54 ⚓
Décollage
— S'il te plait ?
— Non.
— Please.
— Tu peux le dire dans toutes les langues que tu veux, la réponse est non.
Descendant les escaliers de pas rapides, les deux surnaturels suivaient la même route. A vrai dire le premier savait parfaitement où il allait, le deuxième lui ne l'avait pas lâché la grappe depuis qu'il avait entendu ces mots.
« Tu ne viens pas ».
Le deuxième vampire avait d'abord cru qu'il ne s'adressait pas à lui.
« C'est bien à toi que je parle... »
Il avait donc cru à une blague.
« ...et ce n'est pas une blague. »
Il avait alors beugué. Durant une dizaine de seconde il était resté sur place, comme figé, l'autre vampire lui, en avait profité pour filer à son bureau. Le deuxième vampire n'avait même pas pris la peine de frapper à la porte, il était entré comme si c'était chez lui et avait littéralement harcelé Jagger jusqu'à maintenant.
— S'il te plait ! Répéta Swam en grognant intérieurement.
Il était sûr que le roi frissonnait de plaisir en le voyant le supplier de la sorte, lui était loin d'avoir envie de rire.
— Non, fit formellement Jagger.
— S'il te plait !! Continua-t-il avec plus d'ardeur.
Après avoir partagé ses informations avec les équipes qui s'en allaient infiltrer le monde démoniaque, il n'en revenait pas que Jagger refuse de l'emmener lui aussi.
— D'accord.
— C'est vrai ?! S'enthousiasma le prince.
— Non, trancha le roi.
Swam se demanda pourquoi est-ce qu'il avait posé la question et ronchonna. Le prince du Canada et du Groenland venaient, de même que celui d'Italie, Elysion. Alors pourquoi pas lui ?!
— Fais pas ton rabat-joie, vieil aigri et laisse-moi venir ! S'énerva Swam.
Se stoppant subitement dans sa marche, Jagger se retourna vers le prince qui le suivait depuis un bon moment.
— Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans « non » ? Interrogea-t-il sèchement.
Swam gonfla ses joues avant d'expirer fortement, tout en soutenant le regard du souverain. Non il ne lâcherait pas l'affaire de ci-tôt. Et Jagger lui ne semblait pas avoir envie de continuer cette pseudo-discussion puisqu'il lui donna son dos en continuant son chemin. Swam ne le lâcha pas pour autant et continua à beugler des paroles qui ne parvinrent qu'aux oreilles des vampires environnant, mais pas celle du dynaste. Ce dernier l'ignora sans grand effort et jeta de nombreux regard vers les vampires qui se déplaçaient sur l'esplanade.
Swam le suivit toujours en rageant avant qu'ils ne se retrouve de nouveau face-à-face.
Pour obtenir ce qu'il voulait de Bronislaw, le prince russe, Jagger appliquait la méthode du flatteur qui vit aux dépens de celui qui l'écoute. A propos de Tictac, le prince d'Afrique, le « je préfère que tu restes ici pour... » fonctionnait bien mieux que le « je ne veux pas que tu viennes ». Avec Trevor, le trésorier royale avare, c'était la technique de l'amorçage : difficile de dire non quand on a déjà dit oui, pour Callidora il suffisait de glisser un « tu es libre de refuser » pour qu'elle accepte l'affaire. Pourquoi ? Parce qu'elle avait l'impression d'être sous-estimer ainsi, chose qu'elle haïssait. Avec Seth, le prince d'Égypte c'était un peu plus compliqué ; Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis. En somme il voulait ce qu'il n'avait pas et ne voulait plus ce qu'il avait déjà. Quant à Lucan, il n'y avait même pas à négocier, il le faisait sans rechigner parce qu'il aimait être utile. Si jamais le blond montrait un peu de résistance pour accomplir ce qu'il voulait, il lui promettait une sucrerie en bonus et le tour était joué. Concernant Otis c'était la technique de la porte dans le nez : qui peut le plus, peut le moins. Jagger formulait toujours une demande impossible à satisfaire avant d'en proposer une seconde, plus accessible, qui représente ce qu'il veut vraiment.
Oui Jagger manipulait bien l'art de convaincre, mais Swam faisait partie des os un peu dur à mâcher... Parce que la plupart du temps il ne finissait pas par le persuader, mais par négocier, ce qui reviendrait à trouver un terrain d'entente équitable pour les deux. Swam était dur en affaire et lui encore plus.
— Swam... fit Jagger d'une voix menaçant, sentant sans doute que cette situation allait partie en cacahuète.
Il n'avait pas envie de s'énerver maintenant.
— Je n'en reviens pas que tu ne veuilles pas que je vienne, mais tu laisses Elysion venir !
— Peut-être parce qu'il écoute et exécute mes ordres ce qui, si ma mémoire est bonne et je sais qu'elle l'est, est loin d'être dans ton domaine de compétence. Si ça l'était, tu ne serais pas là à me casser les pieds mais entrain de t'occuper des goules.
Jagger ne discuta pas plus longtemps avec lui et continua à son inspection des navires avant de montrer dans les haut-bancs. De là, il avait une bonne vue sur l'ensemble du navire bientôt près à partir. Les vampires l'avaient l'avitaillé et appareillé. Nettoyage de la carène, du pont, des hublots, des fonds de cale, des moteurs, inspections ses lignes d'amarre, des voilures, des armement remplacement des anodes, vérification des états des épontilles, du cockpit, des systèmes électriques... Aucunes manœuvres n'avaient été oublié.
Le vent qui passait dans ses cheveux le rafraichit et effaça le début de migraine qui montrait le bout de son nez. Jagger inspira profondément et doucement en observant le ciel. S'il se fiait à ses prévisions météorologique ils devaient lever l'ancre dans moins d'une heure pour bénéficier d'un bon vent. Aucune tempête n'était à prévoir, mais les vampires sous ses ordres avaient tout de même emporté le nécessaire pour y parer. On ne sait jamais.
Se perdant quelques minutes dans ses pensées, Jagger passa une main dans sa chevelure avant de se pencher sur la droite pour éviter la chaussure propulsée en direction de son visage.
— Manquer, fit-il d'un ton lasse en s'agrippant aux cordages.
— Tu me soûles sérieux ! Aboya l'américain.
— Et toi tu es invivable quand tu t'y mets. Mais je me sens honorer, tu as pris la peine de montrer pour moi, c'est mignon...
— Oh ta bouche ! Pourquoi t'es monter là-haut d'abord ?! On voit tes poils de nez d'en bas !
Jagger pouffa, Swam avait toujours le mot qu'il fallait pour qu'il puisse lui en coller une.
— Pourquoi tu ne me laisses pas venir ?! Tu as dit que...
— Je sais ce que j'ai dit tout à l'heure, coupa-t-il calmement. Mais tu ne viens pas, tu as de nombreuses choses à faire avant mon retour.
Swam grimpa encore sur les cordes avant de se retrouver au même niveau que Jagger.
— Donne-moi franchement une bonne raison de ne pas venir, fit-il.
Jagger pointa simplement son indexe vers le bas et Swam suivit des yeux ce qu'il indiquait.
— Tu as un petit service à me rendre. Surveille-le de temps à autre.
— Il peut se débrouiller tout seul il est assez grand pour ça.
— Aller fait-le pour moi Sweety, prononça doucement Jagger de façon érotique.
— Rêve toujours beau gosse, contrat-il.
La discussion qu'essayait tant de bien que mal de mettre en place Swam, pris fin avant même d'avoir commencé lorsque Jagger donna un coup dans son pied d'appui. Le prince perdit son équilibre et chuta des hauts bancs vers le sol à la vitesse de la lumière. Jagger sauta aussi, se réceptionna gracieusement sur ces pieds puis se pencha en avant.
— Tu es toujours vivant... Zut alors, fit-il sous les rires des autres vampires. Aller fiche le camps, termina-t-il en lui donnant un coup de pied aux fesses.
Swam se releva en frottant son douloureux fessier, pesta quelques secondes avant d'apercevoir Lucan. Posté droit comme un « i » dans le couloir, son regard voilé détaillait les vampires agités qui faisaient les derniers réglages sous les aboiements d'un Elysion pressé de partir.
Dans tous ce remue ménage il aperçut le blondinet, en retrait, les mains toujours derrière le dos. Ces iris qui observaient la scène, semblaient assombries par un voile d'inquiétude. Swam vit Lucan se gratter le bras avant de regarder en l'air les vampires qui ajustaient les voiles dans les hauts bancs. Un air nostalgique pouvait se lire sur son visage.
« Surveille-le ». La phrase de Jagger raisonna dans la tête de Swam alors qu'il s'avançait vers le sénéchal. Le brun prit doucement de l'élan avant de sauter sur son dos.
Lucan se pencha en avant en sentant le poids de l'américain sur son dos et l'observa rapidement.
— Ah c'est toi, lâcha-t-il simplement.
Il semblait totalement ailleurs.
— Qui ça aurait pu être d'autre ? Ricana Swam.
Lucan gloussa doucement en lui adressant un bref regard. C'est vrai que de tous, il n'y avait que lui pour lui faire une telle chose. Swam redescendit de son dos et passa une main affectueuse dans sa chevelure dorée avant de reporter les yeux sur les embarcations. Les nouvelles modifications apportés, avaient fière allures.
Leur séance d'observation dura quelques minutes avant que Lucan n'aperçoit au loin une autre chevelure blonde, ornée de quelques mèches bleues. Juste à côté il vit quelque mèche de cheveux bordeaux et entendit la voix de Jagger ainsi que celle des jumelles. Il se rendit alors compte que les concubins se tenaient en ligne devant Jagger qui leur parlaient.
— Soyez sage, fit Jagger aux cinq concubins alignés devant lui.
Seulement quatre d'entre eux lui répondirent d'un « oui » franc. Le souverain croisa alors les bras sur sa poitrine en voyant Livi qui ne portait aucune attention à ce qu'il venait de dire. Haussée sur la pointe des pieds, elle gigotait quelque peu pour apercevoir les moyens de transport aériens.
En trois grands pas, le vampire vint se poster devant elle.
— Tu es dans mon champ de vision, exprima-t-elle en tordant le cou pour voir ce qu'il se passait plus loin.
— Je te trouve très insolente Chaton, répliqua Jagger à son tour. As-tu au moins écouté ce que j'ai dit ?
— Oui papa, fit-elle d'une voix enfantine avant qu'il lui mette une pichenette au front. Oui j'ai compris, souffla-t-elle.
Interdiction de quitter la bulle durant son absence, voilà en gros à quoi se résumait touts les avertissements émis par le roi.
Jagger passa son bras autour du cou de Livi et l'attira à lui. Plaçant sa bouche près de son oreille, il lui donna quelques indications personnelle avant de laisser échapper une poésie de menaces tout à fait sérieuse. Le mouvement de ces douces lèvres finit par ralentir avant de se poser sur celle de Livi qui gémis bien que le baiser ne dura pas longtemps.
— De toute les façons, Alexane te surveilles.
Livi ouvrit la bouche mais aucun son ne fut émis. Pardon ? Alexane ? La vampiresse au caractère amère ? La brune égocentrique qui ramenait sa fraise uniquement pour se mettre en avant ? La surnaturelle au rouge à lèvre cerise qu'elle prenait soin d'éviter ? Cette Alexane-là ?
— Quoi ?! Finit-elle par dire.
Jagger sourit simplement et elle jeta un regard mécontent à la concubine qui resta de marbre. Elle resta droite, les mains croisées devant elle et le menton relever.
— Soyez sage, murmura-t-il simplement après avoir embrassé le front des jumelles, la joue d'Alexane et le nez de Joris.
Après quelques enjambées, Jagger foula le planché du premier navire, attirant l'attention sur sa personne.
— Nous sommes prêt à partir majesté, accueillit Gareth.
Il hocha la tête avant que le vampire aux cheveux tirés en arrières n'informe les autres. Son ordre se répéta sur le navire sous l'injonction d'Elysion et celui dirigé par Jiemon, le capitaine de l'équipe 2 qui faisait partie du voyage. Portant ces doigts à sa bouche, Jagger siffla trois fois en rythme. Le son diffusé par le vent se répercuta contre les oreilles des vampires ainsi que celle de Livi.
La jeune femme n'avait pas quitté des yeux l'esplanade sur lequel était amarré les navires de bois et de cuivre. Elle adorait cette grande place. Parce que cet endroit avait conservé l'âme des ports du 18 ème siècle. Oui c'était exactement ça : on se croirait dans le 18 ème siècle du futur le tout harmonisé par le style Steampunk. Cet univers de cuir, de cuivre, de rouages et de pompes à vapeur baignait dans une atmosphère chaleureuse dû aux nombreuses machines. Il y avait même les dernières pièces qu'avaient dessiné Lénaelle sur ces croquis. Si elle en jugeait à la couleur, Lénaelle avait apportés des modifications, principalement sur les moteurs et les bas des voilures.
Livi s'y sentait bien... Comme chez elle. Sous les commandements des capitaines des bateaux, les yeux noisette de la blonde brillèrent en voyant les voiles à énergie solaires se déployer. Ses narines furent gonflées de l'air expulsé par les turbines des réacteurs mise en route. Ils ne patientèrent que quelques secondes avant qu'elles ne tournent à plein régime. Elle aspirait l'air et le rejetait vers l'arrière en l'accélérant. Principe d'action réaction.
Ça y est, il allait décoller.
Avec l'accord de Jagger, Livi regarda Elysion braquer le gouvernail au cap souhaité. Le moyen de transport volumineux bifurquer doucement tous en s'élevant dans les airs. Livi pu enfin observer la figure de proue sculptée qui ornait l'avant du vaisseau.
— Tu devrais reculer, averti Lucan.
Bien trop concentré par la magie des sciences qui avaient su donner vie à ces merveilles, Livi resta sur sa position. Son cœur pulsa d'avantage lorsqu'elle vit vibrer les moteurs. Elle avait l'impression que son cœur était resté en l'air, savourant l'air chaud qui lui fouettait le visages et faisait danser ses cheveux libres.
Elle se promis de monter à bord la prochaine fois.
Le navire mécanique qui s'éloignait rapidement se redressa au loin, avant de mener un virage serré. Le vent glissant sous la coque, ils firent une grande accélération puis s'évaporèrent. Disparaissant les uns à la suite des autres. Seule une émanation de gaz blanchâtre attestait de l'ancienne présence des bateaux.
Ils étaient bel et bien partis pour les Enfers. Livi se retrouva alors sur l'esplanade avec Lucan, Joris, les jumelles, Swam, Aldric, Otis, Vasco et -malheureusement- Alexane.
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