12. Un ensemble sombre et compact

Dans la cellule, surpris par la soudaine explosion de violence, les prisonniers s'éloignent le plus possible du combat qui oppose Hugo et Aroun. Même Kylian et Enzo restent pour l'instant à bonne distance des deux sauvageons, incapables d'agir.

Les coups fusent dans tous les sens jusqu'à ce que l'un agrippe l'autre. Se repoussant mutuellement dans une étreinte devenue bestiale, Hugo et Aroun chutent au sol pour immédiatement y poursuivre leur bagarre.

Positionné sur son rival, les traits de visage autrefois angélique du blondinet ont laissé place à ceux d'un animal féroce. Les muscles bandés à l'extrême et le corps luisant de sueur, il vient, tout en écartant les bras d'Aroun, poser sur son cou ses deux mains ouvertes.

Enserrant la gorge de l'indien pour en comprimer la trachée, Hugo exulte, de la bave et du sang aux lèvres :

— T'as bien vu que c'était ma part ! Tu l'as vu, mais il fallait que tu en prennes !

Sur quoi, il accentue encore un peu plus la pression sur le cou d'Aroun dont le visage crispé à la peau brune vire à l'écarlate.

— Quelqu'un ! hurle Julia à ses congénères qui, médusés, se sont amassés dans un coin de la pièce. Mais faites quelque chose !

S'extirpant du regroupement de lâches, Kylian réagit enfin. Il se précipite vers Hugo et le plaque violemment pour le faire lâcher prise. Ce faisant, il l'attire au sol. Plus lourd et physique, le garçon à la peau sombre se positionne au-dessus de l'autre pour l'empêcher de se relever.

Ainsi libéré, après une grande inspiration salvatrice, l'air pénètre à nouveau les poumons d'Aroun qui retrouve couleur humaine. Julia qui s'éloigne de Léa vient s'agenouiller près de l'indien et elle lui porte assistance.

Dans le camp adverse, éclairé par le phare qui les a pris pour cible et les aveugles, Kylian écrase toujours Hugo de tout son poids.

— Tu veux te faire tuer ou quoi ? Calme-toi putain ! Crie Kylian à l'attention d'Hugo.

— Lâche-moi ! Hurle en retour Hugo d'une voix beaucoup plus grave devenue méconnaissable. Je vais tuer ce fils de pute. Lâche-moi, je te dis !

À l'autre bout de l'habitacle carcéral, Aroun, aidé de Julia, est parvenu à se relever. S'appuyant d'une main sur l'une des parois et toussant tout ce qu'il peut, le garçon au trait indien reprend péniblement son souffle.

Kylian, qui entrave toujours les mouvements d'Hugo, tient bon malgré le fait que la force inhabituellement grande du blond le force à faire plus attention. Dans un sifflement, la lumière se déporte au niveau du sol et crache sur les deux adolescents de sa voix-robot stridente :

— Vous, finis ? Vous, manger ! Maintenant !

En vol stationnaire et aussi proche de Kylian qui le fixe du regard, le phare laisse pour la première fois voir ce qu'il est vraiment : un drone, sans aucune hélice apparente, surmonté d'un éclairage qui fait à la fois office d'œil et de caméra. Plus en détail, l'engin volant dévoile au niveau de son ventre ouvert deux électrodes où un arc électrique violet laisse à penser qu'il se tient prêt à attaquer.

Immédiatement alerté par le danger, Kylian cherche à confirmer auprès de l'animal qu'est devenu Hugo qu'il en a bien terminé avec sa soudaine furie, mais, alors qu'il le dévisage, le regard de Kylian est attiré par un détail qui le force à maintenir son observation plusieurs secondes encore.

Dans l'obscurité déchirée par le faisceau lumineux du drone en lévitation, Kylian voit que le blanc des yeux d'Hugo est devenu quasi intégralement rouge. Amalgamées et boursouflées, les veinules qui parcourent ses globes oculaires paraissent prêtes à exploser. Au centre de cette masse sanguine, les iris du blond, pourtant habituellement d'une couleur marron-vert plus tôt clair, se confondent à présent avec ses pupilles et forment un ensemble sombre et compact.

Profitant de ce laps de temps durant lequel Kylian s'est figé, absorbé par la découverte, Hugo le frappe en plein visage avec son coude. Dans une percussion dont le son creux résonne comme le gong signalant la fin d'un match de boxe, le garçon à la peau sombre s'écroule au sol, K.O.

Enfin libre, Hugo se relève immédiatement. Cette fois-ci, son attitude est devenue comparable à celle d'un lion qu'on aurait affamé durant des jours avant de le lâcher sur une proie.

Dans un hurlement inhumain qui glace le sang de tous les captifs, ce qui était autre fois un gentil garçon à l'air angélique fond à corps perdu sur Aroun. Julia, qui le voit se ruer, réagit par instinct et elle s'interpose entre lui et sa proie. Mais sans ralentir sa course, Hugo la gifle d'un puissant revers de main qui la fait décoller du sol avant qu'elle ne s'effondre dans un roulé-boulé.

Aroun, qui s'est, quant à lui, tourné pour faire face à la menace qui bondit sur lui, lève un avant-bras dans un geste défensif. La gueule grande ouverte, Hugo mord à pleines dents dans la chair ainsi offerte.

Instantanément, à la fermeture de ce véritable piège à loups, Aroun laisse échapper un hurlement qui, dans la cellule aux parois métalliques, résonne de la plus terrifiante des façons.

Restée à terre et ne parvenant pas encore à se relever, Julia est rejointe par Enzo. S'accroupissant près d'elle, le métis aux yeux bleus lui demande :

— Est-ce que ça va aller ? Il ne t'a pas fait trop mal ?

Sur le sol alvéolé ayant égratigné ses genoux et ses coudes, la rouquine porte à sa bouche une main tremblante. Du bout des doigts, elle palpe la commissure blessée de ses lèvres boursouflées où du sang s'est mis à couler.

Réunis de la sorte et levant leurs regards autours d'eux, Julia et Enzo peuvent voir sur les visages apeurés de leurs semblables, qu'aucun d'entre eux n'osera plus mettre fin à l'horreur qui, dans la boîte sans aucune issue, ne fait que commencer son escalade dans la barbarie.

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Merci beaucoup d'avoir lu ce douzième chapitre jusqu'au bout. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre par semaine tous les dimanches matin vers 10 heures. Bises à toutes et à tous.

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