Chapitre II : L'Académie Rose.

Le reste du trajet, d'environ une bonne vingtaine de minutes, s'était déroulé dans le silence le plus complet. C'était le genre de silence qui générait une atmosphère de tension entre les personnes présentes, et dont on avait beaucoup de mal à se débarrasser.

La chanson Wake me up when September ends de Green Day dans les oreilles, j'avais pendant ces vingt interminables minutes observé sans raison apparente le paysage sinistre et déprimant qu'offrait Sherbrooke, à travers la vitre de la voiture. Il fallait dire que le rythme et les paroles s'accordaient parfaitement avec l'ambiance lugubre de cette ville.

<< Summer has come and past,

The innocent can never last,

Wake me up when september ends >>

Dans ce genre de moments, lorsque les émotions que je me tuais à enfouir au plus profond de moi-même resurgissaient, la musique était mon seul remède, mon seul anesthésiant. C'était ce qu'il y avait de mieux. Entendre ce que je ne pouvais m'autoriser à dire où à ressentir dans une chanson libérait mon esprit d'un poids lourd, et me donnait l'impression d'avoir un monde à part, où pouvoir me réfugier.

Avant mon déménagement deux semaines plus tôt, lorsque j'avais failli tuer mon ancien petit ami sous les regards effarés d'une centaine de lycéens, je m'étais isolée, et j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps, évacuant sans aucun doute toutes les fois où je m'étais contentée de garder la tête haute lorsque mon problème refaisait surface. Pour toutes les fois où j'avais perdu des personnes qui comptaient énormément à mes yeux. Pour toutes les fois où l'on m'avait regardé comme un monstre, une bête de foire. La musique m'avait aidé à faire le deuil de cette douleur, en l'enterrant au plus profond de moi, jusqu'à ce que je ne sois plus capable de la laisser paraître.

De temps à autre, Nelly, qui se trouvait à ma gauche, me lançait des regards que je ne préférais même pas qualifier. Dommage pour elle, je ne lui prêtais plus la moindre attention. Ce qu'elle avait dit à propos de moi, je ne risquais pas de l'oublier de si tôt. Mes parents, eux, avaient opté pour me lancer quelques coups d'œils furtifs. Ils semblaient visiblement inquiets de ma santé mentale qui devait se dégrader de jour en jour. Et je ne pouvais que les comprendre. Quel genre de personne doté d'un cerveau en bon état aimerait se retrouver dans la même voiture qu'une potentielle tueuse en série? Je n'arrivais toujours pas à croire que j'avais échoué en tant que personne normale avant même d'être arrivée à destination.

Un grand portail aux grilles couleur terre légèrement rouillées, encadré de colonnes en pierre blanche et d'un mur de briques rouges était à présent le seul obstacle nous séparant d'un immense bâtiment. À vrai dire, il y avait encore un chemin parfaitement tracé et entouré de mauvaises herbes à traverser avant d'atteindre ce même édifice. Ou plutôt...ce château. C'était la première fois que je voyais l'Académie Rose et j'en eus immédiatement le souffle coupé.

Je me déplaçai lentement en direction du portail, fascinée. C'était assez dur à expliquer, mais quelque chose dans cet endroit provoquait en moi une étrange sensation. À la fois un sentiment de confort et de gêne. Je contemplai les deux colonnes entourant le portail. La première était surplombée d'une sublime sculpture qui représentait deux ailes couleur gris poussière entièrement déployées. Une plaque en argent dont l'écriture gravée en noir indiquait "Bienvenue à l'Académie Rose" y siégeait de manière visible. La deuxième colonne était parfaitement similaire. Seule la couleur des ailes différait, la distinguant finalement de l'autre. Elles étaient aussi noires que celles d'un des corbeaux qui volaient au même moment dans le ciel, poussant des croassements à en donner des frissons. Je remarquai une demi-seconde plus tard, qu'une des pointes de la grille était décorée d'un étrange signe, mais décidai de ne pas m'attarder sur ce simple détail. J'avais beaucoup mieux à découvrir derrière cette grille. Je dirigeai à nouveau mon regard vers le bâtiment, qui de loin semblait déjà si immense, que je ne pouvais imaginer ce à quoi il ressemblait de près.

Ma mère avança d'un pas hésitant, et pressa du bout du doigt le troisième bouton de l'interphone situé sur la première colonne, celle aux ailes grises.

- C'est pour Alice. Alice Greenstone.

En guise de réponse, les grilles du portail s'ouvrirent lentement.

J'avançai d'un pas pressé, avant de remarquer que mes parents et Nelly ne me suivaient pas.

- Nous... nous allons te laisser là, marmonna mon père. (Il passa sa main derrière sa tête et se massa la nuque) Nous t'appellerons avant la fin de la semaine pour prendre de tes nouvelles.

J'arquai un sourcil.

- Vous ne m'accompagnez pas à l'intérieur? Juste le temps de visiter un peu et de...

- Non, me coupa sèchement ma mère.

Elle garda le silence un moment, puis ajouta :

- Suis le chemin, entre, et tu devrais vite trouver une personne pour t'accueillir. On se voit le week-end prochain, Alice.

- Ouais, c'est ça, marmonna cette vipère de Nelly, en faisant mine de se limer les ongles.

Je me sentis vexée. Pas parce qu'ils ne voulaient pas m'accompagner, - j'avais presque seize ans, je pouvais me débrouiller seule - mais parce j'avais la vague impression qu'ils essayaient de se débarrasser de moi le plus vite possible, après l'incident récent de la voiture. Peut-être était-ce justement pour se débarrasser de moi qu'ils m'avaient inscrit dans cet établissement. Je me parai néanmoins de l'air le plus indifférent qui soit avant de répondre.

- Très bien. (Je leur tournai brusquement le dos et avançai, valise à la main et sac à l'épaule.) Au week-end prochain...peut-être.

J'entendis la grille se refermer bruyamment derrière moi, masquant le silence blessant de mes parents. Il fallait que je suive le chemin pour me diriger vers ce que je devinais être la partie scolaire de l'Académie. Je me demandais si les chambres étaient à l'image du bâtiment en question : grandes, impressionnantes, peut-être même luxueuses. D'ailleurs... avec qui allais-je partager la mienne? J'arrivais environ deux mois et demi après la rentrée scolaire après tout. Tout devait déjà avoir été mis en place, et j'allais tomber comme un cheveu dans la soupe.

Plus j'avançais, plus je me rendais compte que je ne savais absolument rien de cet endroit. Bon, à vrai dire, je savais qu'elle s'appelait l'Académie Rose, - évidemment - qu'elle était spécialisée en sports et en arts, qu'elle était il y a longtemps de cela la propriété d'une très riche famille et... c'était tout ce que je savais. Je n'avais même pas questionné mes parents à ce propos, tellement tout s'était fait rapidement.

Il y avait devant l'entrée, une petite cour agrémentée de bancs, d'arbres perdant une grande quantité de feuilles à l'approche de l'hiver, ainsi que d'une magnifique fontaine entourée de verdures taillées à la perfection, d'une couleur cependant terne. Quel dommage, nous étions en novembre, et par conséquent, le soleil était en congé. Je sentis une goutte d'eau froide me tomber sur le front, et levai la tête vers le ciel, qui s'était assombri. Je remarquai au passage qu'au sommet d'une des deux tours encadrant le bâtiment, siégeait une horloge indiquant presque huit heures. Il valait mieux que j'entre le plus rapidement possible avant que la pluie ne se déchaîne sur moi.

La porte d'entrée de l'Académie était une immense double-porte en bois noir, encadrée par deux statuettes d'angelots tenant une harpe chacun. Je saisis la poignée, qui avait la forme d'une aile dorée et la poussai lentement. J'étais nerveuse. J'avais jusqu'à présent étudié dans de simples lycées durant de courtes périodes. Fréquenter une académie spécialisée en sports et arts qui incluait un pensionnat, sachant que j'arrivais après tout le monde... Cela m'intimidait carrément. J'avais même déjà élaboré un plan de fuite, des plus détaillés qui soient.

Du calme, Alice. Sois juste normale.

Plus facile à dire qu'à faire. Je lâchai ma valise et passai discrètement, en gardant les yeux fermés, ma tête derrière la porte aux ornements anciens, avant de ressortir tel un chat ayant repéré un pistolet à eau.

- OK, c'est vraiment pas le moment de flipper, pensai-je à voix haute. Respire Alice, et sois NORMALE. Non mais de qui je me moque? (Je me frappai le front, exaspérée) Pour commencer, parler toute seule, ce n'est pas ce qu'on peut qualifier de normal.

- Alice Greenstone?

Je sursautai, puis me retournai très lentement, me sentant stupide d'avoir été surprise à parler toute seule. La femme qui se présentait à moi était d'une beauté sans égal, peut-être même surnaturelle. Elle était grande et mince. Ses cheveux étaient sombres comme la terre, bouclés, et ses yeux étaient d'un noir si profond qu'on croirait se perdre à jamais dans les ténèbres en s'y plongeant par mégarde. Les traits de son visage fin laissaient deviner ses origines asiatiques. Elle avait près de son œil droit surmonté d'un trait d'eye-liner noir intense, un grain de beauté, qui ne faisait qu'accroître son charme déjà fulgurant. Honnêtement, je me sentais vraiment laide et banale à côté d'elle, qui ressemblait à un mannequin, une magnifique poupée. Elle semblait avoir dans la vingtaine et portait une longue robe à bustier noire, ornée de dentelle élégante, raffinée, qui traînait derrière elle. Un peu comme une robe de mariée sombre. Elle avait également un mini chapeau noir de gothic lolita accroché sur le côté de sa tête grâce à des pinces. J'espérais vraiment qu'ils ne s'habillaient pas tous comme ça ici, car dans le cas contraire, je ne risquais pas de passer inaperçue avec mon bonnet, ma veste en jean et mes vans.

- Vous êtes priée de me suivre, dit-elle. Le proviseur vous attend.

Sa voix était si envoûtante que ça en était vraiment flippant. Je la suivis malgré tout, tout en tirant avec peine mon énorme valise noire, et pénétrai dans l'enceinte de l'Académie. Il me fallut moins d'une seconde pour réagir à ce qui se trouvait en face de moi.

- Waouh, soufflai-je, les yeux écarquillés.

Je me situais dans un long et spacieux couloir, dont le sol était partiellement recouvert d'un simple mais très beau tapis noir. Le plafond, en voûte, représentait de magnifiques peintures, que je ne qualifierais pas de religieuses, mais plutôt de peintures de mythes, de légendes. Ils semblaient réellement décrire une histoire, bien précise. Comme ce couloir n'avait pas de fenêtres, des lustres et bougeoirs muraux illuminaient faiblement l'endroit.

Les murs étaient couleur blanc cassé, avec des formes rectangulaires dorées se répétant de manière symétrique en guise d'ornement. Il y avait de nombreuses portes, noires pour la plupart d'entre elles, de structures et de formes régulières, saufs pour certaines, doubles, qui différaient vraiment des autres. Des plaques en argent étaient fixées sur chacune de ces portes, indiquant ce qu'il s'y trouvait derrière.

"Débarras, bureau de le psychologue, inscription au club, gymnase principal, infirmerie..." lus-je mentalement en regardant un coup à gauche, un coup à droite, tout en marchant au rythme de la femme dont je ne connaissais ni le nom, ni la fonction.

Elle se retourna brusquement vers moi, ce qui me fit à nouveau sursauter.

- Ne traîne pas. Le proviseur n'est pas quelqu'un de patient. J'ordonnerais à un élève de te faire visiter les lieux plus tard, pour l'instant tâche simplement d'avancer.

Elle tourna les talons, et se remit à avancer de sa démarche majestueuse. N'était-ce pas la même personne qui me vouvoyait quelques minutes plus tôt? En plus d'être carrément flippante, elle avait l'air strict et autoritaire et lisait peut-être même dans les pensées. Voilà qui promettait une bonne entente...

Le couloir se séparait en deux. Nous avions le choix entre aller à droite, - dans un autre couloir se séparant lui même en deux au bout - à gauche - dans un couloir similaire - ou, comme nous l'avions fait, continuer tout droit, vers une grande porte, avec une plaque couleur or indiquant: "Bureau du proviseur". Une rose blanche, une rose rouge et une rose noire était gravée dans celle-ci.

La femme qui m'avait accompagné jusqu'ici toqua à la porte. Son geste fut suivi d'un "entrez" prononcé par une voix grave, masculine. Elle me regarda brièvement avant d'ouvrir la grande porte.

Et à cet instant, je découvris que cette académie avait pour passe-temps numéro un de se foutre du monde.

Le bureau du directeur? Était-ce une blague? Il devait certainement y avoir erreur.

C'était une grande pièce, pour ne pas dire énorme, de forme octogonale. Un grand bureau noir sur lequel se trouvait un tas de feuilles parfaitement classées se situait à l'opposé de moi. Un ordinateur portable reposait sur le bord. Derrière ce même bureau, il y avait une grande chaise en cuir noir, retournée vers trois fenêtres habillées de rideaux presque transparents. D'un côté, une bibliothèque remplie de livres, une étagère en verre pleine de trophées, des plantes et des sculptures. De l'autre, une télé-murale, une console de jeux, un mini-bar, un mini frigo, un baby-foot, une table d'échec..

Je restai bouche-bée, tant cela semblait irréel. Il fallait que quelqu'un m'explique, et très rapidement, car cet établissement venait de battre tous les records en ce qui concernait les endroits bizarres. Et moi qui avais l'impression d'entrer dans un château, voire une église, je ne m'attendais pas à trouver toutes ces choses plutôt modernes... dans le bureau du proviseur!

La chaise pivota lentement vers moi, me dévoilant un homme qui à première vue devait avoir aux alentours de vingt-cinq ans. Ses cheveux étaient brun foncé. Je ne savais pas si c'était à cause de la lumière du jour, mais ses yeux bleus paraissaient vraiment très clairs, lui donnant un air presque surnaturel.

Il était vêtu d'un costard noir et d'une cravate - très classe, soit dit en passant - et tenait un verre de vin dans sa main.

- Bienvenue à l'Académie Rose, Alice.

Ses paroles furent suivies d'un long silence. Il posa délicatement le verre de vin sur le bureau.

- J'adore ce moment où je fais mon entrée en scène, déclara-t-il d'un air subitement enfantin. Chaque nouvel élève y a droit bien évidemment. Tu dois bien avouer que j'avais l'air d'un plutôt bon acteur à l'instant. La classe, c'est tout un art, je ne le redirais jamais assez.

Puis, il réajusta sa cravate.

Hallucinant sur place, je ne pus contenir un éclat de rire, avant de me reprendre aussitôt.

- Excusez-moi, dis-je. Merci monsieur le proviseur.

- Du calme, du calme. Et oublie donc cette histoire de "Monsieur le proviseur", tout le monde m'appelle Ian ici. J'avoue que dans un lycée normal ça poserait problème que les élèves soient aussi légers avec le proviseur, mais bon, nous sommes à l'Académie Rose.

Il me fixa un instant, les yeux légèrement plissés.

- Tu m'as l'air bien mal à l'aise. J'espère que Rose ne t'a pas trop terrorisé. (Il posa son regard sur elle) Rose, cesse donc d'être aussi stricte et cruelle avec les élèves, tu veux? Je parie que tu ne t'es même pas présentée.

La dénommée Rose, ou la sublime femme qui m'avait accompagné jusqu'ici, fronça les sourcils et se para d'une mine boudeuse. Elle lança des éclairs des yeux au directeur, tandis que ce dernier se parait d'un sourire taquin.

Minute... Le directeur avait-il vraiment l'attitude d'un garçon de mon âge ou étais-je simplement en train de rêver?

- Je suis Rose Pealsburry, la proviseure adjointe, se présenta-t-elle. Appelle-moi Mlle Pealsburry, respecte les règles, aie un comportement convenable et nous devrions pouvoir nous entendre.

Elle me lança un regard si glacial et meurtrier, que j'eus envie de m'enfuir à toute vitesse.

- D'accord, bredouillai-je.

- Rose, Rose, Rose, reprit le proviseur en secouant la tête d'un air affligé. Ton mauvais caractère fait presque ton charme, tu sais?

Il lui adressa un clin d'œil dragueur et elle fit mine de vomir, avant de sortir de la pièce en emportant avec elle ma valise.

A présent détendue, j'esquissai un sourire amusé. Quelque chose me disait que j'allais me plaire dans cet endroit. Ou du moins, j'aimais déjà le proviseur. Ce dernier s'éclaircit la voix, et redevint subitement sérieux. Il avait raison, il ferait fureur dans le monde du cinéma grâce à sa capacité à changer d'attitude en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Il me fit signe de prendre une chaise dans le tas à sa gauche, et de m'asseoir devant lui.

- Pour en venir au côté "sérieux" de la chose, Alice, te voilà maintenant dans un établissement comportant des règles précises. Rose se serait fait un plaisir de te les rappeler, mais je vais simplement t'offrir ce petit carnet.

Il me tendit un carnet de petite taille mais plutôt épais, dont la couverture marron était ornée d'une rose rouge et d'une inscription indiquant Règles de l'Académie. Je tendis les mains pour le prendre, mais il esquiva habilement mon geste.

- J'aimerais que tu le lises entièrement, mais pas maintenant. Je vais cependant me contenter de te citer une partie des règles que tu dois connaître pour l'instant.

Il feuilleta brièvement le carnet, avant de finalement s'arrêter sur une des nombreuses pages.

- Le couvre-feu de l'académie, sauf autorisation spéciale, est de vingt-trois heures. Le week-end, il est élevé à minuit. Les élèves doivent alors se situer dans le bâtiment des élèves. Ils peuvent profiter des nombreux divertissements mis à leur disposition, mais sont priés d'éviter tout tapage nocturne.

Cela ne me dérangeait pas le moins du monde. Après tout, je n'avais plus d'amis et ne comptais absolument pas m'en faire. Je me rendis d'ailleurs compte qu'avec tout cela, j'avais presque oublié mon problème.

- Voyons voir... Il est bien entendu obligatoire de se présenter à chaque cours. Les retards sont à éviter, sous peine de sanction si trop répétitifs. Si tu ne te sens pas bien, il faudra le signaler, puis, tu resteras dans ta chambre.

Sans problème.

- Chaque personne doit avoir au moins une option sport ou art. Le maximum est de quatre. On t'indiquera prochainement quelles sont ces options en question. (Il marqua une courte pause.) Il est interdit d'aller se balader dans la forêt qui se trouve derrière les dortoirs. Et de se servir sans permission dans le débarras. Les bagarres ou autres violations des autres règles sont sanctionnées selon la gravité de l'acte blablabla... Bon. Disons que cela devrait suffire pour l'instant. (Il déposa le carnet sur le bord du bureau.) Il y autre chose dont je voudrais te parler, Alice. Tu ne suivras pas les cours normaux avec les autres jusqu'à un certain temps.

Je me crispai. Ne pas suivre les cours pour le moment? Je ne comprenais pas. Mes parents adoptifs lui avaient-ils parlé de mon problème? Était-ce la raison pour laquelle ils m'avaient envoyé ici? Et si tout le monde savait?

- Alice?

Je sortis brusquement de mes pensées et redirigeai mon regard sur le proviseur.

- Quelque chose ne va pas? demanda-t-il d'un air inquiet.

- Non, j'ai juste... hum... j'ai très chaud, mentis-je.

- Oh, pas de souci, je vais arranger ça, déclara-t-il en passant la main sous la table.

Quelques secondes plus tard, je sentis une vague d'air frais émaner de tous les recoins de la salle.

La climatisation.

"Sérieusement?" pensai-je en regardant le proviseur, qui affichait un grand sourire.

Son sourire s'évanouit cependant lorsque son regard se posa sur la clé accrochée à mon cou.

- Tu devrais bien le garder, me conseilla-t-il. C'est un très joli bijou.

Je fronçai les sourcils, tout en agrippant mon collier d'une main. Ma mère m'avait dit exactement la même chose plus tôt ce matin, sans que je ne comprenne pourquoi. Cela me paraissait cependant d'autant plus bizarre que le proviseur, que je ne connaissais que depuis quelques minutes seulement me dise une telle chose.

- Dis-moi, Alice, sais-tu pourquoi tu es dans cette académie, et avec qui exactement tu te trouves? me questionna-t-il.

- Je...

J'étais sur le point de faire un malaise. Peut-être que Nelly avait visé juste. Peut-être était-ce vraiment un centre pour psychopathes. Enfin, plutôt pour adolescents à problèmes. Et peut-être mes parents avaient jugé bon de m'y intégrer afin de gérer ce problème si pesant.

- Je ne suis pas sûre de savoir de quoi vous voulez parler, Monsieur le pro... euh, Ian.

Il me fixa d'un air pensif tout en se mordillant la peau de la lèvre inférieure, puis se redressa sur sa chaise. En l'observant de manière plus détaillée, je m'aperçus qu'il était vraiment beau et paraissait très jeune, pour un proviseur, contrairement à celui dans mon ancien lycée, qui avait le crâne dégarni et la peau qui commençait à tomber.

- Peu importe pour l'instant, car comme je le disais, tu ne suivras les cours qu'au bout d'un certain temps.

- Pourquoi? demandai-je aussitôt.

Il fallait absolument que j'élimine cette mauvaise habitude de dire à voix haute tout ce qui me passait dans la tête, sans réfléchir. Je posais toujours beaucoup trop de questions.

Le proviseur parut hésiter avant de répondre.

- Juste le temps que tu sois mise au courant de certaines choses, répondit-il d'un ton qui voulait dire "n'en demande pas plus". Rose te conduira à ta chambre, où tu seras priée de rester pendant quelque temps. Quelqu'un t'apportera tes repas. Je te prierai de ne pas te promener dans l'académie car...

- Attendez, le coupai-je. Vous voulez dire qu'en plus de ne pas commencer les cours, je ne dois pas sortir de ma chambre? C'est hors de question. Et qu'est-ce que vous voulez dire par... enfin qu'est-ce que je ne suis pas censée savoir?

Il se remit à me fixer d'un air pensif avant de soupirer et de sourire avec une certaine amertume.

- Le caractère, c'est vraiment de famille, on dirait.

- Vous connaissez mes vrais parents? demandai-je d'un ton un peu trop enthousiaste. Je veux dire...mes parents adoptifs...

Je baissai les yeux. Pendant un bref instant, sans trop savoir pourquoi, j'avais réellement cru qu'il parlait de mes vrais parents.

Il parut très surpris et prit au dépourvu. Il toussota quelque peu, avant de marmonner :

- Je répondrai à tes nombreuses questions quand l'heure sera venue, et même si cela peut te paraître étrange toutes ces règles, tu comprendras vite. Du moins, je l'espère.

Je hochai la tête, concluant que j'avais trop parlé pour l'instant, malgré les nombreuses questions qui me trottaient dans l'esprit.

Un long silence suivit, avant d'être finalement brisé par le proviseur, qui m'observait toujours aussi mystérieusement :

- Dis moi, Alice?

- Oui?

- Tu aimes le chocolat? me demanda-t-il.

J'arquai un sourcil, tout en acquiesçant. Il n'était vraiment pas crédible comme proviseur. J'aurais juré avoir un gamin de six ans devant moi. Néanmoins, un chocolat, ça ne se refusait pas.

- Sers-toi.

Il me tendit une grosse boite remplie de diverses variétés de chocolat, puis se servit également, avant de dire à voix basse :

- Cette année scolaire s'annonce intéressante, on dirait.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top