Chapitre 12 : Effie

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Je me rappelle m'être assoupie après avoir passé une longue nuit avec Haymitch, et pourtant il n'est plus là à mon réveil. Je le regrette un peu, mais je ne panique pas. L'idée de n'être que l'erreur d'un soir ne m'effleure même pas, pas plus que celle qu'il ait pu revenir sur sa décision. La nuit dernière en est une preuve. Je ne suis plus vierge depuis longtemps, et pourtant ces sensations inédites embaument encore à la fois la chambre et mon esprit. Je ne m'aimais jamais sentie si... aimée. Si paisible,

Je me lève, m'enveloppe au hasard dans la première chose qui rencontre mes doigts -en l'occurrence, un peignoir usé vert foncé - et ensuite pars à la recherche d'Haymitch. Je le découvre là, affalé sur le canapé du salon, une bouteille presque vide dans la main. Je devrais peut-être la lui enlever, lui crier dessus, m'énerver. Je choisis de m'asseoir à côté de lui, de prendre sa main libre dans la mienne, et de lui demander :

- C'est moi que tu cherches à effacer de ta mémoire ?

Il réagit aussitôt, me serre fort contre lui, comme si l'idée l'effrayait. « Non, me souffle-t-il à l'oreille, ce n'est pas toi. Ça n'a rien à voir avec toi. Je ne voudrais jamais t'oublier.

Haymitch n'a jamais beaucoup parlé, mais ces trois phrases me bouleversent. Parce que je suis avec Haymitch, je n'ai plus besoin de me mentir à moi-même. Parce qu'Haymitch est avec moi, il peut se reposer sur moi et non plus sur lui-même.

Et paradoxalement, parce que nous sommes ensemble, nous n'aurons pas à changer. Je ne cesserais pas d'être colérique, et bruyante, et Haymitch n'arrêtera certainement pas la bouteille. Sans doute, le nombre de litres va diminuer, parce qu'il n'est plus tout seul. Probablement, il se mettra moins en danger, et vivra un peu plus sainement. Mais il ne cessera pas de boire. Et je ne lui demanderais pas. Il est venu de me chercher, il m'a acceptée sans artifices, et malade.

A mon tour, parce que c'est la suite logique et naturelle des choses, j'accepte son addiction à l'alcool, sa phobie du ménage, ses secrets, le certain nombre d'années qu'il a de plus que moi et sa bougonnerie. Haymitch est grand, mais il se tient voûté ; il a de troublants yeux bleus, mais son visage est marqué par les années et la douleur ; il est intelligent, mais boit pour ne pas trop réfléchir.

Haymitch est le cliché du « vieil alcolo ventripotent ». Et il m'a redonné vie.

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