Chapitre 69 : Les démons n'ont pas d'humour.
La porte de la salle claqua contre le mur, laissant apparaître mon bourreau du jour. Même si je m'étais accommodé à la faible luminosité de l'Enfer, les visites perpétuelles des démons, qui savouraient chacune de leur torture quotidienne sur ma personne, ne cessaient de me briser petit à petit.
- Bonjour ma belle, c'est l'heure de ta sortie quotidienne, susurra le démon à mon oreille, alors que je me forçais à regarder le sol.
- Et j'imagine que tu as sauté la cause brossage de dent pour être à l'heure ? Ricanai-je en levant un regard moqueur dans sa direction.
Pas très malin de lui tenir tête, c'est vrai. Mais l'humour était ma seule arme de défense, à l'heure actuelle. C'est ainsi que mon train-train quotidien repris, comme pour ses dernières années. Il me prit violemment le bras, et m'entraîna devant une salle, où des cris effroyables s'échappaient. La pauvre âme à l'intérieur ne devait vouloir qu'une chose, à l'heure actuelle : disparaître dans les tréfonds du néant pour reposer en paix. Comme à leur habitude, les démons qui étaient chargés de mon cas m'emmenaient devant une salle, et me posaient systématiquement la question : « Veux-tu prendre la place du bourreau, aujourd'hui ? ». Ma réponse restait la même, bien que j'en variais souvent les formes. Non. Avec un trait d'humour pour alléger tout ça.
- Et si on allait plutôt t'acheter des freedent ? Nan parce que, j'admets que ça sent pas la rose ici, mais prendre soin de soi est important. Les chicots, ça s'entretient, c'est comme le cul.
- C'est comme tu veux, Winchester, me sourit le démon avant de me traîner dans ma salle attitrée.
Dire que j'avais ma salle personnelle de torture était une chose risible. J'aurais préféré une chambre rouge, comme pour Cinquante nuances de Grey. Mais dans le coin, ils étaient plus portés sur la douleur que sur le plaisir du sexe. Pourtant, j'aurais donné n'importe quoi pour avoir le plaisir de ressentir une autre sensation que la solitude, le désespoir, ou la douleur. Il m'attacha, comme à son habitude, sur son système de croix où mes pieds et mes mains étaient solidement fixées par des chaînes. Et il se tourna vers sa table, qui comportait de nombreux outils de tortures. Ses bébés, comme il avait coûtume de les appeler.
- Bien, bien, bien .. tu sembles avoir envie de rire aujourd'hui, fillette. Que dirais-tu de te calmer avec des jouets pour adultes ?
- Si tu utilises encore tes techniques habituelles, je risque de vite me lasser, tu sais, ricanai-je en regardant la pièce d'un air blasé.
J'avais le même démon depuis un moment, et j'avais fini par cerner ses méthodes préférées : découper en morceaux, avant de scier les tendons et les organes en de fins petits carrés, avant de s'en prendre en système nerveux central. Mon hypothèse le concernant était qu'il avait dû être cuisinier, dans une autre vie. Peut-être même un candidat à Master Chef ? Mais il ne l'avait jamais confirmé, se contentant d'appliquer de manière méthodique ses tortures habituelles. C'est ainsi que mon quotidien repris, me forçant à résister le plus longtemps possible pour ne pas crier. Ses lames me transpercèrent la peau, et je sentis mon âme se scinder en de multiples parties, tant la douleur était grande. J'avais était surprise dans un premier temps de ressentir de la douleur physique alors que mon vrai corps était encore sur terre. Mais ils étaient doués dans leur domaine, et savaient comment jouer sur les nerfs, avant de s'attaquer à la partie psychologique.
Pour le vieux bougre en face de moi, me diffuser des images de ma famille en train de mourir dans d'atroces souffrances était le summum de ses capacités. Ce qu'il ignorait, c'est que j'avais relié mon âme aux carnets offerts à ma famille, à Noël. Et que chacun d'entre eux, à leur rythme, le complétait de façon plus ou moins détaillée. C'est pour cela que par moment, je percevais des brides de mots, de phrases, ou de sensations transmises par le biais du sort de Rowena. Le plus dur était de deviner qui l'écrivait, mais j'y arrivais souvent, en me concentrant sur cette sensation au lieu des images traumatisantes affichées sur le mur.
« C'est trop dur sans toi » avait écris Maman. « Je te déteste, Hope », avait inscrit mon frère, un nombre incalculable de fois. « Tiens le coup, Princesse, je me bats pour toi » avait griffonné Dean, sûrement entre deux affaires et deux pintes de bière. « Ma fille me manque, et je m'en veux de ne rien avoir pu faire », avait confié mon père.
Une larme coula sur ma joue, face aux mots reçu par ma famille. Je comprenais la réaction de chacun, notamment celle de mon frère : ma demande avait été déloyale, et j'aurais réagis pareil à sa place. Ma réaction fut cependant mal interprété par le démon, qui claqua dans ses mains.
- Ah, tu réagis enfin ! Il faut croire que personne ne résiste à la puissance de ..
- Eh, les rois des enfers t'attendent sur leur trône, déclara un démon en entrant dans la pièce, d'un pas nonchalant.
- Tu viens d'interrompre ma séance de façon grossière, insolent ! S'époumona le vieux, alors que le blond devant moi semblait se moquer éperdument de son interruption.
- Je ne fais que répondre aux ordres, abruti. Obéis, et je surveille ton jouet, si tu veux.
Le vieux sortit de la pièce en grommelant, alors que le blond observait l'image de mon frère et moi, affichée sur le mur grâce au rétroprojecteur. Puis, il analysa les outils de son collègue, en m'ignorant royalement. Ce silence soudain me permit de souffler un moment, et j'en profitais pour fermer les yeux, en lâchant un soupir. Sentant une impression étrange, j'ouvris les yeux pour découvrir le démon blond, très proche de mon visage, en train de m'observer.
- Eh bien, ils te traitent vraiment mal, gamine. C'est quoi cette tenue ? Un genre de drap ? Ce n'est pas convenable pour une jeune fille.
- T'es qui ? Tu veux pas me laisser respirer deux minutes avant que l'autre psychopathe ne revienne ? Soupirai-je.
- Je te répondrai si on fait un petit jeu, tout les deux, lança-t-il. On va parler, avec le jeu de l'alphabet. Ce qui me permettra de voir si tes facultés intellectuelles sont toujours intactes.
Un jeu ? Son idée me surprit, mais j'acceptais en souriant, ravie de me changer les idées l'espace de quelques minutes.
- Adjugé mon grand, mais sache que je ne perds jamais, répondis-je.
- Bien, ça va me changer de tous ses idiots.
- C'est pas comme si tu avais l'air de sortir du lot, ripostai-je.
- Dit-celle qui ressemble à un elfe de maison ! Ricana le blond.
- Effectivement, un bain ne serait pas du luxe.
- Faudrait être une gentille fille pour y accéder.
- Généralement, je suis un ange, dis-je en riant.
- Hélas pour toi, ce n'est pas ici que tu seras le mieux lotis, ajouta le démon visiblement amusé.
- Il paraît que certains démons peuvent se montrer cléments, argumentai-je avec un sourire confiant.
- Je crois que c'est une légende locale, vraiment, dit-il en levant les yeux au ciel.
- Kamikaze serait le sombre idiot qui tenterait de m'aider.
- La stupidité est parfois proche du courage, chérie.
- Mais tu ne sembles pas assez téméraire pour tenter quoi que ce soit.
- Non, en effet, je préfère me la jouer solo.
- Oh, comme c'est étonnant de la part d'un démon ! Lançais-je avec une fausse expression de surprise.
- Parfois, il ne faut pas juger les gens sur leur apparence.
- Quoi que, ici, vous êtes tous pareil.
- Reste à te prouver que ce n'est pas le cas, en t'apportant des nouvelle de ton cher Sacha, ajouta le démon sans nom.
- Si tu en avais, tu ne serais pas près de moi, mais en train de tout colporter aux rois.
- Tu te trompes, je ne fais pas confiance à ses cancrelats.
- Uniquement pour jouer avec moi ?
- Vraiment, tu ne sembles pas vouloir te confier avec moi.
- Winchester signifie qu'on n'est pas aussi stupide qu'un pot de fleurs, ripostai-je en grognant.
- XXL est la taille de ton cul , ainsi que de ton égo ! S'emporta le démon dans un éclat de rire.
- Yeaaaah, et sinon, c'est quoi ton nom ?
- Zut, je vais devoir y aller. Mais on pourra recommencer !
- Abruti serait un nom parfait pour toi ..
- Bah dis donc, c'est que tu en as dans le froc !
- Contrairement à la plupart des mecs, tu veux dire ?
- Disons que même ton frangin est aussi fragile qu'une fillette.
- Effectivement, il est fan des princesses.
- Fallait s'y attendre, de la part d'une tapette.
- Galoper, tu devrais, si tu ne veux pas que ton cul se fasse botter, le menaçais-je avec un regard noir.
- Haschtag la fille qui ne peut pas bouger ? Rétorqua le démon.
- Il devrait se méfier, le démon à l'égo plus que développé, lançais-je avec un sourire sadique.
- J'ai hâte de te voir me pourchasser, pour mieux pouvoir te posséder, dit-il en se penchant vers moi.
- Kryptonite sera mon nom, quand je te retrouverais ! Lui assurais-je en me redressant.
- Loué sois Lucifer, je vais pouvoir me taper une chasseuse avec du caractère ! S'écria le blond.
- Mais tu crois en Chuck, si tu penses pouvoir poser tes viles pattes sur moi ! M'écriai-je en relevant la tête.
- Non ma belle, je sais que je peux faire ce que je veux, puisque tu seras mienne quand je prendrais la place de roi, me susurra-t-il à l'oreille.
- Oublie ça, mon grand, je préfère me taper un éléphant ! Murmurai-je à mon tour.
- Peut-être que ma trompe suffira à te donner envie de me faire des enfants .. Dit-il avec un air moqueur.
- Quoi ? Mais tu peux aller te faire une chèvre, tu gagneras tu temps !
La porte s'ouvrit brutalement, coupant aussi sec notre duel d'alphabet. Le blond me sourit et m'embrassa rapidement sur la joue, avant de se tourner vers le vieux démon.
- Les rois veulent la voir, et demandent à ce qu'elle soit présentable, donc on va lui retirer ses vêtements troués, grogna l'être démoniaque en s'approchant de moi pour me libérer.
- Rien de plus simple, il nous suffit de lui indiquer la salle de bain, et de lui apporter des habits digne d'une fille d'un souverain !
- Mais t'as fumé quoi, Arioch ? Lança le démon, intrigué par sa façon de parler.
- Simplement le peu de cheveux qu'il te restait sur le crâne, continuai-je en souriant d'amusement au blond, qui avait les yeux pétillants.
- Elle se fout de ma gueule, la gamine ? S'énerva le vieux démon.
- Tu te trompes, elle se contente de se protéger avec les mots, riposta le dénommé Arioch.
- Urticaire te convient mieux que ton nom, qui se rapproche terriblement de « Sale schnock »
Le vieux démon s'énerva, et me décolla une baffe pour me faire taire. L'amusement dans le regard du blond s'estompa d'un coup, et il saisit le bras du vieux avant de le repousser contre le mur.
- Va voir ailleurs, elle est à moi, je l'ai décidé !
- Ce n'est pas à toi que reviens cette décision ! Hurla le démon alors que le blond semblait l'effrayer, et qu'il ne comprenait pas notre jeu.
Incapable de comprendre qui j'avais en face de moi, j'attendis de voir la suite de la situation. Le dénommé Arioch, que je décidais de renommer Harry pour plus de simplicité, tourna la tête vers moi pour me détacher doucement. En me frottant les poignets, je sentis le regard noir du démon se poser sur moi, alors que le blond me poussait en dehors de la salle. Je n'avais pas connaissance de tous les lieux des enfers, sachant qu'on m'avait simplement fait visiter ma cellule, la salle du trône, et la salle de torture. Il m'invita à me faire entrer dans une salle de bain plutôt standard, avec une douche récente. Ignorant toute pudeur, vu ma situation, c'est en vitesse que je retirais mon pauvre drap qui recouvrait mon corps temporaire avant de me jeter sous l'eau chaude. Attrapant un savon, mes mains frottèrent avidement mon corps dans l'espoir de retirer le maximum de crasse, avant qu'on ne me retire mon droit d'accès à l'hygiène. Quand il entra de nouveau, avec une grande serviette, et des vêtements chauds, il m'observa sans vergogne, alors que je sortais de la douche, une dizaine de minutes plus tard.
- Merci pour tout, même si tu ne fais qu'obéir, dis-je en lui prenant la serviette pour m'enrouler dedans.
- Tu as perdu, chérie, murmura le démon avec un sourire. Mais je me suis bien amusé, avec toi. J'ai même envie de te prendre comme apprentie, tu sais !
- Depuis mon arrivée, je refuse de faire le moindre mal aux âmes présentes en Enfer, donc ne compte pas sur moi, tu ne me verras que dans ma salle personnelle. Tu sais où me trouver.
- Pas si j'arrive à te faire changer d'avis, je suis du genre persuasif, mon ange ..
En lui prenant les sous-vêtements des bras, je les enfilais sous la serviette, avant de passer la robe noire sur moi, me rendant compte qu'elle ressemblait beaucoup à celle de l'affaire au bar. Décidant de ne faire aucune remarque à ce sujet, je suivis le blond en observant sa démarche confiante, dans les couloirs sombres et humides de l'enfer. Un tel contraste entre les pièces m'impressionnait de jour en jour, et quand il s'arrêta devant la porte du trône, il l'ouvrit en me demandant dans un murmure si la vue que j'avais pu avoir sur son corps de rêve m'avait convenu. Gloussant, je lui répondis que j'avais vu mieux, mais qu'il était mieux foutu que mon tortionnaire.
- Hope ma chérie ! S'écria Hexotol, dans son trône à gauche de Geberit. Tu es bien plus présentable ainsi. Alors, comment ça se passe pour toi ici ?
- Aussi bien que je l'espérais, rétorquais-je en croisant les bras.
- J'ai appris que tu résistais de façon surprenante à notre meilleur démon, en ce qui concerne la torture, déclara le second souverain. Quel est ton secret, jeune fille ?
- Un magicien ne révèle jamais ses secrets, c'est connu, ricanai-je avec amusement. Mais on peut dire que mon style de vie sur Terre à aider à me préparer pour mon arrivée ici. J'imagine cependant qu'on est pas ici pour discuter de licornes, de paillettes, et de caca en arc-en-ciel ?
- En effet, répondit Hexotol en croisant ses mains. Je vois que tu ne perds pas ton humour, c'est typique des chasseurs dans ton genre. Et pour ton âge, tu résistes bien. Alors je te propose une petite chose : explorer les différentes voies possibles pour les démons, puisque tu sembles avoir fait le tour des tortures.
Attendez, ils me proposaient sérieusement de faire des stages au sein de l'enfer ? C'était une blague, je ne voyais que ça. Ma seule réaction fut de me pincer le bras, sous les regards étonnés des démons dans la pièce. Mais rien ne changea.
- Ah non, je ne rêve pas. Donc vous avez bien fumé de la poudre de perlimpinpin. Cette proposition de stage au sein de votre entreprise est plus qu'intéressante et enrichissante, bien sûr. Mais je me refuse de faire le sale boulot de vos subordonnés. Alors si vous n'avez que ça à me dire, je suggère de me renvoyer dans ma cellule, où je pourrais contempler les divers et multiples champignons qui se développent actuellement sur les murs de ma chambre royale, afin de m'instruire sur la végétation se développant dans les endroits humides.
Ma réaction fit doucement sourire les deux gros culs sur les trônes, alors qu'Arioch éclatait de rire, en se prenant le visage dans la main.
- Cette petite me plaît de plus en plus ! Je commence son éducation dès demain !
- Attention à toi, je te rappelle que tu es en période d'essai, menaça Geberit en pointant son énorme doigt.
Le blond paru se moquer éperdument de la menace ouverte qui planait sur sa tête, et me fit sortir de la salle en me prenant le bras. Je m'attendais à ce qu'il me ramène dans ma cellule, ou dans la salle de torture, mais il ne fit rien de tel. Au contraire, il me poussa jusqu'à une allée que je ne connaissais pas, avant de pousser violemment une porte, me forçant à rentrer.
- C'est quoi, ici ? Demandai-je en observant les murs richement décorés, et les meubles doux et confortables qui ornaient la pièce.
- C'est clair que ça change de ta cellule miteuse, hein ? Ricana le démon. C'est mon domaine en enfer, vu que je suis sous bonne garde moi aussi. Et comme c'est une chambre avec deux pièces, tu peux t'y installer. Repose toi avant demain, tu risques d'avoir besoin de courage pour affronter ce qui t'attend, lança le démon en s'apprêtant à quitter la pièce.
- Eh ! J'ai jamais accepté de te suivre dans tes idées stupides ! Je suis Heart-Angel, et jamais je ne ferai souffrir des personnes en mettant fin à leurs jours, répliquai-je en croisant les bras sur ma poitrine.
Soupirant, le démon fit demi-tour, et se pencha vers moi en me prenant le menton. Son sourire parfait ne me fit cependant ni chaud, ni froid.
- N'aie crainte, mon ange. Je vais t'apprendre qu'on peut faire le bien en étant du côté des démons. Après tout, tu es une néphilim, et tu comportes aussi une part sombre en toi. Je vais me faire un plaisir de l'exploiter.
Il sortit en me laissant seule, et je finis par m'écrouler sur le lit, profitant du côté moelleux du meuble, qui m'avait tant manqué dans ma cellule froide et inconfortable. De multiples questions tourbillonnaient dans ma tête : pourquoi me proposer cette alternative ? Pourquoi me faire travailler avec un démon déjà en sursis ? Et qui était ce Arioch, pour faire si peur aux anciens démons, et avoir le droit à de telles faveurs de la part des rois ?
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L'humour est un brillant système de défense, et Hope s'en sert sans vergogne pour éviter de faire face à ses émotions. Que pensez-vous d'Arioch ? Et de la proposition faite à Hope ?
Un vote, c'est une énorme boîte de chewing gum pour les démons. Pensez-y !
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