20. Maintenant ou jamais
Dans la cellule qui se déplace toujours vers on ne sait où, la victoire de Julia face au drone passe presque inaperçue tellement l'urgence de la situation a plongé chacun dans l'angoisse d'une mort prochaine.
À peine la rouquine a-t-elle échangé avec Kylian et Enzo un large sourire, qu'elle se précipite vers eux. Encore en lutte avec l'ouverture dans la surface modulable du mur qu'ils tentent de forcer pour l'écarter et, qui à la manière d'un iris d'objectif photographique, se déploie, puis se rétracte par à-coups, les deux garçons manquent d'abandonner. Ils sont à bout de force au moment où Julia les rejoint enfin pour les aider à tenir bon.
Voyant bien qu'à eux trois ils n'arriveront pas à davantage écarter le passage, hurlant jusqu'à s'en érailler la voix, Julia en appelle au reste de ses congénères :
— C'est maintenant ou jamais, vous entendez ? C'est notre dernière chance de sortir d'ici vivants ! Venez nous aider ! Vite !
Rapidement, les trois acolytes sont rejoints par Léa qui, après avoir montré l'exemple, déclenche un mouvement de solidarité parmi les captifs. Un petit détachement de garçons et de filles s'avance alors pour venir aider à agrandir le trou formé dans le mur.
Tous ensemble, les prisonniers forcent sur les bords de la brèche ouverte et il ne faut pas longtemps pour que, sous la contrainte exercée sur ses mécanismes, la cloison modulable cède dans un crissement de ferraille serti de claquements.
À la fin de l'effort collectif qui a rassemblé pour la toute première fois depuis le début de leur incarcération le groupe d'adolescents, un passage assez grand pour fuir a été créé. Mais malheureusement, une paroi similaire les empêche de s'évader.
— C'est une blague ? s'écrit Kylian tout en cherchant de ses mains un moyen de forcer à s'ouvrir cette nouvelle cloison elle aussi alvéolée d'interstices.
— Laisse-moi faire, lui lance alors Enzo dont les mains expertes ont déjà montré leur efficacité par le passé.
Après un regard échangé avec Enzo, Kylian s'écarte du mur et l'autre vient à son tour y chercher un mécanisme, mais très vite, il cesse sa fouille. Après avoir marqué une hésitation qui ne laisse rien présager de bon, Enzo se tourne. Dévisageant Kylian et Julia, il leur assène dans un aveu terrible son diagnostic :
— Cette cloison n'est pas amovible. Notre seule chance de sortir d'ici serait d'y creuser un passage.
— Mais avec quoi ? réagit immédiatement Julia.
S'écartant de ses partenaires d'infortune pour se donner de l'air, Kylian explose soudain de rage :
— Non, non. On y était presque, hurle-t-il avant de frapper du poing sur une cloison toute proche.
Puis, dévisageant son groupe de ses codétenus, il ajoute :
— Je refuse d'abandonner, vous entendez ? On y est presque. Si quelqu'un a une idée pour défoncer cette paroi, qu'il parle. Maintenant !
Sous l'assistance d'une foule médusée qui reste silencieuse, son corps ruisselant d'une sueur si épaisse qu'elle le fait luire, Kylian trouve du regard le drone que vient d'abattre Julia.
Sur le sol, l'engin hors service dont la carcasse est éventrée crépite toujours de quelques soubresauts électriques. S'en rapprochant à grandes enjambées, Kylian le saisit d'une main et, regagnant tout aussi vite le passage ouvert dans le mur, frappe avec la seconde paroi qui s'y trouve.
L'action de Kylian est immédiatement suivie par l'apparition d'un nouveau drone, puis d'un second et enfin d'un troisième. Aveuglant tout un chacun de leurs lumières et virevoltant dans les airs tels des furies, les engins volants finissent leur ballet aérien en venant se rassembler pour former un seul et même éclairage.
Faisant dos au groupe de prisonniers qui lentement se tourne vers lui pour lui faire face, le puissant phare se tient comme prêt à dégainer son arme dans ce duel entre humains et machines qui a pris des allures de règlement de comptes façon western.
Alors que Kylian redouble d'efforts et frappe toujours à s'en briser les os la seconde paroi du mur avec la carcasse de drone, Julia s'avance vers la menace. Galvanisée par l'espoir fou qu'a créé en elle, mais aussi en chacun de ses congénères, la possibilité d'une évasion imminente, elle exulte :
— Il ne faut pas les laisser atteindre Kylian.
Du ventre des machines, leurs dards électriques apparaissent. Se tournant vers ses camarades et les dévisageant, Julia dont les yeux couleur émeraude n'ont jamais paru aussi perçants donne alors le top départ de la confrontation :
— Tous avec moi !
Julia se rue la première sur les engins volants. En réaction, ceux-ci se dispersent et attaquent le groupe de prisonniers. Dans la cohue, la rouquine s'effondre après avoir reçu un choc. Enzo, qui lui vient en aide pour la faire se relever, est à son tour électrocuté et il s'écroule. Léa, quant à elle, parvient à esquiver un drone et, de ses mains, le pousse de toutes ses forces de telle sorte qu'il percute l'un de ses semblables avant de venir ricocher sur l'une des parois.
Au-delà de la muraille humaine en lutte avec les machines, Kylian, lui, continue de fracasser sur la seconde cloison la carcasse du drone. En déformant de plus en plus l'alliage, il réussit à y percer une brèche qui deviendra bientôt une ouverture assez grande pour y faire passer toute une personne. Mais pour l'heure, devant le raz-de-marée humain, les drones se voient contraints de battre en retraite.
Dans la boîte de métal sans issues, la fuite des bourreaux entraîne de la part des captifs de vives réjouissances qui s'accompagnent d'applaudissements et de scènes de liesse. Julia et Enzo qui se relèvent se sautent même dans les bras avant d'être rejoints par Léa avec qui ils échangent un large sourire assorti de tapes dans le dos.
Instinctivement, le trio se tourne alors vers le dernier membre de leur clan qui, à bout de force, vient de réussir sa tentative d'ébrécher la seconde paroi. Mais la joie collective s'éteint soudainement quand un fort crissement métallique suivi d'une secousse tout aussi brutale les fait vaciller.
Comprenant bien que la cellule a stoppé sa course, chaque détenu dévisage un voisin d'un regard gonflé d'inquiétude lorsqu'une alarme stridente accompagnée de lumières écarlates se déclenche.
Immédiatement, l'effet de dissuasion étant devenu insupportable, c'est un à un que filles et garçons ferment leurs yeux et bouchent de leurs mains leurs oreilles. Après quoi, ils s'allongent par terre et se recroquevillent sur eux-mêmes dans l'espoir d'y trouver un quelconque réconfort.
Kylian qui, dans une tentative désespérée, s'élance vers l'ouverture qu'il vient de créer dans la seconde cloison succombe lui aussi au procédé qui l'aveugle et perce ses tympans. Posant un genou à terre en signe de soumission, il parvient néanmoins à lutter de nombreuses secondes avant de finir par s'effondrer.
Lorsque le dispositif de contrition cesse enfin, l'obscurité reprend ses droits dans la cellule avant que, dans l'une de ces cloisons, une ouverture presque aussi grande que tout un pan de mur se forme. Juste après, une lumière au moins dix fois plus puissante que celle qui équipe les drones s'allume et extirpe définitivement les prisonniers de leur léthargie.
— VOUS DEBOUT. SINON MOURIR, hurle une voix robot qui se termine dans un larsen tellement son niveau est élevé.
Désorientée et rendue folle par la fatigue, mais aussi la succession d'effets épileptiques et sonores, l'une des adolescentes se redresse. Se précipitant vers le centre du rayon donneur d'ordres tel un animal enragé en criant des paroles inintelligibles, elle est fauchée en plein vol par un tir d'arme qui la fait exploser.
Dans une déferlante d'hémoglobine, de lambeaux de chair et de morceaux d'organes, le corps de la « kamikaze » se répand partout dans la cellule, venant en maculer les murs, le sol, le plafond, mais aussi les prisonniers restés à terre.
En un claquement de doigts, le calme le plus absolu est retombé dru comme une pluie de balles et, sous la menace devenue bien trop réelle, garçons et filles tétanisés par la peur se mettent debout sans davantage se faire prier. Après quoi la voix robot hurle un ordre qu'ils ne connaissaient pas encore, mais qui immédiatement leur glace les sangs :
— GARÇONS, VOUS, AVANCER. GARÇONS, MAINTENANT. SINON, VOUS MOURIR.
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Merci beaucoup d'avoir lu ce vingtième chapitre jusqu'au bout. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre par semaine tous les dimanches matin vers 10 heures. Bises à toutes et à tous.
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