena ces jambes contre sa poitrine et posa son menton sur ces genoux. Elle ne voyait peut-être rien, mais elle sentait l'épaule de Swam, assis à sa gauche, la bousculer à plusieurs reprises. Cela ne l'importuna pas, mais elle commençait à trouver le temps long, comme Joris qui fini par demander où est-ce qu'ils se rendaient. Un silence de quelques secondes se profila avait que le prince ne lui réponde.

— On va voir Baba Yaga, en Russie. Elle fait partie des sorcières qui surveillent les entrées terrestres des enfers, comme Carabosse.

Livi tilta en entendant le nom de la sorcière.

— Il semblerait que les sorcières surveillant les entrées sont attaquées ces temps-ci, informa Joris en repensant à ce qu'il s'était passé plus tôt. Es-tu sûr que c'est une bonne idée d'aller la voir ?

— Oui et puis elle n'est pas comme Carabosse.

— C'est-à-dire ?

— Carabosse était extrêmement vieille, même pour une sorcière. Sa magie a fui son corps il y a un bon moment déjà. Elle faisait toujours figure d'autorité malgré sa faiblesse, mais d'après ce que m'a dit Aramis, il ne lui restait que quatre ans à vivre, voire moins.

Joris fronça les sourcils. Il semblait en savoir beaucoup sur une affaire qui concernait pourtant les sorcières et non leur espèce.

— Quelqu'un a été nommé pour la remplacer ? Demanda-t-il.

— Je ne peux rien dire désolé. Quoi qu'il en soit debout, on est arrivé.

— Comment tu le sais ? Demanda Livi en sentant sa main se poser sur son épaule et descendre la ligne de son bras jusqu'à sa main.

— La bave commence à se retirer, fit-il en la tirant pour qu'elle puisse se lever. On va bientôt se faire éjecter.

— Éjecter ?

— Tout ce qui entre fini par sortir à un moment où un autre. Pour ma part je ne tiens pas à passer par le conduit anal. Allez venez, fit-il sans lâcher la main de Livi.

A la suite de ces derniers mots ils avancèrent, à l'aveugle pour Livi, dans le corps de l'animal. Lorsqu'il se stoppèrent, elle ressenti une secousse sous ces pieds. Les mains de Swam vinrent alors se poser autour de son cou, maintenant le bas de sa tête et sa nuque puis leur indiqua de retenir leur respiration. A peine eurent-ils prit un grand souffle, avant qu'ils ne se fassent brutalement expulser vers le haut. Livi senti nettement son corps quitter l'eau pour fendre l'air, puis replonger dans l'eau en émettant un beau plouf. Sa tête apparue prestement à la surface. Après avoir pris de nombreuses et grandes bouchées d'air, elle s'accrocha au cou de Swam qui nagea en direction de la rive, sans remarquer la silhouette qui se tenait debout, non loin d'eux, sur la plage, au sec.

Seul le ciel au-dessus de leur tête attira son attention.

Elle ne savait pas si cela était l'œuvre du décalage horaire ou s'ils avaient juste passé un très long moment dans la bouche de Moby Dick, qui s'en était allé, mais la nuit était totalement tombée. Les étoiles disséminées dans le ciel aussi noir que de l'encre, brillaient au-dessus de leur tête. Cette nuit s'accompagnait une forte brise maritime qui la fit frissonner lorsqu'ils atteignirent la plage.

— Beau plongeon.

Alors qu'elle se frottait les yeux, Livi sursauta et reporta son regard sur celui qui se venait vers eux. Si les autres s'étaient tout de suite dirigés vers lui, elle resta un instant songeuse et se renfrogna en le reconnaissant.

DUNSKYCH Bronislaw, Le prince des vampires de Russie.

S'il y en avait bien un qui ne lui avait pas manqué, c'était lui. Livi avait encore du mal à se faire à sa tête de tueur à gage. La dernière fois qu'elle l'avait vu, il était habillé d'un costume chic pour la fête au palais. Aujourd'hui, cet homme de grande taille était.... Aussi habillé chiquement. L'ensemble et l'élégant long manteau qu'il avait revêtu lui prodiguait une allure scandaleusement princière.

Il avait de la chance d'être aussi bien taillé celui-là...

— Tu as bien reçu mon message alors, fit Swam en prenant la serviette qu'il lui tendait.

— Tes messages, corrigea-t-il avec son accent écrasant. Oui je les ai tous reçus. Tu es au courant qu'il est possible d'envoyer tout un paragraphe en un seul message ? A croire que tu aimes faire vibrer mon portable...

— Je sais que tu adores ça, sourit Swam, vicieusement.

Bronislaw lui claqua la nuque et Aldric pouffa.

Le russe, à une soirée où il avait fini ivre, avait plaisanté une seule fois sur ce sujet, en comptant qu'à cause des grandes poches de ces pantalons, les vibrassions de son portable excitaient son organe sexuel à proximité. Complètement immergé dans l'ambiance de la soirée, Swam, Seth et Tic Tac lui avait alors envoyé plusieurs messages, pour vérifier ces propos. Ils avaient alors éclaté de rire en voyant le téléphone vibrer dans sa poche et une bosse se former dans son pantalon.

Depuis Swam envoyait de simple message en plusieurs fois, par ce qu'il savait que ça agaçait le Russe.

— Tu es venu seul ? Reprit plus sérieusement l'américain en se massant la nuque.

— Oui, j'ai pris les dispositions nécessaires. La voiture est par là, fit le russe en indiquant de la tête la voiture noir garé un peu plus haut.

Alors qu'il allait s'avancer vers le véhicule, il remarqua Livi qui se tenait en arrière. Il la fixa un instant avant de reprendre son ascension. Il ne posa aucunes questions sur les trois personnages qui accompagnaient les deux princes. Leur visage lui était inconnu et il avait compris depuis des années que moins il se souciait des affaires de Swam, moins il aurait d'ennuis.

Lorsque la dernière porte claque, et sans même s'assurer que tout le monde ait attaché sa ceinture de sécurité, le vampire charismatique mis le contact et appuya sur l'accélérateur.

Alors qu'ils s'équipaient d'une veste chaude, le reste de leurs vêtements ayant été séchés indirectement par Aramis, un fin nuage de sable s'éleva après le passage de la grosse voiture. Les roues quittèrent, quelques secondes plus tard, le terrain sableux et foulèrent le goudron. Tandis que la voiture filait, les passagers du véhicule écoutaient attentivement Swam et Bronislaw qui clarifiaient la situation en leur parlant de Baba Yaga.

La sorcière gardienne du royaume des morts était une spécialiste des arts divinatoires et révélait des secrets à ceux qui posaient les bonnes questions. Lorsque c'était le cas, les cadeaux qu'elle offrait étaient intimement liés aux circonstances. Cela pouvait paraître flou, voir absurde sur le moment, mais l'étrenne donnée s'avérait toujours utile.

La discussion cessa lorsqu'une isba, fut visible dans la végétation forestière. Braquant le volant sur la droite, Bronislaw se dirigea sans aucune crainte vers la maison russe traditionnelle en bois visible devant eux.

Bronislaw et Swam jetèrent de nombreux regards dans le rétroviseur, qui reflétait les passagers à l'arrière, et sourirent grandement en voyant les visages étonnés des autres. Ce n'est pas tous les jours que l'on voyait une maison en bois, soutenue par deux pattes de poule se déplacer.

— On l'a trouvée, mais le plus dur reste à faire, déclara Swam.

— Comment ça ?

— Il faut stopper la maison et convaincre la sorcière de vous laisser monter. Al', vient avec moi, on descend. On va l'encercler. Vous, restez dans la voiture.

Respectant les ordres donnés par le prince aux yeux verts, les trois concubins restèrent silencieusement dans la voiture, mais regrettèrent de ne pas être descendus, peu de secondes après. Si Swam et Aldric courraient de part et d'autre pour restreindre le périmètre, eux s'étaient accrochés à leur ceinture de sécurité comme si leur vie en dépendait. Ce qui était enfaite le cas. Leur estomac commença à se nouer sous les nombreuses accélérations, freinages et changements de direction de la voiture. Bronislaw lui ne se préoccupa nullement de l'état nauséeux de Joris, concentré à ne pas se faire écraser par les pattes de poule de la maison.

Affolée, la maison divagua, manquant d'écraser deux fois la voiture, avant de se stabiliser. Petit à petit, les pattes de poule retrouvèrent une marche calme et finirent par s'arrêter à un endroit.

Bronislaw se gara alors face à la maison et les fit descendre. Joris n'hésita pas une seconde et sauta hors du véhicule en respirant fortement. Il se promit alors, s'il avait le choix, de ne plus jamais remonter en voiture avec le russe. Livi et Alexane, un peu étourdies, descendirent plus calmement et lorsque Swam et Aldric les rejoignirent, une voix résonna depuis la grande maison.

— Mon premier est une boisson. Mon second est une boisson. Mon troisième est une boisson. Mon tout est une boisson. Qui suis-je ?

— Un café au (eau) lait, répondit Swam.

Comme si elle tirait la langue, la maison s'inclina légèrement et fit rouler une échelle jusqu'à leurs pieds. Invitant les autres à monter, Swam fit signe à Bronislaw qui attendait, appuyé contre la voiture. Ce dernier hocha la tête pour lui répondre puis repris place sur le siège du conducteur.

À son tour, l'américain remonta l'échelle de bois et vit le regard de Livi se poser sur la barrière, lorsqu'il fut sur le petit pallier.

Surmontée de crânes dont les orbites brillaient en cette nuit, la barrière qui encadrait toute la maison était constituée de fémur poussiéreux. Les loquets de phalanges et les cadenas se mirent à vibrer, à s'entrechoquer puis finirent par s'ouvrir et déverrouiller l'accès à la porte. Chacun leur tour, les cinq membres franchirent le pas de la porte, pendant que Bronislaw rentra de son côté.

A l'intérieur, Baba Yaga se tenait là, une main sous la mâchoire.

Ses cheveux blancs, négligemment attachés en deux chignons, ondulaient au tour de son beau visage et sur sa tête se trouvaient trois paires de lunettes. Livi s'attendait à retrouver une vielle femme, à l'image de Carabosse, mais elle était, visuellement, aussi jeune qu'Aramis. Des yeux maquillés, une bouche soigneusement rougie, ce fut les jambes qui pendaient en dehors du grand mortier, dans lequel la sorcière se trouvait, qui l'alertèrent.

L'une était normale, constituée de muscles, de ligaments, de cartilages, le tout recouvert d'une peau blanchâtre et décorée par un bracelet de cheville. L'autre était osseuse. Sans chaire, ni muscle extenseur ou tibial.

La sorcière tendit sa main en direction du brun, pendant que les autres l'analysaient. Habitué à ce geste, Swam fouilla dans son sac et tendit une décoction de roses bleues à la sorcière qui vieillissait d'un an à chaque fois que l'on lui posait une question. Si jamais ils n'en avaient pas eu sur eux, elle ne les aurait jamais laissés entrer.

Après avoir bu tout le contenue de la fiole, tout en restant confortablement assise dans son mortier, elle utilisa le pilon comme un gouvernail pour s'avancer vers eux et les observa.

— J'ai des émissaires à travers le monde. Bêtes des bois, créatures du ciel, monstres aquatiques ... énuméra-t-elle en s'avançant vers Joris. Pourtant, vous avez su devancer le temps.

Livi ne savait pas quoi répondre à cela. Devaient-ils se sentir menacés? Peut-être.

De nombreux récits la décrivaient comme étant une ogresse, une guerrière, mais il fallait savoir décortiquer le vrai du faux. Elle n'avait rien d'une ogresse. La sorcière était extrêmement soignée, comme en attestait sa manucure. Néanmoins Livi ne put s'empêcher de se sentir menacée, bien que la sorcière les ait accueillis sans accros. Elle avait dit qu'ils étaient en avance, mais pourquoi ? En plus cela sonnait comme un reproche.

Pensive Livi, ne vit pas la sorcière aux cheveux blancs observer l'intérieur de la bouche de Joris. À la suite de cela, Baba Yaga se présenta devant Aldric et appuya plusieurs fois sur son ventre. Par réflexe le vampire recula mais la sorcière agrippa son vêtement.

— Il est là, fit-elle lorsque son indexe se posa sur son nombril.

Elle se mit alors à jouer avec en gloussant avant de s'avancer vers Swam. Quand leurs yeux se rencontrèrent, elle pencha la tête sur le côté. Celui-ci fronça les sourcils en voyant son air penseur, puis gémit en se tenant la hanche.

— Ça c'est pour la dernière fois, siffla-t-elle après l'avoir frappé avec le pilon en porcelaine.

Sans lui porter plus d'attention, Baba Yaga se posta face à Livi qui sursauta. Elle lui fit prendre place sur un tas de briques. Beaucoup de tas étaient dispersés dans la pièce principale qui ne comptait aucune fenêtre et qu'une seule porte.

— À quoi tu joues ? Paniqua Swam lorsque trois cavaliers, autrefois figés aux angles du mur, se postèrent face à Aldric, Alexane et Joris.

— Le jour vêtu de blanc, le soleil vêtu de rouge et la nuit vêtue de noir sont tous de fidèles serviteurs, lui répondit-elle. Il est temps d'avoir une conversation entre filles.

Livi remarqua alors qu'ils étaient séparés les uns des autres par les trois cavaliers. Les vampires avaient beau parler et frapper contre les serviteurs de la sorcière, ils n'entendaient pas leurs paroles.

— Il n'est pas là, comme pour tes deux amis, murmura la sorcière à l'oreille de Livi en appuyant sur son ventre.

Livi comprit qu'elle parlait de leur nombril, cette petite cicatrice fibreuse formée par la chute du cordon ombilical et habituellement située sur le bas de l'abdomen, qu'ils n'avaient pas.

— Dites voir, l'épreuve vous la cherchez ou vous la fuyez? Interrogea-t-elle d'une voix dure en enlaçant ses mains à celles de Livi.

— On cherche à la fuir, fit-elle.

La sourcière pouffa.

— À la fuir, répéta-t-elle. Pourtant tu t'es entourée de tartarins en venant ici.

— Je ne suis pas un menteur, contra sèchement Swam, les bras croisés contre la poitrine.

— Tu ne lui as rien dit concernant le petit suisse, rétorqua-t-elle tout aussi rapidement.

Livi fronça les sourcils alors que le vampire la fixait.

— Ce n'est pas le moment, souffla-t-il.

— En es-tu sûr ? Ce sont ces énormités qui ont tué votre étincelle...

— Je le sais.

— Ainsi que le têtard...

— Et si tu nous disais quelque chose que l'on ne sait pas pour changer ? Râla-t-il avant de grogner.

Elle venait de lui donner un second coup avec le pilon du mortier.

— L'amour est un équilibre délicatement sensible. Il faut savoir s'approcher ou s'éloigner, parler ou la boucler. Et dans ce cas, discuter avec la bonne personne. La bonne personne, fit-elle en fixant Swam.

La gardienne du royaume des morts lâcha alors les mains de Livi. Filant dans son mortier, la sorcière engagea la marche vers une porte située à l'arrière et s'y engouffra. Un vent sauvage souffla sur son passage, les plantes empotées gémissaient et les feuilles mortes provenant de ces dernières se transformèrent en cendres en touchant le sol.

Juste derrière elle, Livi et Swam répondirent à ses questions alors qu'elle fouillait dans plusieurs sacs de poudre. Baba Yaga finit par leur tendre un objet chacun en les avertissant. Quand ils retournèrent dans la pièce principale, les cavaliers-serviteurs avaient repris leur place au coin du mur, et la porte, par laquelle ils étaient entrés, était ouverte à nouveau. Néanmoins, le pallier et la barrière d'os de la maison n'étaient plus visibles, à leur place se tenait un sombre couloir de roche.

La femme aux cheveux blancs attendit que la première bougie soit allumée avant de les laisser seuls. Personne ne posa de questions et Livi passa devant chacun d'eux pour l'allumer les mèches.

Cependant, celle d'Aldric ne resta pas longtemps en vie et s'éteignit.

Faisant mine de rien, Livi la ralluma, mais resta pensive.

« Ne fait jamais confiance à une personne dont la bougie s'éteint lorsqu'on l'allume la première fois. » avait dit Baba Yaga.

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