Au sol, son fusil toujours positionné pour faire barrage entre elle et la créature qui, l'ayant attaquée, veut la mordre au visage, Julia ne parvient plus à décrocher son regard de celui de la menace. L'adolescente est mystifiée par la découverte qu'elle vient de faire : ces yeux rouges percés de noir.

Alors que Julia cherche à présent à comprendre la filiation qu'il peut exister entre ce regard diabolique, ces anciens partenaires de cellule et ces atrocités au physique difforme qui hantent le passage, elle voit l'une des mains de la créature se faufiler pour, involontairement, actionner la gâchette de son fusil.

En plus d'amputer la bête de l'un de ses bras, le tir atteint l'un des panneaux de commande du système de ventilation qui explose dans un déluge d'étincelles. À la suite de cette bévue, une alarme associée à de puissantes lumières rouges stroboscopiques se déclenche pour signaler la panne.

Toujours aux prises avec la créature qui, bien que lourdement handicapée et dans un état second, cherche à la mordre, Julia parvient à la pousser de côté et à l'abattre. Redressant le haut de son buste, l'adolescente entraperçoit alors du coin de l'œil les conséquences de ce tir non désiré : les pales de l'hélice jusqu'ici restée à l'arrêt se sont remises à bouger.

Consciente de l'urgence qui est la sienne, Julia retrouve une stature bien droite et, plaçant le fusil tenu en bandoulière dans son dos, elle entreprend une course de près de dix mètres en vue de traverser le gigantesque ventilateur avant qu'il ne soit trop tard. Mais derrière elle, une autre créature surgit de l'obscurité et se lance à sa poursuite.

Rien ne semble plus pouvoir empêcher la bête de rattraper Julia, lorsqu'un tir l'atteint en plein visage et la stoppe tout net dans sa tentative - dans un état proche de l'évanouissement, Enzo a dégainé son pistolet et a sauvé Julia.

Profitant de ce bref instant où, à terre, la menace qui s'est effondrée ne donne plus signe de vie, Julia plonge en avant et elle réussit à passer in extremis entre les pales de l'hélice. Une fois de l'autre côté, elle s'écrase lourdement sur le sol dans une cascade rocambolesque se terminant par une glissade de plusieurs mètres.

Maintenant à plat ventre face contre terre, son fusil s'étant décroché d'elle, Julia peine à se remettre de son exploit. Se relevant miraculeusement saine et sauve, en voyant qu'Enzo s'est effondré et ne bouge plus, elle se précipite vers lui.

— Enzo, Enzo ! hurle l'adolescente tout en s'accroupissant près du garçon. Si tu m'entends, je t'en supplie, ouvre les yeux, dit-moi quelque chose.

Mais Julia comprend bien qu'en l'aidant de la sorte, Enzo vient d'accomplir son ultime acte de bravoure : sa bouche d'où s'échappent des râles et ses yeux à demi ouverts révèlent à présent les symptômes d'une agonie qui touchera bientôt à sa fin.

Consécutivement à l'explosion du panneau de commande et au déclenchement de l'alarme, un drone est apparu de l'autre côté du système de ventilation. Constatant la présence d'une créature encore vivante, l'engin volant crache sur elle un puissant jet de flammes qui, dans un déferlement de sons agressifs et de lumières jaune orangé, abrège ses souffrances.

Observant la dépouille carbonisée au travers de l'hélice qui maintenant tournoie et a retrouvé sa pleine vitesse, Julia retient son souffle lorsque, éclairant de sa lumière dans sa direction, le drone s'approche d'elle. Mais suffisamment cachée derrière les contours de l'installation, la rouquine ne se fait pas voir.

Sa recherche d'une autre forme de vie ayant pris fin, l'engin volant apparu pour assurer la maintenance du passage lévite vers le panneau de commande défectueux. Y menant l'enquête, il déploie de sa carcasse métallique un simulacre de paire de bras et se met à réparer les dégâts faits par le malencontreux tir de fusil.

— Ju... Julia..., parvient à bégayer suffisamment fort Enzo, qui, ayant repris connaissance, attire à lui d'une main tremblante l'adolescente.

Sachant son sauveur condamné, ce clone, qui il y a peu n'était pour elle qu'un illustre inconnu, Julia laisse simplement son regard se noyer de larmes à mesure qu'elle dévisage Enzo.

Rendu beau au-delà de ce qu'elle aurait cru possible, ses yeux devenus d'un bleu si pur qu'il lui semble irréel, Julia tend l'oreille et écoute avec tout son être ce que lui murmure le garçon avant de succomber à ses blessures :

— Je t'aime.

Éclatant en sanglots, ses deux mains venant couvrir sa bouche pour être certaine qu'elle ne sera pas entendue par le drone, l'adolescente reste là plusieurs minutes à pleurer en silence cette nouvelle perte humaine. Ce n'est qu'après que son corps se soit comme asséché de toutes larmes, qu'elle trouve la force de se relever pour reprendre son périple.

Saisissant sur le sol le large fusil dont la lampe torche est restée allumée, Julia se met à avancer. Laissant derrière elle le sinistre et imposant système de ventilation, après un temps, ce dernier disparaît complètement dans son dos.

Son regard toujours chargé d'une émotion qui, poussée à son paroxysme, semble l'avoir vidée de toute substance, la rescapée de cette expédition mortelle s'est maintenant suffisamment éloignée pour qu'un calme absolu règne là où elle se trouve.

Brusquement, Julia voit sa progression prendre fin quand, à quelques mètres devant elle, la lampe torche fixée au fusil met en lumière un cul-de-sac présentant une porte : un sas disposant d'une ouverture manuelle. 

Pleine de perplexité, Julia s'approche et, saisissant la poignée comparable à celle d'une écoutille de sous-marin, elle la tourne pour déverrouiller l'accès. Puis, tirant à elle la lourde porte de métal, l'adolescente libère le passage. Après une brève hésitation, elle s'y engouffre avant d'y disparaître.

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Merci beaucoup d'avoir lu ce nouveau chapitre. J'espère que vous l'avez aimé. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre par semaine tous les dimanches vers 18 heures. Bises à toutes et à tous et surtout, prenez soin de vous et de vos proches.