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Méli-mélo

La voix étouffée, les mains froissant durement le tissu de l'oreiller, Livi sentait la colère cogner contre son cœur, tambouriner ses tempes, nouer son estomac comme si elle réclamait le droit de sortir. La pensé agitée, Livi se sentait comme une incapable. Frustrée de ne pas avoir dit le véritable fond de sa pensée à prononcer certains mots pour Alexane. En y réfléchissant mieux et avec un peu de recul, Livi ne regretta pas de s'être tu, car ces mots-là auraient fini par dépenser ces pensées, et l'intendante aurait été capable que lui faire présenter des excuses.

Pour cette bécasse ? Plutôt crever.

Au moins les choses avaient été mis au clair entre elles.

Pourtant elle avait l'impression d'être une brindille face à elle. Elle lut avait aisément marché dessus et Livi s'était pliée, avant de se relever un peu trop tardivement à son goût. Elle aurait dû lu clouer fermement le bec dès le départ. Mais bon, elle ne s'était pas laissé marcher dessus, c'était le plus important.

Bien entendu tous cela serait rapporter au sénéchal, mais surtout au roi.

Comme s'il avait son mot à dire celui-là...

Livi évacuait sa colère, la tête enfoncée dans l'oreiller, jusqu'à ce que quelqu'un frappa à sa porte une bonne dizaine de minutes plutard. Sans attendre une réponse de sa part, l'individu entra et prit soin de refermer la porte avant de s'avancer jusqu'au matelas. La blondinette n'eut pas besoin de relever la tête, elle savait de qui il s'agissait.

Il n'y avait que cinq vampires qui avaient accès à cet étage, et il n'y avait que cette personne qui frappait de la sorte contre la porte. Comme à chaque fois, le vampire s'asseya au bord du lit et resta silencieux. Elle entendait faiblement sa respiration et orienta sa tête dans sa direction. Ses iris marrons rencontrèrent celle de Joris. Comme d'habitude, ce dernier avait un regard doux, sage, consolent et bienveillant. Il lui sourit doucement, mais Livi ne le lui rendit, encore trop énervée pour cela. Joris ne le prit pas mal et joua doucement avec ces cheveux. Il lui fit quelque natte, les défit avant de recommencer.

-Ne laisse pas cette dispute empoisonner ton humeur, finit par souffler le vampire.

La dhampire lâcha un doux rire de mépris avant de rouler sur le dos. Joris se renfrogna et elle lui tira la langue.

- Pose ta question, fit-il en devinant sa question.

- C'est vrai ce qu'elle a dit ? Prononça-t-elle.

- A propos de quoi ?

- Sur le fait que je vous dérange...

Joris ne répondit pas tout de suite.

- Donc c'est vrai, devina-t-elle.

- Non tu n'y es pas du tout, répliqua-t-il doucement. Il est vrai que ta présence ait bouleversé nos habitudes et occasionné quelques changements. Mais tout cela ne me dérange nullement.

- Pourquoi ?

- Parce c'est toi. Tu as pu voir comment était la bulle à ton arrivé. Aucun de nous n'aurait prit la peine de converser avec toi s'il n'y voyait pas un intérêt.

- Donc vous me parler juste par intérêt.

- C'est ce que Mona faisait au début.

- Oui je le sais.

- Mais cela ne te dérange pas.

Livi hocha la tête.

- C'est sympa de discuter avec elle.

- Il en est de même pour nous. Il est plaisant de converser avec toi, peu importe le sujet. Tu as une vision différente des choses que nous ne concevons pas forcément, mais c'est ce qu'on aime. Le temps passe plus vite ainsi.

Sur ces derniers mots, sa voix se fit plus basse. Comme un murmure. Livi y décela une certaine nostalgie.

- J'ai dû mal à te suivre là...

Joris secoua la tête de droite à gauche.

- Ce n'est rien oubli. Tu viens manger ?

Livi secoua négativement la tête. Elle n'avait pas faim et n'avait aucune envie de sortir pour le moment. Joris n'insista pas plus et quitta le lit.

- Livi ? Interpella-t-il une fois prêt de la porte.

- Hum ?

- Je ne te dirais pas de ne pas lui en vouloir, mais plutôt de ne pas faire attention à ce qu'elle t'a dit. Alexane est sur les nerfs ces temps-ci.

- Et c'est de ma faute ?

- Pas essentiellement, mais disons que tu peux en être l'origine.

- Pardon ? Attends-tu ne peux pas dire une chose pareille et t'en aller juste après ! Joris !

Sans lui en dire plus, le concubin s'en alla rapidement, laissant la jeune femme de nouveau seule dans la chambre qu'on lui avait attribué. Livi ronchonna, Joris en disait souvent trop pour attiser la curiosité, mais pas assez pour la satisfaire. Elle allait devoir le cuisiner...

Livi se recoucha et ne s'aperçut qu'en relevant la tête qu'elle c'était endormie. Les heures avaient défilé, si bien que le soleil commençait à pointer le bout de son nez. Vivant au rythme des saisons, embrassant l'horizon, l'aube donnait au ciel une douce couleur bleu, les nuages blancs bien que légèrement rosées, l'égaillaient. Cette atmosphère matinale avait quelque chose de déplacer... Livi aurait pu croire qu'elle venait de se réveiller dans son lit, chez elle. Seulement c'était loin d'être le cas.

Un froissement, qui se fit entendre en dessous de son lit, attira son attention. Livi se redressa, les oreilles à l'affut et attrapa sa lampe pour mieux voir sous le matelas. Elle y retrouva la paire de chaussette qui avait disparu depuis quelque jour ainsi que Coconut pelotonné au fond, contre le mur, la patte droite poser sur ce qui semblait être des feuilles. Déconcertée, Livi abandonna sa couche et s'aplatit au sol pour mieux se faufiler.

Elle finit par attraper les feuilles, sous le miaulement de Coconut qui semblait mécontent, et se dirigea vers son bureau où son hypothèse se confirma : ce chat avait bel et bien arraché les pages du livre que lui avait laissé la fille d'Aramis.

- C'est quoi votre problème à tous aujourd'hui ? D'abord l'autre et maintenant toi ? Interrogea Livi en lançant un regard soupçonneux au félin venu se frotter à sa jambe.

D'abord il prenait peur en voyant Aldric, la griffait, arrachait les pages du livre enfantin puis réclamait des caresses. A croire qu'elle devait le féliciter d'avoir arraché fait ça. Ouvrant le livre aux surplus de paillettes, Livi vit que seul les pages impaires 5, 11 et 19 avaient été détachées.

Prenant place sur la chaise, Livi sursauta en sentant le poids du chat qui avait grimpé sur ses cuisses et le poursuivit dans la pièce pour récupérer les pages qu'il avait -encore- prit. Profitant de sa petite taille, Coconut se glissa aisément dans les endroits étroits, alors que Livi râla, obligé de déplacer le meuble ou de faire le tour. Petit à petit la jeune femme remarqua que le chat s'arrêtait toujours sur son lit, dos à la fenêtre. Lorsqu'il se positionnait de cette façon, Coconut restait tranquille jusqu'à ce que Livi ne viennent lui retirer les écrits de la gueule. Il recommençait une dizaine de fois en s'asseyant toujours sur le lit à la fin. La jeune femme finit par comprendre et prit donc le livre de Ginger ainsi que son rouleau de scotch et rejoignit le félin sur le matelas. Elle tendit sa main dans sa direction et sans aucune résistance Coconut lui donna gentiment les papiers, avec en prime la trace de ces dents et un peu de bave. Il regarda attentivement les gestes de la dhampire et sauta sur le livre à chaque fois qu'elle voulait rafistoler les pages.

Livi grogna et donna une pichenette à l'oreille de l'animal, avant de réceptionner une feuille qui s'était envolée dans les airs. Parce que les rideaux étaient tirés, une partie de la lumière de la lune traversa la feuille volante, révélant par la même occasion les taches invisibles à l'œil nu.

L'extrémité des doigts de Livi agrippèrent la feuille avant d'entrevoir une énorme trace translucide en bas de la page 5. Cela lui fit penser au moment où Ginger avait fait tomber un peu de sa citronnade sur ces dessins, il y a quelques semaines déjà. Livi se souvint que la petite n'avait nullement pleurer. Ginger avait calmement demandé à Livi de faire le faire sécher avant de continuer d'écrire dessus, comme si rien de tous cela c'était passé.

Néanmoins il y avait un hic, il y avait bien la tâche difforme au bas de la page, mais il n'y avait aucune chance pour que les autres éclaboussures aient une forme circulaire aussi précise. Toutes ovales et allongées de façon horizontale, les autres tâches entouraient uniquement certaines lettres. Livi se remémora les paroles de Jessen, le fils de Vasco et Béryl, qui connaissait sans doute Ginger mieux que personne.

« - Elle fait des trucs bizarres des fois !

- Et alors c'est si dérangeant ? C'est une sorcière après tout...

- Mais même pour une sorcière... »

Livi comprenait mieux maintenant ce qu'il voulait dire.

Son regard dévia sans le vouloir en direction du chat dont les pupilles brillaient de fierté. C'était donc pour ça qu'il avait fait tout ce micmac ? Pour ces marques ?

En même temps Livi ne voyait pas comment Coconut aurait pu faire autrement, mais tout de même... Elle sentait que cette histoire allait mal tourner. C'était trop louche à son goût.

La dhampire attrapa un crayon et retranscrit tous les mots entourés par la citronnade sur une autre feuille. Elle vérifia qu'aucuns autres mots soient entourés dans livre, puis le referma.

De nombreux mots avaient été noté :

- Aujourd'huit -> aujourd'hui-> chiffre 8 associé

- fésé beau-> faisait beau -> 4 lettres au lieu de 6

- Dame Nouille -> personnage principale, grenouille parlante

- sept enveloppe-> cette enveloppe -> chiffre 7 associé

- Port-Royal -> lieu

- le Vin qui danse -> bar

- Angolo le géant aux chaussettes rouges, Lustucru, patate amoureuse, oncle pierre, le cochon futé -> personnages

Livi mordilla doucement l'extrémité du crayon et lu l'annotation au dos la dernière page.

« Pour Livi.

Le moyen de s'y rendre dépend négativement du point de vue et de l'orientation à quatre branches.

Ps 1 : Que ce soit au monopoly, aux échecs ou au jeu de l'oie, il y a toujours une case prison

PS 2 : L'argent est une troisième main à tendre

PS 3 : Reste forte »

Livi resta longuement septique devant cette note. Visiblement Ginger avait légèrement hérité du côté flippant d'Aramis. Elle ne comprenait rien à ce charabia sans compter que les noms des personnages lui rappelaient vraiment quelque chose mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Ça la frustrait.

Maintenant qu'elle y pensait, elle n'avait pas vu Aramis depuis un petit moment.

La feuille cachée entre sa peau et le haut de son pantalon, sous son haut, Livi quitta sa chambre en prenant soin de refermer la porte avant que Coconut ait le temps de sortir. Il valait mieux que le félin reste dans sa chambre pour le moment. Un vent glacial se fit sentir dans son dos, ainsi que le bruit significatif d'une paire de talon. Pour être honnête, vu leur dernière entrevu, Livi pensait qu'Alexane lui aurait lâché la grappe. Elle c'était trompée.

- Et revoilà l'autre peste, souffla Livi sans lui adresser un regard.

- Quoi tu viens de te voir dans un miroir ? Rétorqua sèchement la surnaturelle.

- Tu sais ce qui est bien chez toi ? Fit Livi à son tour.

- Non.

- Moi non plus.

Livi fit claquer sa langue et traça son chemin sans tarder. Elle avait passé l'âge de se disputer ainsi, c'était puéril et franchement inutile.Et puis l'ignorance est la paix de la vie, alors c'est ce qu'elle allait faire jusqu'à ce qu'Alexane ait l'intelligence de lui parler de manière civilisée comme les adultes qu'elles sont.

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