30. Tout est de sa faute, encore !

Je m'éveillai lentement, confortablement allongée contre les oreillers. Je clignai des paupières, avant de paniquer. Où était ma fille ? Je m'étais endormie avec elle ! Je me redressai, mais aussitôt, je sentis des mains appuyer sur mes épaules :

« - Calme-toi, Lottie. Lison est partie la nettoyer. »

J'accrochai le regard de Geoffroy, qui était rassurant. Il acquiesça :

« - Elle est avec elle. Ta fille est en sécurité.

- Pour... Pour de vrai ?

- Oui. »

Je pris une profonde inspiration, avant de me laisser retomber sur les oreillers. Elle n'avait pas disparu.

Geoffroy remonta les draps sur moi pour dissimuler ma nudité, et embrassa mon front :

« - As-tu bien dormi ?

- Oui, mais... Combien de temps ? »

Un sourire amusé étira les lèvres de mon frère :

« - Plus d'une demi-journée. Mais tu en avais besoin. »

Il m'aida à m'adosser aux oreillers, puis me mit un plateau sur les genoux :

« - J'ai pensé que tu aurais faim.

- Tu penses vraiment à tout, Geoffroy. Tu es parfait. »

Il eut un rire amusé, avant de m'observer manger avec appétit. Je me sentais si bien ! Seule l'impatience d'avoir à nouveau ma fille dans mes bras ternissait quelque peu mon bien-être.

J'entendis la porte de ma chambre s'ouvrir, et mon frère s'empressa de me retirer le plateau. Lison s'avança dans la pièce, le visage illuminé de joie, et tenant dans ses bras ma fille, emmitouflée dans une couverture. Aussitôt, je tendis les bras vers elle :

« - Oh, Lison, donne-la-moi !

- Bien sûr, mademoiselle Charlotte... J'en connais une qui était pressée de retrouver sa mère... »

Lison me mit Louise dans les bras. Et immédiatement, ma fille entrouvrit ses yeux. Ils étaient marrons, comme les miens. Brusquement émue, je me penchai pour parsemer son petit visage de légers baisers. Oh, combien je l'aimais !

Plusieurs coups furent toqués à la porte. Par un réflexe instinctif, je resserrai mon étreinte sur ma fille en relevant les yeux, prête à la défendre. Je croisai le regard attendri et ému de Lison, qui alla ouvrir. Placée devant la porte, elle me dissimulait l'identité du visiteur, mais je ne reconnus pas la voix de l'homme. Alors je me concentrai de nouveau sur Louise, qui semblait découvrir le monde de ses petits yeux marrons.

Soudain, Geoffroy me caressa la joue :

« - Je reviens, Lottie. »

Les sourcils froncés, je l'observai se lever, et se diriger à son tour vers la porte, qu'il referma derrière lui.

Je me retrouvai seule avec Lison, qui revint vers moi en me souriant :

« - Avez-vous encore faim, mademoiselle Charlotte ? »

Je devinai qu'elle tentait de me faire oublier cette mystérieuse personne avec qui elle parlait, et je n'eus pas l'envie d'insister. Alors je secouai la tête :

« - Non, ça va. »

Tout contre moi, Louise remua, crispa son petit poing contre ma chemise. Et aussitôt, elle poussa un braillement qui me déchira. J'eus l'impression que mon cœur se brisait, d'être une mauvaise mère.

Je relevai le visage vers Lison, totalement terrifiée :

« - Que lui arrive-t-il ? Pourquoi pleure-t-elle ? Je... Je n'ai rien fait ! »

Devant ma peur panique, Lison s'empressa de venir tout près de moi. Elle abaissa le drap, dévoilant ma poitrine, et me fit un tendre sourire :

« - Votre fille a juste faim, mademoiselle Charlotte.

- Faim ? »

Je fronçai les sourcils, avant de m'exclamer :

« - Oh, oui ! Bien sûr, je... »

Je remontai Louise vers mon sein. Aussitôt, elle s'y pressa, crispant ses petits poings sur ma peau. Et je sentis un sourire attendri étirer mes lèvres. Dieu qu'elle était adorable...

Je relevai la tête en entendant la porte s'ouvrir et se refermer. C'était Geoffroy qui revenait, apparemment normal. Mais je remarquai aussitôt qu'il fuyait mon regard, et qu'il clignait nerveusement des paupières. Je fronçai les sourcils, et l'observai silencieusement s'asseoir près de moi. Il étira un sourire forcé, avant de m'embrasser la joue :

« - Vous êtes adorables, toutes les deux.

- Qu'y a-t-il ? »

Je décidai d'attaquer directement. Mon frère cligna encore plusieurs fois des paupières, avant d'avoir un geste de la main :

« - Ce n'est pas important. »

Il ne pouvait y avoir qu'un seul sujet que Geoffroy désirait ainsi cacher. Louis.

Mon cœur se serra tandis que je lui demandais d'un ton qui se voulait ferme :

« - C'est à propos de Louis, c'est cela ? Il... Il ne viendra pas... »

Les larmes me montèrent aux yeux. La mine désolée, mon frère murmura :

« - Il vaut peut-être mieux en parler tous les deux... »

Je baissai le regard vers Louise, qui avait fini de téter. Elle s'était rendormie contre mon sein.

Le cœur battant, je la tendis à Lison, et la suppliai presque :

« - Tu prendras soin d'elle, n'est-ce pas ?

- Ne vous inquiétez pas, mademoiselle Charlotte. Elle est en sécurité avec moi. »

Nerveusement, je remontai les draps sur moi, avant de les triturer entre mes doigts. Je suivis Lison et Louise du regard jusqu'à ce que la porte se referme sur elles.

Aussitôt, Geoffroy vint prendre mes mains dans les siennes :

« - Oh, Lottie... C'était le messager.

- Il a pu transmettre le message à Louis ? »

Le regard de mon frère se fit sombre. Il pressa doucement mes doigts, avant d'avouer :

« - Non.

- Mais pourquoi ? Il n'a pas pu le voir ?

- Si. »

Stupéfaite, je secouai la tête. Je n'y comprenais rien. Si le messager avait pu voir Louis, pourquoi celui-ci n'était pas venu aussitôt ?

Devant mon incompréhension, Geoffroy eut un soupir douloureux, comme s'il souffrait à l'avance de ce qu'il allait m'apprendre :

« - Il se trouve qu'en cet instant... Le roi reçoit un ambassadeur du Siam, et... Il est en France pour une semaine. Il y a donc des festivités à Versailles, et... Mais le messager a pu approcher Louis.

- Mais alors...

- Louis n'a pas voulu prendre le billet. »

J'ouvris de grands yeux effarés. Comment ? Pourquoi ? Déchirée, je balbutiai :

« - Cela veut dire...

- Il a déclaré devant le messager qu'il n'avait pas de temps à perdre dans des choses insignifiantes. »

Le ton de Geoffroy tremblait d'une colère contenue. Mais moi, je n'étais pas en colère. J'étais dévastée. Ainsi, pour Louis, je n'étais qu'une chose insignifiante, qui lui faisait perdre du temps ?

Un sanglot m'échappa, et je plaquai mes mains sur mon visage en pleurant. Aussitôt, mon frère me prit dans ses bras pour me consoler :

« - Oh, Lottie, si tu savais combien j'aurais préféré ne rien te dire ! Je suis tellement désolé, tellement !

- Tu n'y es pour rien, Geoffroy... Tout est de sa faute, encore ! »

Brusquement, la colère remplaça la tristesse. De quel droit Louis se permettait-il de me traiter ainsi ? Je portais son enfant à l'instant où il avait reçu le messager ! Il aurait dû accourir à mon chevet ! Mais non, il avait déclaré qu'il n'avait pas de temps à perdre. J'aurais pu mourir, être en danger de mort, qu'il aurait réagi de la même façon !

J'essuyai mes joues, ne me sentant plus triste du tout. Et entre mes dents, je marmonnai :

« - Il n'en a réellement rien à faire de moi.

- Lottie, je n'en sais rien, je...

- Si, Geoffroy ! »

Je plantai mon regard dans le sien, furieuse :

« - Tu me l'as dit toi-même, je lui fais perdre du temps ! Et moi qui restais là à attendre désespérément sa venue, alors que... Alors qu'il se contrefiche de moi comme d'une guigne ! Mais... Mais je le déteste ! »

Je tapai du poing sur les draps, avant de prendre une grande inspiration pour tenter de me calmer. Sous le regard stupéfait de mon frère, je déclarai d'une voix ferme, aussi ferme qu'était ma détermination :

« - Il est hors de question qu'il revienne. Et il est hors de question qu'il voit Louise. Elle est ma fille. »

J'avais bien appuyé le possessif « ma ». Et j'avais raison : elle était à moi. Louis n'avait aucun droit dessus, pas quand il me traitait ainsi.


**********

Hey !

Encore une fois, Louis fait des siennes...

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