Chapitre 79 : L'amour est une pute.
Une nouvelle journée venait de se terminer, et une fois de plus, les rois avaient tenu à ce que Wendy assiste à chaque exécution que j'avais effectuée. Déjà que je n'arrivais plus à me regarder dans le miroir avant tout ça, mais croiser le regard de la petite blonde me donnait envie de me pendre. Arioch nous traîna une fois de plus dans la chambre, avant d'essayer de me parler. Sauf qu'en collaborant avec les démons, il m'avait définitivement perdu.
- Hope, je sais que tu m'en veux, mais crois moi, j'essaye de t'aider ...
- Alors fait mieux, et va voir ailleurs si j'y suis, crachai-je en lui tournant le dos. T'es bon qu'à obéir aux ordres, non ? Alors va lécher le sol pour nettoyer le sang qu'il reste !
- Ne sois pas comme ça, soupira-t-il. Je préfère la Hope souriante, taquine, qui me défie sans cesse. C'est elle, mon amie. Pas cette fille chiante, qui se comporte comme une gamine.
- Dis-toi dès maintenant que tu as perdu toutes les Hope possibles, et que rien ne pourra les faire revenir vers toi.
- Même si je te dis que j'ai eu un entretien avec ton jumeau, il y a quelques heures ? Dit-il soudainement.
Mon coeur rata un battement, et mes mains le plaquèrent au mur, avec fermeté, alors que Wendy se rapprochait de nous, curieuse.
- Si tu lui as fait le moindre mal, je te jure que tu seras le prochain démon à te faire éviscérer !
- Mais non, arrêtes un peu ! Il a même refusé de se travestir en Catwomen, c'est pour dire si mon charme légendaire fonctionne sur lui .. Non, il s'est contenté de vouloir sauver sa copine. Seul Jesse se préoccupe de toi, visiblement. Mais d'ici peu, on pourra procéder à un échange.
- Un échange ? Tu lui as demandé quoi, en retour ? Demandai-je, intriguée.
- Des petites babioles, rien de très important. Mais je pense pouvoir libérer cette chère blondinette rapidement, et si mon plan se déroule bien, je pourrais même te renvoyer dans ton vrai corps.
Sa proposition était trop belle, et je sentais une faille derrière. Non, clairement, c'était trop beau. Comme ses publicités sur les belles voitures, avec un prix compétitif qui finalement t'engage sur quelques années. Avec en interligne la mise en gage de ton âme et de tes descendants. Secouant la tête, je lui indiquais la porte, avant de reprendre place dans mon coin fétiche, avec des livres. J'avais quelques heures de répit avant la prochaine série d'exécution, autant se détendre.
- Hope ? On a eu peu de temps pour parler, mais je tenais à te dire que j'étais contente d'être avec toi, déclara Wendy en s'asseyant en face de moi.
- Ce n'est pas mon cas, dis-je froidement. Pas que je n'aime pas te voir, mais que tu assistes à ce que je peux faire, ça me répugne. Ce n'est pas l'image que je veux que tu ai de moi, figure toi.
- Je sais que tu n'es pas comme ça, et que tu fais tout ça pour me maintenir en vie, déclara-t-elle. Et je suis certaine que les autres comprendront également. Peter aussi, il ne cesse de t'attendre.
- Alors tu lui expliqueras qu'il perd son temps, et que je compte passer à autre chose si je sors d'ici un jour, dis-je en me replongeant dans mon livre.
Elle insista pour comprendre ma décision, mais j'avais simplement envie de me reposer, au lieu de parler d'une éventuelle relation amoureuse qui ne pourrait mener à rien de bon, après avoir plongé le garçon dans l'horreur du surnaturel et les incidences que cela finissait toujours par avoir sur nos vies. Plongeant dans la pièce de théâtre de Roméo et Juliette, la vie tumultueuse des protagonistes me faisait doucement sourire. Même sans démons, anges, malédictions ou pactes, la vie ne nous faisait jamais vraiment de cadeaux, et William Shakespeare se faisait le malin plaisir de nous le démontrer. Si de brillants auteurs pouvaient mettre en scène des intrigues aussi prenantes, mais réelles, comment croire que l'amour pouvait être possible, pour les humains tellement banals tels que nous ?
Le problème de la lecture, c'est qu'elle vous englobe, et rend le temps infiniment plus rapide. Quand Arioch revint me chercher, il insista pour que Wendy reste dans la chambre, puisque j'étais la seule conviée. C'était pas trop tôt. Il avait fallu quelques dizaines de séances de tortures et d'exécution pour qu'ils comprennent que sa présence me gênait. Dans le couloir, je restais silencieuse, marchant d'un pas rapide aux côtés du démon. Mais le silence n'était visiblement pas son truc, car il m'attrapa le bras, un peu avant d'arriver à la salle du trône.
- Hope, je sais ce qu'ils cherchent à te faire devenir, mais essaye de résister, dit-il.
- Pourquoi faire ? Demandai-je, lasse. Même si je reste la Hope que tu as pu connaître, ils finiront par me détruire et me rendre monstrueuse. Fais-toi à l'idée, beau blond. Tu m'as perdu autant que ma famille et mes amis.
- Ce n'est pas ce que je voulais pour toi, ajouta-t-il. Tu es tellement plus époustouflante quand tu es humaine ..
- Je ne l'ai jamais été, crétin. Une néphilim possède des parts sombres bien plus prononcées que les êtres humains. Mais rassure toi, d'ici peu, je deviendrais comme toi. Et là, on pourra s'éclater sans que ma pauvre conscience de merde s'interpose.
Je fis quelques pas de plus, pour me diriger vers la porte et en finir au plus vite, quand il me rattrapa de nouveau, me plaquant contre le mur. Mais j'étais si éteinte, si faible et fatiguée que je n'avais que faire de ses pitoyables tentatives. Même son baiser fougueux ne me fit ni chaud, ni froid. Dean avait raison : les démons finissaient toujours par avoir raison de nous.
- L'amour est une arme puissante, princesse, murmura Arioch. Il peut te donner la force de remporter les plus féroces des guerres, mais est également capable de détruire l'homme le plus fort de l'univers. On sous-estime souvent l'effet à la fois bénéfique et dévastateur des sentiments.
- C'est pour ça que tu y as renoncé ? Et puis, me parler d'amour, c'est surfait ... Dis-je, lasse.
- Ce n'était pas un choix, mais une question de survie, mon ange, ricana le démon.
- On a toujours le choix, d'après un pauvre crétin, répliquai-je en croisant les bras.
- Quand tu as tout donné, tout perdu, et tout abandonné pour la personne que tu aimes et qu'elle décide de sortir de ta vie malgré ça, je pense que ne plus écouter son coeur, mais exclusivement sa raison reste l'option la plus évidente. Tu as encore des personnes qui t'aiment, toi. Ne lâche rien.
- Mais ce sont les sentiments et les émotions qui nous rendent humains, tu sais, argumentai-je. Sans eux, il ne nous reste que les instincts et la simple notion de survie, ce qui revient à nous rendre animal. Et vois-tu, ils ont eu raison de mon côté humain en me forçant à commettre des actes ignobles. Cesse de croire en moi, et rends toi à l'évidence : ils ont gagné.
Le repoussant doucement, j'entrais dans la salle du trône, où les deux monstres m'attendaient, souriants et impatients. Leurs sourires idiots et malsains commençaient vraiment à me taper sur le système. Dire qu'ils me restaient des années avant de ne plus les voir ..
Mais je n'eus pas le loisir de me plaindre, que déjà, ils firent rentrer les condamnés. Mais cette fois, ils me demandèrent d'être plus imaginative, étant donné qu'ils avaient éloigné Wendy pour me laisser le champ libre. Un fin sourire s'étira doucement sur mon visage, comme si une part de moi était ravie de pouvoir profiter pleinement de ma liberté.
- Tout ce que je veux, vraiment ? Demandai-je en me tournant vers les rois.
- Fais toi plaisir et étonne nous, répondit simplement Geberit.
M'avançant lentement vers l'homme à genoux devant moi, je lui relevais le menton pour plonger son regard dans le mien. Il devait avoir la quarantaine, soit l'âge approximatif de mon père et mon oncle. Et son expression à la limite du défi et de l'impuissance me donna quelques frissons. J'avais entendu parlé du côté sombre de mes parents : la soif de sang de démon de mon père, et le côté « ducon » de ma mère, bien plus prononcé étant donné son affiliation à Lilith. Mais jamais je n'avais ressenti une sensation aussi similaire par le passé. Mes parents m'avaient toujours protégé du moins qu'ils le pouvaient, et s'étaient assurés de faire taire mes démons, pour le bien de tous. Or, me pousser à des actes immoraux réveillait en moi ce côté enfouis, cette envie irrépressible de faire souffrir les êtres vivants autour de moi, et cette satisfaction dans la douleur ressentie. Mon scalpel entra en contact avec la peau de l'homme, entrant dans la chair comme un couteau dans une motte de beurre. Longtemps, j'avais pensé que mes parents étaient des psychopathes, à tuer autant de gens sans le moindre remords apparent. Mais aujourd'hui, je ressentais cette puissance, ce pouvoir sur les autres, et une part de moi s'éveilla, comme sortant d'un long sommeil.
- Aller, tu peux faire mieux, Hope. On peut faire mieux que ça. C'est bien, de le faire saigner, mais que dirais-tu de le découper en petits morceaux, avant de jouer au puzzle ?
Cette voix raisonna dans ma tête, et pourtant, je savais qu'entendre des voix étaient signe de folie. Il y avait trop d'exemples à citer, comme Deadpool, Shining, ou d'autres oeuvres cinématographiques et littéraires. La folie engendre souvent la violence, et les erreurs regrettables. Pourtant, j'avais envie d'écouter cette voix. Le scalpel continua d'ouvrir la peau de l'homme, tout en le faisant hurler de douleur. Mais ce ne serait pas suffisant pour les rois. Ni pour mon côté sombre. Alors, une fois que le visage de l'homme fut arraché, je me saisis d'une perceuse, avant de lui perforer les deux épaules, les mains, les genoux, et les pieds. Mon idée était plutôt amusante, et je sentis mon Ducon satisfait. Avec l'aide de cordes, de chaînes et de crochets, le corps de ma victime fut attachées par les extrémités percées, suspendues au plafond. Et il se transforma en marionnette, contrôlable par les cordes attachées à ses membres.
- C'est assez artistique, je dois l'avouer, commenta Hexotol, un peu surpris. Mais c'est un peu encombrant, non ?
- Et alors ? Vous m'avez dit que j'avais le champ libre, non ? Répondis-je sèchement.
Ils ne répondirent pas à cela, et me laissèrent continuer. Les autres condamnés furent transformés tour à tour en statue de cire, en pantin, et même en licorne sanglante, avec les attributs des hommes en guise de corne sur la tête. Satisfaite, au bout de quelques heures, je finis par me tourner vers les rois, pour leur présenter mon projet final.
- Et voilà ma vision de l'enfer, déclarai-je en pointant les corps désormais sans vie. Vous êtes tous deux les statues de cire, destinées à rester éternellement le cul posé sur votre foutu trône, alors que ses marionnettes feront tous pour vous divertir. Quant à cette licorne, elle est destinée à vous pourrir la vie.
- Artistique, et plutôt créatif, répondit Geberit. Tu sembles savoir écouter ton côté sombre, à présent. Nous allons donc peut-être pouvoir parler de conditions pour améliorer ton séjour.
- C'est-à-dire ? Ne plus me forcer à voir le blond ? Soupirai-je.
- Non, c'est ton tuteur démoniaque, tu n'y échapperas pas. Mais je consentirais à libérer ton amie à plusieurs conditions : pour commencer, arrêter cette musique de licorne, qui nous rends tous fou. Et nous ramener un petit quelque chose du bunker où tu as grandis.
- Vous êtes complètement stupide, dis-je en riant. Je ne pourrais pas rentrer, même si je le voulais. Protection anti-intrus, vous savez ? Sans compter que ma famille ne me laisserait pas repartir.
- Pas si tu es toi-même, sourit Hexotol. Vois-tu, nous avons la possibilité de jouer avec les âmes, et comme ton corps est précieusement conservé là-bas, y intégrer ton âme à distance est un jeu d'enfant. Mais tu dois nous assurer pouvoir t'emparer de l'objet que nous convoitons, et ressortir de là sans te faire prendre.
- Et qu'est-ce que j'y gagne, au juste ? Demandai-je, les bras croisés. Techniquement, c'est vous qui y gagnez : plus de musique, et vous aurez mon véritable corps pour me torturer. Non, je refuse.
- Tu y gagneras ta liberté, déclara Hexotol. Si tu réussis à nous rapporter l'objet en question, nous briserons notre accord et tu retrouveras ta vie d'avant, sans risquer la vie de ton jumeau. C'est donc à toi de voir : la liberté de Wendy en plus de la tienne est à portée de main.
Leur proposition était trop belle, bien trop belle pour être réelle. Et même mon côté démoniaque, tout juste éveillé, s'accordait avec ma conscience sur ce point. Mais pour être sûre de cela, je devais m'assurer d'une dernière chose.
- Par pure curiosité, que voulez-vous récupérer au bunker ?
- Quelque chose de petit, et inutile. La Bible qui a été créée à partir d'Asmodeus, expliqua Hexotol.
Seulement ça ? Cette Bible ne représentait qu'un fragment de notre ancien ennemi, et je ne voyais aucun moyen de nous nuir, à ma famille et moi, simplement avec cet objet. Et si ça me permettait de libérer Wendy, en réduisant ma peine, c'était gagnant-gagnant. Fermant les yeux, les mains jointes, je prononçais alors les mots que m'avait enseigné Rowena, pour stopper enfin le sortilège lié à la chanson des licornes. Et d'un coup, ce fut silencieux autour de nous. Tellement silencieux que j'entendais l'ensemble des démons soupirer d'aise.
- Bon sang, ce que ça fait du bien, soupira Hexotol. J'imagine que tu acceptes notre proposition, étant donné le service que tu viens de nous rendre ?
- Exactement. Alors maintenant, libérez Wendy, et je ferais ce que vous voulez.
- Non, tu vas rejoindre ton corps, et une fois l'objet donné à Arioch, ta copine sera libre, déclara Geberit.
Le blond entra au même moment, et d'un regard, compris la situation. Il s'avança vers moi, et posa ses mains sur mes épaules, avant de me fixer gravement.
- Une fois que tu auras l'objet, rejoins moi dehors, et Wendy sera libre. Tu es prête ?
- Comme jamais. C'est quand tu veux.
Arioch prononce les mêmes mots utilisés pour me faire entrer dans ce corps provisoire, et je me sentis perdre conscience, alors que mes forces me quittaient. Ma dernière vision, avant de sombrer, fut celle du blond qui me rattrapait, pour m'éviter une chute douloureuse.
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Les plans des rois se concrétisent. Que peuvent-ils bien prévoir pour Hope ?
Un vote, c'est une chance pour Hope de retrouver sa liberté. Pensez-y !
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