Chapitre 2
Depuis combien de temps avait-il les yeux ouverts ? Une demi-heure ? Une heure ? Il ne le sut.
Mais surtout, Changbin ne sut comment il avait réussi à dormir. En plus, il avait passé une excellente nuit, en dépit des nombreuses interrogations qui fusaient de toute part dans son cerveau.
Non seulement Lia était complètement sortie de sa tête, mais en plus, ce qu'il s'était passé avec Chan la veille ne cessait de tourner en boucle dans son esprit. Des questions sans réponse venaient s'empiler chaque minute, et les images de cette soirée n'arrangeaient certainement pas son cas.
La seule chose sur laquelle il était certain, c'était que Bang Chan était un Déviant. Il n'y avait plus aucun doute là-dessus. Enfin, non pas qu'il en doutait, mais il ne savait pas réellement pour quelle raison on l'accusait d'être Déviant. Maintenant, il savait. Enfin, il croyait savoir, il n'en était pas vraiment sûr.
Parce que tout ce que Chan avait fait la veille, son cerveau n'avait pas pu l'interpréter correctement, n'y connaissant rien. Au début, il avait songé qu'il se faisait du mal, mais pourquoi continuer dans ce cas-là, surtout aussi longtemps ? Alors il s'était dit que c'était peut-être un plaisir personnel, comme un passe-temps ou autre, mais cette activité se rapprochait étrangement du sport sans vraiment s'en rapprocher. Peut-être était-ce pour ce passe-temps censé être personnel que Chan était accusé d'être un Déviant ?
Changbin hésitait fortement à saisir son portable pour effectuer des recherches dessus, mais pour se connecter, il fallait qu'il scanne son avant-bras, ce qui voulait dire que la justice allait encore le surveiller.
L'autre solution qui s'offrait à lui était la plus judicieuse : en parler directement avec le concerné. Sauf qu'actuellement, le noiraud ne voulait pas se retrouver en face de lui. Il appréhendait énormément leurs futures conversations, il ne se sentait pas à l'aise en sa présence.
Alors que c'était Chan qui, jusqu'à maintenant, s'occupait des repas – et il faisait de très bons repas ! Il se sentait un peu obligé de le confronter, puisqu'il mangeait de sa nourriture, même si c'était sous son propre toit.
Changbin se retourna en grognant. Il détestait penser autant. Ça lui donnait mal à la tête. Il finit par abandonner les armes, de toute façon, il n'allait pas rester caché indéfiniment dans sa chambre.
D'un pas lent, il se dirigea vers sa salle de bain et se débarbouilla avec de l'eau bien froide, histoire d'être un peu mieux réveillé.
Il était venu à Jeju pour passer de bonnes vacances, bon sang ! Pas pour se terrer une nouvelle fois dans son lit à pleurer sur son sort !
Sur cette pensée, il se promit de montrer à Chan qui était le patron dans cette maison, et partit se changer et descendre prendre à manger.
Il n'était que neuf heures, l'heure parfaite pour un bon petit-déjeuner avant d'aller se prélasser au soleil.
Alors qu'il s'apprêtait à aller à la cuisine pour voir les placards, il sursauta en voyant Chan lui sourire, attablé avec deux assiettes d'œuf au plat et viandes, deux bols de riz et de kimchi et deux tasses de café bien chaud.
« Bonjour, bien dormi ?
Changbin tira la chaise d'en face et s'assit, une bonne partie de son assurance venait de s'évaporer. À première vue, le brun ne faisait aucunement allusion à la scène de la veille, et tant mieux. Il était prêt à en reparler, mais pas de bon matin.
— Mouais, et toi ?
— Parfaitement bien. Je ne savais pas ce que tu prenais habituellement le matin, donc je t'ai fait du café comme il n'y avait que ça, et j'ai bricolé deux trois trucs.
— ... Merci. »
Il prit un des bols de riz sur la table et mangea lentement. L'œuf lui fit tellement de l'œil qu'il en saisit un bout avant de l'enfourner avec une bouchée de riz, rajoutant un peu de kimchi avec.
Mais qu'est-ce que Chan ne savait pas faire ?
Cependant, il était certain de n'avoir vu aucun œuf dans les placards la veille, alors il demanda naturellement :
« Tu les as trouvé où, les œufs ?
— Au supermarché.
Changbin faillit lâcher ses baguettes. Les yeux ronds, il fit de son mieux pour contrôler le ton de sa voix, alors que la surprise s'emparait de lui.
— T'es sorti au supermarché ? Mais t'es complètement taré ! T'es un Déviant recherché, imagine qu'on t'ait reconnu !
— T'inquiète, peu importe où je vais, personne ne me reconnaît, grâce à ça !
Sur ces mots, Chan posa sur la table un petit tube de crème. Changbin fronça les sourcils, ne comprenant pas comment une crème pouvait empêcher des machines de l'identifier.
— Une crème solaire ?
— Oui, une crème solaire.
— Et tu crois qu'en mettant de la crème solaire, tu passes toutes les sécurités ? T'es complètement barjot.
Chan but une gorgée de son café et reprit son tube de crème solaire qu'il ouvrit. Il déposa une noisette sur son avant-bras, pile là où se trouvait son code-barres, et expliqua :
— En théorie, si tu mets n'importe quoi sur ton code-barres, les machines sont censées afficher ton identité malgré tout. Mais ça, c'est en théorie. Tu ne peux pas mettre de fond de teint dessus parce que c'est interdit, et modifier directement le code-barres donnera un code erroné, et les machines le verront tout de suite et préviendront les autorités. Mais quand tu mets une crème solaire, il y a une protection anti-UV dessus, notamment le Tinosorb S, qui va jouer avec les barres supposées blanches de ton code.
— Parce que tu as carrément trouvé une explication scientifique à tout ça ?
— Évidemment ! Dès que tu passes entre des scanners, le code avec la crème solaire par-dessus va envoyer de fausses informations à la machine, mais ça détecte quand même ton identité. Il n'y aura juste qu'une ligne d'information vide, comme quoi tu n'as jamais eu de soucis avec la justice, et personne ne va se poser de question. Sauf si on te reconnaît physiquement, attention.
Changbin cligna des yeux, essayant d'assimiler le tout. La justice l'aurait su si les crèmes solaires pouvaient altérer les codes-barres...
— Personne n'a jamais rien remarqué ?
— Bien sûr que si, et ça concernait pas mal de produits de beauté à l'époque, mais on ne peut pas vraiment retirer du Tinosorb S des crèmes solaires. En plus, c'est pas cher si tu vas dans de bons coins et que tu prends une bonne marque. »
Le noiraud ne voulait pas se l'avouer, mais Chan était vraiment quelqu'un de très ingénieux, mais aussi le plus fourbe qu'il connaisse.
Changbin finit son repas et débarrassa la table, Chan s'occupant de passer un coup de balais. Tout en faisant la vaisselle, il se mit à penser à tout ce qu'il devait prendre pour aller se baigner.
S'il n'avait pas accueilli le Déviant chez lui, Changbin aurait pu se passer de maillot de bain. Non pas qu'il était adepte du nudisme, mais il trouvait le vêtement trop serré et ça lui collait à la peau. Et comme il avait une plage privée, il n'y aurait que les poissons et les mouettes qui auraient pu être témoins de sa nudité.
« Quel est le programme, aujourd'hui ? Demanda naturellement le brun.
Un peu surpris, le plus petit se tourna vers lui dans un soupir. Il faillit lui lancer une réplique acerbe et bien méchante, mais il se retint de justesse.
Ne pas impliquer son invité dans ses plans serait vraiment inhumain de sa part, Déviant ou pas. Surtout lorsque c'était son invité qui confectionnait les repas.
— Journée plage, grommela-t-il en essuyant et rangeant la vaisselle propre. J'ai une plage privée, il n'y aura personne donc on sera tranquille.
— Oh, chouette ! J'ai bien fait d'apporter mon maillot ! T'aurais juste une serviette à me prêter ?
— Ça dépend, si j'emprunte ta crème solaire et que tu t'occupes de planter le parasol. On part dans dix minutes.
— Ça marche ! T'es le meilleur, Changbin ! »
Ce dernier leva les yeux au ciel et l'abandonna pour aller se préparer.
Sa plage privée était à deux minutes à pied de la maison. Nul besoin de prendre beaucoup d'affaires, un sac, le parasol, sa serviette de plage, son téléphone et ses clés suffisaient largement.
En cinq minutes chrono, il redescendit pour prendre une grande bouteille d'eau fraîche et un pack de bières pour mettre dans la glacière, et fut surpris de voir que Chan avait bien anticipé la collation du midi, revenant de la cuisine avec des fruits frais soigneusement découpés.
Vraiment, qu'est-ce que Chan ne savait pas faire ?
Fin prêts, ils sortirent de la maison par la terrasse arrière, et descendirent côte-à-côte la pente qui les menait à la plage. Et tout le long du chemin, le brun ne cessait de s'émerveiller face à la vue imprenable sur la mer qui s'étendait à des kilomètres devant lui. Changbin bomba le torse, heureux de l'effet de sa fierté personnelle sur son aîné. Vêtu de son bob blanc et de ses lunettes de soleil, il se dit qu'enfin, il allait vraiment profiter sans que rien n'entrave ses vacances.
Le soleil était déjà bien haut dans le ciel. L'air marin l'entourait et emplissait agréablement ses narines. Le vent caressait doucement sa peau. Le chant des mouettes et des cigales sonnaient comme une berceuse à ses oreilles. Qu'est-ce qui pourrait entacher cette vue si magnifique ?
Un inconnu. Encore.
À moins de cinq mètres de la plage, toute l'euphorie de Changbin était redescendue en voyant qu'elle était occupée par une personne. Quelqu'un se trouvait déjà là avant lui. Et le pire fut tout son équipement de plage sorti tout autour de lui : le transat, le parasol, la glacière, et le cocktail. Ce fut la goutte de trop.
Un inconnu chez lui, c'était déjà trop. Alors deux inconnus, il n'allait certainement pas laisser passer ça.
« C'est une propriété privée ici ! Gronda Changbin en retirant ses lunettes de soleil si violemment qu'elles auraient pu se casser.
Il s'approcha à grand pas du transat, ignorant les regards insistants de Chan, et eut bien le temps de voir l'inconnu siroter une dernière fois sa boisson avant de relever ses propres lunettes de soleil sur sa tête, pour venir planter son regard dans celui de Changbin.
À cet instant, son souffle se coupa. Il avait reconnu sans mal sa bouille de chiot aux airs princiers et ses cheveux châtains si soyeux. Non mais franchement, quelle était la probabilité pour qu'il tombe sur ce Géniteur, celui de l'aéroport, celui-là même qui avait failli lui faire perdre pied pendant une longue et douloureuse minute ?
— En effet, Monsieur, c'est une propriété privée ici, répondit le châtain avec un haussement de sourcil. Ma propriété privée. Un problème avec ça ?
Changbin se sentit défaillir face à son regard brûlant. Quelque chose de spécial dans ses yeux lui prenait aux tripes. Bon sang, comment un simple inconnu pouvait lui faire tant d'effets que ça ?
Heureusement pour son égo, sa colère reprit rapidement le dessus sur l'admiration, et il haussa le ton en grognant :
— Comment ça, votre propriété ? Vous voulez que je vous sorte mon acte de domicile, peut-être ?!
— Je vous ferai remarquer que vous n'êtes pas le seul à habiter ici. Voyez-vous la maison blanche là-bas ?
Le noiraud suivit son pouce du regard, et faillit s'étouffer avec sa propre salive : à moins de dix mètres de sa maison, il y avait un autre bâtiment, plus grand, plus moderne et plus spacieux.
Et comme pour l'enfoncer encore plus, le Géniteur jugea bon de rajouter avec un ton dédaigneux :
— Si vous ne l'avez pas encore compris jusqu'alors, nous sommes voisins. Kim Seungmin, enchanté. Et encore heureux pour vous, nous ne sommes que deux à habiter ici.
Et Changbin, lui, resta là, le bec cloué et la tempe bouillonnant de colère. Ce gosse l'avait fait taire avec aisance et calme, et à cause ça, il se sentait fulminer au fond de lui. Oh il n'allait pas se laisser faire par ce sale gamin pourri gâté.
— Seo Changbin, et je vous jure que–
— Bang Christopher Chan, ami de Changbin ! Intervint immédiatement Chan en forçant le noiraud à le suivre. Et désolé pour le dérangement, il ne reviendra plus vous embêter !
Chan le tira un peu plus loin sur la plage, là où il avait planté le parasol et posé les serviettes, le tout sous le regard amusé du dénommé Seungmin. Il poussa le plus petit sur sa serviette et se pencha vers lui en grondant d'une voix qu'il ne lui connaissait pas :
— Va vraiment falloir que tu contrôles ton impulsivité, parce que ça va t'attirer des problèmes dans le futur, Changbin.
— T'es pas mon père, ni mon pote, que je sache ! Et j'avais pas besoin de ton aide, je m'en sortais très bien tout seul !
— En lui balançant des menaces à la figure ? Changbin, t'es pire qu'un gosse ! C'est pas parce que t'es chez toi que tu peux te croire tout permis ! Remercie-moi plutôt de t'avoir sorti de là et sois content que Seungmin ait été assez compréhensif pour ne pas être rentrer dans ton jeu !
— Déjà, tu changes de ton avec moi ! T'es qu'un putain de Déviant, donc tu la bouc–
— Toi, tu me parles autrement, je reste ton aîné ! Ce n'est pas parce que je suis un Déviant que tu peux te permettre de me traiter comme de la merde ! Je suis un Déviant, pas un chien ! Maintenant tu la fermes et tu arrêtes de te comporter comme un connard ! »
Se faire remettre à sa place par un mec plus jeune que lui, puis se faire gronder par un Déviant... évidemment que sa fierté en prenait un gros coup.
Et la seule chose que Changbin trouva à faire pour montrer son mécontentement fut un acte très puéril : bouder. Bras croisés, lunettes sur le nez, il ignora grandement Chan en fronçant les sourcils. On aurait presque pu le comparer à un enfant de cinq ans.
Chan soupira sous son immaturité, et ajouta qu'il alla se baigner sans lui. Et c'est ce qu'il fit, laissant son cadet tout seul sur sa serviette.
De toute façon, Changbin ne bouda pas bien longtemps, le son apaisant des vagues azurées le calmait progressivement.
Il était seul sur cette plage paradisiaque, si on ne comptait pas son voisin de vacances désagréable et le Déviant trop parfait qui dormait chez lui. Il ne faisait plus qu'un avec la nature, c'était le bonheur total.
Ses yeux fermés, son chapeau sur sa face, Changbin méditait, somnolant depuis deux bonnes heures. Le soleil avait tourné, et ses orteils effleuraient désormais une partie des rayons brûlants. Heureusement qu'il était seul, il aurait eu honte de montrer au public son corps devenu imparfait avec le temps.
Il sursauta en hurlant un cri presque aigüe en sentant des gouttelettes froides parsemer son corps. Il se redressa et poussa Chan en râlant, celui-ci venait de revenir de sa baignade en éclatant de rire.
Ils prirent chacun une bouteille de bière et piquèrent dans les fruits découpés pour satisfaire leur soif. Changbin profita qu'il range les fruits pour lui balancer bien haut :
« J'espère que tu n'as pas oublié notre arrangement.
— Quel arrangement ? Fit-il en revenant avec son sac.
— Mets-moi de la crème solaire.
Le brun parut offusqué par la demande, et sortit le petit tube de son sac.
— Je te rappelle que tu m'as demandé d'emprunter ma crème solaire, pas de te mettre de la crème solaire.
Changbin ôta son haut et pointa son dos avec un air hautain.
— Si tu veux que je te pardonne ton affront pour m'avoir mouillé, dépêche-toi de m'en mettre, ingrat.
— Mon dieu, qui est l'ingrat de nous deux...
Pourtant, Chan se leva et s'accroupit derrière le noiraud en lui étalant bien la crème sur toute sa surface de peau. Il le faisait avec soin, mine de rien, aucune parcelle de peau n'était épargnée.
Lorsqu'il eut fini, il s'écarta pour aller ailleurs mais Changbin le stoppa en lui indiquant ses pieds.
— T'es sérieux ?
— Allez Chan, faut le faire sur tout le corps. »
Le brun roula des yeux avec un sourire, mais s'exécuta quand même. Il saisit délicatement le pied gauche de son cadet, qui n'avait aucunement touché le sable depuis son arrivée, et commença à étaler la crème dessus.
Changbin, le regardant faire, eut aussitôt les images de la veille. C'était peut-être le moment idéal pour lui demander.
« Chan, c'était quoi, ce que t'as fait hier soir ?
Celui-ci releva la tête en continuant sa tâche, un peu surpris de voir qu'un citoyen normal souhaitait aborder ce sujet-là avec lui, Changbin de surcroît.
— Je me suis masturbé, répondit-il malgré tout.
— D'accord... et euh... ça consiste en quoi, exactement ?
— Tu veux essayer ?
Cette question, Changbin ne s'y attendait pas vraiment. Sa curiosité était piquée à vif, mais la peur de devenir un Déviant s'imposait de plus en plus dans son esprit. Et voyant son doute, Chan caressa lentement son genou en lui disant :
— Tout va bien, Changbin, je ne vais rien te faire si tu n'es pas consentant.
— Consentant... même dans ses plaisirs personnels, il faut le consentement des autres ? Ce n'est pas comme le sport ?
— Hum, c'est un peu différent. Mais si c'est parce que tu veux découvrir cette pratique, sache que je ne ferais jamais rien sans que tu ne m'en aies donné ton accord explicite. Tu peux même le faire tout seul, dans ton coin, c'est comme tu veux. Cependant...
Il se replaça correctement et s'approcha de lui, son regard planté dans le sien. Et dans un murmure, il vint compléter sa phrase :
— Si tu tiens tant à tester, tu ne pourras plus faire marche arrière. Tu seras comme moi, accusé d'être un Déviant parce que tu auras goûté le fruit interdit.
La peur de Changbin ne fut jamais aussi grande. Lui qui se vouait corps et âme pour prouver qu'il n'était pas un Déviant, voulait simplement assouvir sa curiosité, mais ça coûterait son innocence et sa culpabilité.
Et si ça ne valait pas le coup ?
Et s'il se faisait attraper ?
Et si...
— Il n'y a vraiment aucun moyen ? Marmonna-t-il d'une petite voix. De se faire rattraper...
— Peut-être, si tu fais ton vaccin ErosX dans la semaine, ça devrait aller, mais pas sûr, supposa Chan avec un air compatissant. Surtout que tu risques de recommencer ensuite. C'est un peu comme la cigarette, tu tires ta première taffe, tu te dis que ce sera la seule clope, puis tu te le répètes les clopes suivantes.
Est-ce que Changbin allait prendre un aussi gros risque ? Peut-être.
Il avait toujours été curieux jusque-là sur ce sujet tabou, et personne n'avait voulu lui donner de vraies réponses. Mais maintenant qu'il avait la possibilité d'avoir réponse à toutes ses questions, le prix à payer était bien trop lourd pour ses épaules. Devenir Déviant pour avoir été trop curieux ? Quelle idée !
Pourtant, cette curiosité n'était pas passagère, il le savait. Et tant qu'il ne l'assouvirait pas de son vivant, il sentait que le blocage dans son cerveau restera toujours présent.
Il fallait qu'il se fasse une raison : il n'aura jamais de nouvelle compagne, il ne deviendrait jamais Géniteur et sera à jamais considéré comme presque Déviant. Tout ça parce qu'il avait accepté sa Déviante d'épouse à enfanter un bâtard.
Oh.
Peut-être que Changbin l'avait enfin, la réponse à son dilemme. Il n'avait plus rien à perdre en réalité, il avait déjà tout perdu en laissant Lia et son futur bébé mourir. Ce n'était pas la justice qui allait briser ce qu'il n'avait plus depuis trois ans. Il avait certes Jisung, mais il avait bien compris que ce dernier n'habitait que partiellement en Corée du Sud, il était désormais un fier habitant de l'Australie.
Et c'est avec une voix mal assurée que Changbin finit par souffler sa décision finale :
— J–je vais essayer, Chan. Je te laisse faire. »
Le brun fut surpris par une telle réponse de sa part, ne s'attendant pas à ce qu'il retourne sa veste aussi sûrement. Mais en voyant la certitude briller dans ses yeux, il lui sourit et recula pour revenir à sa position initiale.
« Quand a été ton dernier vaccin ErosX ?
— Euh... il y a trois ans exactement. Je n'ai pas fait de rappel parce que je ne sortais plus de chez moi.
— C'est parfait, normalement, tu devrais être assez sensible aux sensations.
Chan mit une bonne dose de crème solaire dans sa paume, et prit la jambe droite de Changbin, mais cette fois-ci, en massant et mettant une pression plus ou moins forte sur la peau. Rien que ça, Changbin sentit un frisson parcourir son dos. C'était quoi, ça ?
— Pour être bref, ce vaccin annihile complètement toutes les hormones liées au plaisir, et régule totalement le taux de dopamine au point le plus bas, expliqua son aîné en s'affairant à la tâche. Mais comme sur la durée, les êtres humains produisent de la dopamine en permanence, la justice a créé le vaccin de rappel annuel, pour que jamais les citoyens ne prennent du plaisir. Seuls les Géniteurs en sont exemptés, et encore, c'est sévèrement contrôlé par la justice. »
Ses mains remontèrent le mollet pour arriver au genou. Chaque pression envoyait des sensations étranges au corps du noiraud, qui se pinçait fortement les lèvres pour ne pas sortir un quelconque son.
« Changbin, tu me fais confiance ? Je suis sûr que tu vas adorer.
Il accrocha son regard, et une lueur nouvelle qu'il ne lui connaissait pas vint l'enraciner soudainement. On aurait dit un plaisir intense, mais il ne savait pas trop. Ça lui faisait peur, toute cette nouveauté, mais il sentait qu'entre les mains de Chan, tout irait bien. Alors naturellement, il souffla dans un soupir :
— Oui... apprends-moi, Chan, s'il te plaît. »
Satisfait de sa réponse, le brun posa ses mains sur les cuisses de Changbin préalablement enduites de crème, en les écartant légèrement. Tout ce qu'il faisait, c'était étaler la crème et masser les muscles.
Pourtant, ce que Changbin sentait, c'étaient ses entrailles se resserrer délicieusement à chaque parcelle de peau caressée. Et ces mains descendaient de plus en plus bas, passant même sous son maillot. Il sursauta lorsque les doigts de Chan frôlèrent son périnée, et souffla d'ennui lorsqu'il retira ses mains.
« T'inquiète, je n'avais pas fini, hein ! Ria ce dernier en se déplaçant.
Changbin le regarda faire, un peu étonné de le voir s'asseoir derrière sa tête.
— Je te préviens dès maintenant, ça va s'accélérer assez rapidement, surtout que c'est ta première fois, lui souffla-t-il en ouvrant le tube.
— Co–comment ça ? S'inquiéta le noiraud en rajustant sa position.
Il sentit un frisson lorsque Chan déposa de la crème sur tout son torse. Rien que ça, ça annonçait déjà la couleur, se dit-il.
— Ce que tu vas ressentir sera intense, Changbin. N'aie pas peur de tout vocaliser, nous sommes seuls ici. Et absolument toutes les réactions que ton corps va subir seront totalement normales.
Ses grandes mains se posèrent sur son torse, et Changbin se tendit, le cœur battant. Et il commença à étaler la crème avec soin...
Ou plutôt, il massa ce torse quelque peu musclé, s'amusant parfois de passer sur la petite bedaine du noiraud qu'il trouvait adorable.
Changbin, lui, ne pouvait pas faire grand-chose à part soupirer. Son corps était vraiment sensible, les caresses ne cessaient de le faire frissonner. Il sentit les doigts froids glisser sur sa peau dorée, et s'arrêter sur ses deux pectoraux.
Oh.
Ses mêmes doigts se mirent à tournoyer autour de ses tétons, puis à appuyer dessus...
Oh.
Oh.
Un premier son sortit du fond de sa gorge. Changbin referma immédiatement ses lèvres, honteux de ce gémissement qu'il venait de sortir. Non mais depuis quand était-il capable d'émettre un tel bruit aussi obscène ?
Les doigts pincèrent soudainement ses boutons de chair. Un glapissement franchi ses lèvres contre son gré. Et il n'eut le temps de refermer sa bouche que d'autres sons provenant de son gosier retentirent encore et encore.
Les pouces de Chan ne cessaient de malmener ses tétons, ses autres doigts pressaient ses muscles encore plus, s'amusant de la tension qui en résultait.
— Oh... oui... encore...
Changbin était tellement concentré sur les sensations qu'il ne remarqua même pas que son bassin effectuait un mouvement du haut vers le bas...
Son bassin ?
Il se redressa avec difficulté, s'étonnant d'être essoufflé en étant simplement resté allongé. Il ne sut comment il resta concentré sur sa tâche alors que des frissons parcouraient tout son corps. Et il vit soudain quelque chose qui le fit flipper : il y avait une bosse au niveau de son entrejambe. Et pas qu'une petite.
Changbin glissa sa main vers son maillot et le souleva, se surprenant encore plus de voir que c'était son propre pénis qui était dans cette position.
— A–ah ! Bon sang, t–tu m'as fait quoi, C–Chan ? Parvint-il à articuler, les joues rouges. C'est quoi, ça ?!
— Mmh ? Fit-il en baissant le regard. Oh ça ? C'est une érection. T'inquiète, c'est normal.
— Comment ç–ça, normal ?! Tu veux me tuer ou quoi ?
— T'es vraiment impatient. Tu veux tant que ça passer à cette étape ?
Quelle étape ?? Évidemment qu'il commençait à avoir peur, il ne comprenait pas la réaction de son propre corps, bon sang !
Le plus petit n'eut pas le temps de répondre que Chan passa une de ses mains sous son maillot et saisit la verge à pleine main, faisant hoqueter Changbin.
Ah~
La main commença de suite à bouger, montant et descendant à un rythme régulier. Il était en train de le... comment il disait, déjà ? Masturber, voilà !
Mmh~ Oui~...
Les doigts soigneusement enroulés autour de sa verge effectuaient ce même mouvement inlassablement, accélérant et décélérant à tour de rôle. Haut, bas, haut, bas...
Plus~ Oui~ Plus~
— C'est amusant, regarde notre voisin, Changbin », susurra Chan en accélérant ses coups de main.
Voisin ? Oh non, ça lui était complètement sorti de la tête !
Changbin pivota la tête vers la droite, espérant ne pas voir une vision qui allait le faire vomir. Pourtant, ce fut tout le contraire, hélas.
Kim Seungmin l'observait attentivement, les yeux désireux et vitreux de luxure. Un peu plus bas sur son corps, il avait baissé son propre maillot de bain, laissant son sexe dur et droit à l'air libre, qu'il masturbait également.
Le noiraud releva les yeux vers ceux de son voisin, et il sentit son esprit sauter à pieds joints dans cette galaxie sombre qui le fixait. Ce regard si avide l'engloutissait complètement, l'avalait tout entier, le mangeait tout cru. Même à cinq mètres de distance, il pouvait sentir tout le bien-être qu'il subissait. Et à cet instant, tout le plaisir qu'il ressentit décupla d'un coup.
Oh~ Anh~ Oui~ Plus ! Plus~
Il n'y avait que lui, Chan et Seungmin. Il n'y avait qu'eux trois sur cette plage privée à l'abri des regards.
Encore~ Oui~
Enfin, il y avait surtout lui, Kim Seungmin, son voisin casse-pieds, ce Géniteur arrogant et dédaigneux avec son corps magnifiquement brillant, son air si adorable, sa bouille si mignonne, ses yeux si profonds...
Anh~ Encore ! Oui !
Là maintenant, il voulait plus que tout voir Seungmin à ses pieds, entre ses cuisses, ou tout ce que son imagination lui criait de concevoir, pendant que Chan s'occupait de lui et de son corps aussi divinement bien qu'en cet instant. Il voulait que l'un prenne son sexe en bouche, pendant que l'autre l'embrassait furieusement. Il voulait voir le visage de son horrible voisin être déformé par le plaisir et la douleur, pendant que lui et Chan le martyrisait à coup de fellations. Il ne savait même pas si c'était scientifiquement possible, mais qu'importe, son imagination faisait parfaitement l'affaire.
Son plaisir augmenta encore, et encore, jusqu'à atteindre son point culminant. Changbin hurla si fort en se cambrant, sentant de son pénis du liquide chaud et collant jaillir par longs jets pour atterrir sur son ventre. Ce fut encore plus intense qu'il ne le crut, il avait vu son voisin jouir et gémir au même moment que lui, et à ce moment-là, il était certain d'avoir ressenti ce lien entre eux deux se raffermir pendant une dizaine de secondes.
Chan continua de le masturber pour accompagner sa jouissance, avant de ralentir progressivement. Il sortit habilement un mouchoir d'on ne savait où et nettoya les dégâts, laissant à Changbin le temps de se calmer et de reprendre son souffle.
« Et voilà ! Conclut le brun en jetant les mouchoirs dans un sachet dédié aux déchets.
Il rit aux éclats en voyant l'état du noiraud lorsqu'il voulut lui donner à boire. Changbin était dans les vapes, il semblait avoir du mal à redescendre. En même temps, qui ne serait pas dans cet état en venant à peine de se réveiller d'un long et doux rêve venu tout droit du septième ciel.
Il se redressa lentement en position assise, complètement sonné, et cligna des yeux deux fois.
Il venait de braver l'interdit. Lui, Seo Changbin, venait de goûter au fruit défendu, il était passé de l'autre côté de la ligne : celle entre citoyen et Déviant. Est-ce qu'il devait apprécier la situation ? Aucune idée, pour l'instant, il voulait juste se rouler en boule dans sa couette.
— Je crois que tu n'étais pas le seul à avoir apprécier, Changbin. Regardepar là-bas. »
Fronçant les sourcils, Changbin se tourna vers son aîné, ne comprenant pas ses propos. D'un signe de menton, Chan indiqua derrière son cadet, et ce dernier pivota son buste avec tous les efforts du monde.
Et son visage se décomposa littéralement lorsqu'il croisa le regard de Seungmin, qui remettait son maillot de bain et lissait son chemisier, comme si de rien n'était.
Conclusion : Seo Changbin venait de se donner du plaisir devant son voisin sur la plage. Il s'était montré sous sa plus grande vulnérabilité aux yeux condescendants de son enfoiré de Géniteur de voisin, et ce dernier a non seulement apprécié, mais s'est touché également en le regardant droit dans les yeux.
À cet réalisation, Changbin fit la seule chose qu'il ne savait que faire dans ce genre de situation : fuir à toutes jambes et s'enfermer dans sa chambre.
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