Chapitre 1 : Haymitch
Je te déteste. Ca me paraît évident, et ça l'a toujours été. Tu n'es rien d'autre qu'une espèce de jeune pimbêche venue du Capitole, pour faire de Katniss et Peeta de jolis jouets dans ces répugnants Jeux de la Faim. Ton travail reniait toute humanité dans ces Jeux, mais comment ignorer que c'était nécessaire ? Puis, le mien n'était pas meilleur. Par ses choix tactiques, conduire ses tributs le plus loin possible et choisir lequel il va falloir privilégier... lequel va mourir.
Certes, Katniss m'a évité ce choix, mais il n'en reste pas moins que je l'avais déjà fait.
Trop de fois pour une seule vie, pas assez pour en avoir oublié une seule, et ce malgré les litres – les kilolitres- d'alcool que j'ai pu ingurgiter au cours de ma –trop –longue vie.
On peut sans doute me trouver des centaines d'excuses, ou pour le moins des circonstances atténuantes. Il n'en reste pas moins que j'avais fait ce choix. J'avais choisi qui laisser survivre.
Et Peeta le sait.
Même s'il ne m'en veut pas vraiment, même s'il était d'accord avec moi, même s'il ne me le reprochera jamais... il n'en reste pas moins qu'il sait.
Il sait qui j'avais choisi, et que ce n'était pas lui.
Comment ne pas se sentir coupable, quand son regard, pourtant sans animosité aucune, me le rappelle constamment ?
Ma vieille amie la bouteille floute mon regard et permet à cette lueur de son regard de se faire plus fade.
Plus supportable.
Mais pas de s'annihiler complètement.
Dis-moi, si je te parlais de tout ça, de tout ce que je ressens à l'intérieur, rirais-tu ?
De tout ce torrent, qui m'emporte et me détruis lentement, tu moquerais-tu ?
Si je te parlais de mes cauchemars, de ces nuits où les anciens tributs sous ma charge reviennent me demander des comptes ?
Ces nuits-là, toujours aussi fréquentes malgré le temps qui a passé depuis la fin des Jeux. Ces nuits où mon souffle devient saccadé, où je sens ma tête tourner et mon esprit disparaître dans un abîme sans fond, tournoyant encore et encore. Tortueusement.
Douloureusement.
Ces nuits où je veux mourir.
Ces matins qui me sauvent, autant de fois que je ne veux pas être sauvé.
As-tu la moindre idée, de la douleur que j'éprouve, durant ces rêves plus vrais que nature ?
Mes anciens tributs y apparaissent. Dans certains, je revis la mort - souvent bouchère – de mes anciens tributs. J'ai l'image en plus du son, parce que je n'ai jamais fermé les yeux devant ce genre de spectacle. Ce n'est ni de la fierté, ni du courage, cependant. C'est juste... je ne voulais pas fermer les yeux devant ce massacre inutile, ne pas ignorer pourquoi et comment des tributs avaient trouvé la mort, déguisée en survie et maquillée d'une gloire factice par le Capitole.
On punit le criminel et célèbre les vainqueurs des Jeux. Tout à fait cynique, vous remarquerez.
Mes tributs mourant sans but, dans un environnement qui les assimilent à des animaux, et avec une indécence qui les descend à un statut moindre encore... cela représente pourtant mes cauchemars les plus supportables. Ce qui est, d'ailleurs, également tout à fait cynique, pendant que j'y pense. Néanmoins, aussi dures, sanglantes que puissent être leur fin, elle est réelle. Je ne peux pas aller contre ça. Ce carnage, je l'ai accepté.
Alors, ce ne sont pas les songes réels qui me terrorisent. Plus exactement, ce ne sont pas les songes réels qui me font cet effet cruel, qui me donnent envie de mourir, et ce de la manière la plus... brutale possible.
Ce sont les autres, où je revois certes mes anciens tributs, mais plus vieux. Heureux. Avec des enfants, et une vie famille. Parfois même dans ce nouveau monde qu'ont participé à construire Peeta et Katniss. Ces autres rêves où des visages souriants et comblés se tournent vers moi, amicaux, presque aimants... je suis au plus bas.
Parce qu'ils ne seront jamais heureux comme mon esprit l'imagine.
Parce qu'ils n'auront jamais plus la chance de respirer, ou de ressentir quoique ce soit.
Parce que c'était moi, le survivant du District Douze, des années auparavant, et pas eux.
Pour tout ça, j'aimerai leur demander pardon. Le plus sincèrement du monde.
Mais ce n'est pas comme si je pouvais le faire, comme si eux pouvait m'entendre. Ce n'est pas comme si, à l'instar de Peeta, je pouvais exprimer l'horreur qui a pris l'humanité de mes jours et terrifier mes nuits. Brûler la continuité de ma vie, certes peu enviable dans le District Douze, mais vierge de tout ce carnage qu'ont imprimé les Jeux en moi.
Au fer rouge.
Quels impacts ont eu ces écœurants Jeux sur toi ?
Le cauchemar de ce que tu as vu et vécu hante-t-il tes nuits comme il hante les miennes, toi qui viens du Capitole ?
Est-il possible que toi qui a été formée à considérer les Hunger Games comme un divertissement, puisse être torturée par les mêmes démons que moi ?
Dis-moi, Effie.
Ce premier chapitre s'achève ici. Je doute un peu. Et toi, ami lecteur, qu'en as-tu pensé ? ^.^
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