Chapitre 2

« Toutes les choses sont entièrement en nous. Il n'y a pas de plus grand délice que de découvrir cela en se cultivant soi même. »Mong Tseu.

La soirée se déroule bien pour le moment, des groupes se sont formés et conversent entre eux. Canaân est allé parler à d'autres jeunes déchus, alors que je suis toujours en compagnie d'un Louis de moins en moins bavard et sûr de lui. J'ai l'impression que quelque chose le travail depuis qu'on a posé les pieds dans cette maison. À croire qu'il n'est plus le même.

— Tu vas bien ? Tu sembles préoccupé.

— Tout va bien, Heavan. C'est juste que...

— Louis ! Comment tu vas ? intervient un type aux cheveux blonds de style californien.

— Qu'est-ce que tu en as à faire ? Répond ce dernier avec dédain.

J'en déduis que mon copain n'apprécie pas du tout ce type. Rien qu'a sa mâchoire contractée et à ses yeux clos, je sais qu'il prend sur lui.

— C'est vrai, mais ça faisait un bail qu'on ne c'était plus croisé. Tu étais passé où tout ce temps ?

— Je t'en pose des questions, moi, Asher ?

Le regard noir, il pose enfin les yeux sur son interlocuteur. Malgré tout, j'essaie de le calmer en me collant un peu plus à lui, mais rien n'y fait.

— Dégage de là, la fouine ! Saleté de traître, comment tu oses te pointer ici ?

Heureusement, pour une fois Canaân nous sauve la mise. L'autre déchu ne demande pas son reste et file, visiblement déstabilisé.

— Quel goujat celui-ci ! Comment peut-il se permettre de t'adresser la parole avec tout ce qu'il a fait ?

— C'est son job, Canaân. Laisse-le tranquille.

Pourquoi haïr quelqu'un et prendre sa défense juste après ? Je pense que ma réponse est toute trouvée, il ne prend pas sa défense, il atténue le problème face au regard assassin que son père, Maël, lui jette à l'autre bout de la pièce.

— Explique-moi ce qu'il se passe, lui demandé-je, soupçonneuse.

Il est beaucoup trop silencieux à mon goût et je commence à craindre que la situation ne dégénère, quand enfin, il me prend la main et me répond à voix basse en tournant le dos à son père :

— Je crois qu'il a compris que quelque chose clochait. Il n'arrête pas de me fixer depuis le début de la soirée. En règle générale, lorsqu'il fait ça, ça ne présage rien de bon pour moi.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Il vaudrait mieux que tu rentres chez toi et que tu...

— C'est un très bon conseil, intervient une voix grave dans notre dos.

Tétanisée, je remarque que Louis l'est aussi et que son regard s'est éteint. Je n'y comprends plus rien.

— Heavan ? m'appelle Canaân. Viens voir deux secondes, je dois te parler.

À quoi il joue ? Est-ce qu'il essaye de me sortir d'une impasse ? Je tente de le savoir en l'interrogeant des yeux. La réponse ne se fait pas attendre, Louis me lâche la main et Canaân m'agrippe par le bras, m'éloignant de mon copain et de son père.

— Tu fais quoi là ?

— Avance ! Je te préviens que tu ne vas pas faire long feu si tu ne me suis pas. Il vaut mieux que ce soit Louis qui reste, au lieu que nous soyons trois à payer.

— Quoi ? À payer quoi ?

Enfin dehors, il accepte de me libérer alors qu'il continue son chemin vers sa voiture.

— Tu fais ce que tu veux, mais moi, je me barre. La soirée va tourner au fiasco alors grouille-toi !

— Mais Louis ? On ne peut pas le laisser ici !

— Montes, bordel ! On en discutera après.

— Tu n'es qu'un lâche ! crié-je, indignée.

— Tu feras ta scène plus tard ! Louis m'avait prévenue, il m'a ordonné de t'emmener loin de cette baraque si jamais ça détaillait. Je ne fais que mon devoir, Heavan !

M'interrompant dans cette colère qui naît en moi, il me jette dans la voiture et démarre sur les chapeaux de roues, faisant de la magnifique pelouse un tas de terre boueux sur notre chemin.

— Tu m'expliques maintenant ?

— Maël ne sait rien de notre plan foireux, du moins je pense. Tout ce que je sais et de ce que j'ai entendu durant ce début de soirée, c'est qu'il a échangé avec des personnes qui, eux aussi, se sont demandé où était Seth. Ils en sont venu à parler de lui et d'autre se sont joint à la discussion. C'est là que j'ai commencé à avoir chaud. C'est pour ça que je n'était pas avec vous, je tentais de savoir si quelqu'un avait appris pour Seth et il semblerait qu'un type arrivé en avance pour la soirée à vu toute la scène.

— Quoi ? m'exclamé-je, abasourdi par cette nouvelle.

— On n'a pas eu de chance, on n'a jamais de chance, bordel de merde ! crie celui-ci en tapant du poing sur le volant.

Malheureusement, je pense avoir tout compris. Mon mutisme soudain n'ébranle pas Canaân, car lui aussi ne dit plus rien, roulant toujours sur la longue route sans fin qui me ramène chez moi.

Une personne. Il a fallu qu'une personne fasse tout échouer. Le hic dans tout ça, c'est qu'elle m'a vu moi et Canaân, mais pas Louis. Sauf que je suis persuadé que son père a fait le lien avec nous deux. Après tout, Canaân n'est jamais loin de Louis et inversement. Ils sont comme chien et chat, mais ils sont avant tout amis. Je comprends alors qu'abandonner Louis a sûrement été tout aussi compliqué pour le déchu blond que moi.

Je ne me suis pas aperçu que nous étions déjà arrivé. Le moteur éteint, dans l'habitacle le silence est de mise. Je ne sais pas quoi dire, je cogite trop pour réussir à trouver les bons mots.

— Ne t'en fais pas, Heavan, on va régler ça. Aie confiance. Louis arrive toujours à s'en sortir.

Pour une fois, je me sens bien en sa compagnie. Il dévoile une tout autre personne qui m'était jusque-là inconnue. Il n'est pas lâche, il m'a juste sauvé la mise. Louis aurait fait la même chose, même si je ne suis pas d'accord avec ça. J'aurais pu l'aider, plaider en sa faveur. Faire quelque chose au lieu de fuir.

— Ne culpabilise pas. Louis m'a ordonné de partir avec toi si jamais ça tournait mal, répète celui-ci dans un souffle à peine audible, il ne veut que ton bien.

— Je sais, mais j'ai peur pour lui.

— Il a l'habitude.

Ses paroles résonnent dans ma tête et me paraissent étranges. Comment ça l'habitude ? Ne me dites pas que son père...

— Pardon ? Tu sous-entends quoi par là ?

À quoi j'aurais dû m'attendre en l'interrogeant ? Après tout, il a obéit à Louis. Pourquoi répondre à mes questions ? De nouveau silencieux, je soupire et m'extirpe de sa voiture afin de rentrer chez moi.

Je savais que cette soirée n'était pas une bonne idée. Mon instinct ne m'a jamais trompé.

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