Rupert était pressé d'avoir fini de parler tandis que moi, j'avais prié comme une possédée pour qu'on lui pose le plus de questions possibles, pour retarder mon tour, comme lorsque l'on attend impatiemment la fin d'un cours barbant et qu'un petit malin questionne le professeur sur un sujet absurde.

C'était ce qu'il arrivait souvent avec Monsieur Lefebvre justement, mon professeur de géographie pour la deuxième fois. Je l'aimais bien, cet homme; il avait un cours structuré et sa passion pour la géographie et la Terre m'avait fait aimer mon pays ainsi que son cours.
Oui, je le trouvais vraiment bien mais cette idée de révélation de secrets était minable.

Quand je pensais que je devais parler de moi à ces cinq inconnus, mon coeur battait si fort que j'étais capable de le ressentir dans mes pieds ou même dans mes cuisses.
Jusqu'à maintenant, ça ne m'était arrivé qu'une seule fois et quand j'en avais parlé à Maman, elle avait prétendu que c'était normal de ressentir cela avant une présentation orale. Je présume que ce que nous vivions était semblable à une présentation orale, alors.

J'étais perdue, je ne savais plus quoi penser.
Rupert avait raison; moi non plus, je n'avais rien à raconter, à ces élèves qui m'étaient inconnus. Si l'on a des secrets, c'est justement pour les garder pour soi, et non pas pour les crier haut et fort à la première occasion. Et encore moins lorsque ce n'est pas avec volonté.

L'idée de me lever et de discrètement quitter la pièce m'a traversé l'esprit mais un ami à mon frère, qui était dans ce lycée deux ans auparavant et qui avait donc fait cette activité m'avait raconté qu'un gars avait essayé de partir mais c'était fait attraper et a failli purger plusieurs heures de colle. Je ne suis encore jamais allée en retenue et n'avais aucune envie que ça n'arrive maintenant, si proche de la fin des secondaires. Je me suis alors tenue à carreaux et ai collé un sourire faux sur mes lèvres rosées.

   -C'est à ton tour, hein, Cassandre, m'a rappelé Rupert pour la dixième fois.

J'ai pris sur moi pour ne pas lever les yeux au ciel. C'était un comportement impertinent et je ne suis pas comme cela alors je faisais de mon mieux pour éviter qu'ils le pensent.

   -Je sais, Rupert, merci, ai-je donc faussement remercié le jeune garçon étrange.

Les battements de mon coeur ont atterri dans mes oreilles. J'avais l'impression qu'elles allaient exploser et que j'allais me mettre à pleurer comme une gamine de cinq ans, c'était vraiment pathétique.

   -Ne t'en fais pas, Cassandre, nous ne sommes pas ici pour nous moquer ou quoi que ce soit de ce genre, m'a rassuré Andreï.

Il voulait être gentil mais il m'a mis encore plus mal à l'aise. Je pense n'avoir encore jamais parlé avec un garçon si imposant de carrure et ça me déstabilisait.
J'ai alors fait de mon mieux pour éviter ce garçon du regard car, si je voulais avoir le courage de parler, il était préférable de mettre toutes les chances de mon côté.

Alors que je m'apprêtais à ouvrir la bouche, deux coups de main dans le micro se sont fait entendre. Rupert a soupiré, ayant certainement peur que le professeur nous annonce que nous devions reprendre au tour précédent. Je comprenais aisément sa frayeur, bien que ça m'aurait arrangé durant plusieurs instants.
Evan a levé les yeux au ciel tandis que Nyl a franchement demandé tout haut quel était le problème avec le micro. Leurs réactions m'ont fait sourire et m'ont légèrement détendue.

Je n'ai pas eu à tourner la tête car j'étais juste en face de la grande scène trônant dans le réfectoire du lycée Blaise Cendrars. J'ai remarqué que ce n'était personne d'autre que la jeune professeure de mathématiques, Mademoiselle Kaling.
Elle nous a simplement dits qu'elle attendait un peu plus d'enthousiasme de notre part et de ne pas hésiter à les appeler, elle et monsieur Lefebvre, en cas de besoin.

Ensuite, elle nous a sommés de reprendre là où nous en étions et a promis de ne plus déranger, ou seulement en cas de problème très grave. Cette réflexion m'a secrètement faite sourire car elle n'avait aucune raison d'être. Enfin, il n'y avait aucune raison qu'un problème ne fasse surface. Jeanine, la grande blonde de mon cours de mathématiques n'était pas présente donc il ne risquait pas d'avoir de malaise.

   -Allez, Cassandre, on t'écoute, m'a encouragé Nyl, tout sourire.

J'aimais l'authenticité et sa spontanéité de cette fille. Elle semblait si sincère dans tout ce qu'elle disait, même la pire des banalités. J'étais bien heureuse d'être tombée à la même table qu'elle car tous les autres me paraissaient bien plus étranges, surtout les deux qui étaient déjà passés.
Peut-être que j'avais plus de préjugés à leur sujet à cause de leurs révélations? Je n'en savais rien mais en tout cas, je trouvais la fille provocatrice et le garçon antipathique.

   -Reprends confiance en toi, Cassandre, a commencé Adélaïde. Il faut le temps de s'y mettre et ce n'est pas agréable mais plus vite tu parles, plus vite c'est fait.

Evan l'a regardée de grands yeux durant plusieurs instants, probablement pour lui faire comprendre quelque chose ou son agacement face au secret de son ex petite amie.
Je n'ai pas fait attention à ces deux-là, déjà bien trop mal à l'aise comme ça.

   -Ne fais pas attention à eux et lance-toi, m'a apaisée Andreï.

D'un léger sourire, je l'ai remercié et ai attendu que l'ancien couple se calme afin de pouvoir commencer à parler dans le calme, dans une atmosphère détendue.

   -Mon secret aussi a un rapport avec mon frère, ai-je introduit ma présentation.

   -Hé ben merde, alors!, s'est exclamé Rupert. J'espère vraiment qu'il ne te bat pas, lui.

Un petit sourire est apparu sur mon visage et était destiné à ce garçon. Il l'a timidement accueilli avant de baisser les yeux à nouveau pour me laisser continuer.

   -Mes parents ont divorcé quand j'avais trois ou quatre ans; j'étais vraiment toute petite et n'en ai que des souvenirs infimes.

   -Mes parents aussi ont divorcé, a réagi à nouveau Rupert, mais j'avais déjà quinze ans. Je pense que c'est la chose la plus douloureuse que j'ai vécue durant ma petite vie.

Tous les regards se sont déposés sur celui qui venait de parler. Il avait dit cela avec quelque chose dans la voix qui avait réussi à me faire ressentir la peine que cette histoire avait engendrée chez lui et une lueur de désespoir s'était durement déposée dans ses yeux clairs.

   -Je me suis déjà demandée si ça faisait plus de mal de voir le couple de nos géniteurs se séparer lorsque l'on est enfants ou adolescents, a révélé Adélaïde, suite aux paroles de Rupert.

   -Je pense que ça dépend de tonnes de choses, tout est relatif, a conclu Nyl. Mais ce n'est absolument pas la question, laissons Cassandre reprendre là où elle en était.

Je ne l'ai pas gratifiée du regard alors que j'aurais peut-être dû. Elle avait fait cela avec bonne volonté et pour me rendre service, je pense même. Malheureusement pour elle, m'inciter à parler de ma vie privée à des inconnus était plus considéré comme un devoir qu'un plaisir.
Je ne l'ai pourtant pas insultée ou dit que ce n'était qu'une conne, chose que j'aurais eue envie de faire si ça avait été Adélaïde.

   -Comme le dit si bien Adélaïde, plus vite c'est fait, plus vite je suis tranquille, alors je vais parler, ai-je fait part de mes pensées aux personnes autour de la table.

Ils ont opiné d'un hochement de tête chacun, comme si c'était l'unique façon pour accepter quelque chose. Quand je suis stressée, je prête un peu trop attention aux détails superflus du quotidien et j'ai toujours détesté cela.

   -Ma mère a retrouvé un homme deux ans plus tard et ça a été le coup de foudre, valable à ceux que l'on voit dans Les feux de l'amour ou toutes les conneries de films américains, ai-je recommencé mon histoire là où elle était restée. Ils se sont mariés assez rapidement, alors que je n'avais que six ans.

Adélaïde a haussé les sourcils, touchée ou impressionnée, je ne parvenais pas à identifier ce que signifiait ce geste venant d'elle et face à cette situation.
Je n'y ai pas fait attention, ainsi qu'à la curiosité ayant apparu sur le visage des quatre autres.

   -Le type avec qui elle s'est mariée avait un enfant de mon âge, ai-je repris. Il s'appelait Xavier et était le frère que j'avais toujours rêvé d'avoir.

   -C'est cliché, a souri Andreï.

Je n'ai pas fait de remarques à propos de ces paroles, simplement parce qu'elles avaient été prononcées par Andreï, le grand Andreï aux épaules aussi larges qu'épaisses.

   -Je l'ai considéré comme mon frère et lui m'a qualifiée comme étant sa soeur, ai-je repris. Nous nous sommes directement bien entendus et sommes devenus inséparables.

   -C'était devenu ton meilleur ami, en gros?, m'a interrogée Evan.

-Oui, on peut dire ça comme ça. Sauf que moi, je reste toujours avec ma mère vu que mon père est un connard fini et n'essaie pas vraiment de me voir alors que Xavier va une semaine sur deux chez sa mère.

Je leur ai expliqués que je devais donc passer certaines semaines toute seule entre ma mère et mon beau-père sans être accompagnée par Xavier pour passer le temps.

  -Un jour, Maman m'a disputée très fort, une semaine où Xav n'était pas présent donc je suis allée me réfugier dans sa chambre. Son odeur me calmait, me détendait.

Rupert a réagi en disant qu'il avait déjà fait cela mais avec sa petite amie. J'aurais pu prendre la mouche mais il avait raison, c'était plutôt le genre de choses que l'on fait avec notre compagnon. J'étais peut-être l'exception à la règle...

   -Toute cette semaine-là, j'ai dormi dans son lit et j'ai commencé à me rendre compte de quelque chose, arrivais-je petit à petit au centre du secret.

   -Il fumait du crack?, a à nouveau souri Andreï.

  -Non, absolument pas, il n'a jamais touché à ces cochonneries, ai-je expliqué.

   -C'était quoi le problème, alors?, m'a questionnée Adélaïde.

   -Je me suis rendue compte que j'étais amoureuse de lui, et bien correctement.

Un petit silence est apparu et a plané au-dessus de nos têtes durant plusieurs instants. C'était long et ça me faisait paniquer: je ne savais pas comment l'interpréter.
Alors, j'ai décidé d'en faire abstraction et de me lancer pour continuer:

   -J'en ai discuté avec lui après quelques temps, lorsque ça commençait à devenir trop lourd à porter et comme par hasard, lui aussi m'aimait bien. Premièrement, je pensais vraiment qu'il se foutait de moi ou disait cela pour me faire plaisir mais très vite, il venait discrètement dans ma chambre pour m'embrasser et il me répétait même qu'il m'aimait.

   -Ça a dû commencer à devenir étrange, a remarqué Evan.

J'ai opiné de la tête, parce que c'était devenu extrêmement bizarre à partir de cet instant. Enfin, je ne regrette pas vraiment de lui en avoir parler mais peut-être que ce n'avait pas été la meilleure chose à faire.

   -Vos parents savent que vous entretenez une relation... amoureuse?, m'a demandé Evan.

   -Ils ne le savent pas, ai-je répondu. En tout cas, on ne les a jamais mis au courant explicitement mais il est vrai que nous avons des doutes à ce sujet, Xav et moi.

Adélaïde a affirmé d'un hochement de tête, se retrouvant peut-être dans mon discours avec ce qu'elle nous avait raconté quelques temps plus tôt.

   -Tu dis qu'ils s'en doutent et ne vous font quand même aucune leçon à ce sujet? Ça me semble étrange, a laissé entendre Nyl.

   -Non mais s'ils savaient que nous avons une relation sexuelle en plus, ça serait une autre chanson, ai-je simplement répondu.

Un silence a refait surface, mais cette fois-ci, c'était différent. J'avais l'impression que j'aurais dû garder cette partie du secret pour moi et ne pas la leur révéler. Même Adélaïde, qui entretenait une relation avec l'un de ses professeurs, semblait outrée. C'était à se foutre de la gueule des gens mais je me suis bien gardée de faire ce genre de remarques.

   -Ce n'est pas mon véritable frère, ne soyez pas choqués, ai-je essayé de les détendre.

   -C'est simplement particulier, a répliqué Rupert. Enfin, tu as été éduquée avec lui et par les mêmes personnes, il remplit donc tous les critères pour être ton frère.

   -C'est vrai mais nous n'avons pas le même sang alors on ne fait rien de mal, me suis-je défendue.

Personne ne semblait satisfait. Ça me déprimait un peu qu'ils aient été plus réceptifs au secret d'Adélaïde. Enfin, je ne m'attendais pas à ce qu'ils sautent de joie et soient de tout coeur avec moi mais j'aurais préféré qu'ils ne rentrent pas tous dans un mutisme interminable.

   -Nous n'avons couché ensemble qu'une seule fois, ai-je repris. C'était ma première fois. Je suis contente parce que je suis amoureuse de lui.

Nyl a alors souri. Je ne pense pas qu'elle ait déjà eu une relation sexuelle avec quiconque mais ce n'est nullement pour cela que j'oserai la juger; tout le monde doit prendre son temps, ce n'est pas un concours.
Malgré tout, je lui étais reconnaissante d'avoir souri, simplement. C'était comme me prendre la main et m'encourager à continuer, à être heureuse. J'ai vraiment interprété cela de cette manière et me suis dès lors détendue.

   -J'espère que vous ne me prenez pas pour une fille ayant un problème mental à cause de ce que je viens de vous dire, me suis-je quand même inquiétée tout haut.

   -Bien sûr que nous, a jugé Evan, nous ne sommes personne pour juger et avons chacun un secret particulier, je pense. Si nous réagissons de cette manière, c'est peut-être parce que c'est peu commun. Mais pour ma part, je t'encourage réellement à aller de l'avant et à t'assumer pleinement avec Xavier. Comme tu dis: vous n'êtes pas liés par le sang.

Un large sourire est apparu sur mes lèvres fines. Son discours m'avait fait vraiment chaud au coeur, m'a emplie de confiance.

   -Quel fayot, a quand même commenté Adélaïde.

Je n'ai pas fait attention à la blonde qui tentait de faire des faire des petites réflexions de manière indiscrète et ai attendu que le suivant décide de commencer son discours. Pourtant, Andreï ne semblait pas motivé, ou prêt à nous raconter son secret à lui.

   -Andreï, tu peux y aller, l'ai-je alors encouragé. Mon secret était court et pas vraiment intéressant.

Je le pensais. À côté de celui de Rupert, c'était vraiment une confidence minable. Après, heureusement que nous n'avons pas tous ce genre de problèmes.
Pourtant, les réactions des lycéens m'ont touchée, comme si je leur avais dit que je me prostituais. 

Malgré tout, j'ai essayé de ne pas trop les prendre en compte et de sortir les quelques regards qu'ils m'avaient lancés de mon esprit.
J'ai alors déposé toute mon attention sur Andreï.

🔵C A S S A N D R E🔵

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Je promets de poster plus rapidement avec une qualité supérieure.
J'espère que ce chapitre ne vous a pas trop déçus.
Pleins de bisous sur vous.♡
[13.02.2017]