28. Lison, je ne veux pas !

Je me réveillai brutalement, dans le silence le plus total. Un instant surprise d'être éveillée, je ne pus bouger, car une vive douleur sembla transpercer mon ventre. Je laissai échapper un gémissement de douleur en crispant mes mains sur mon ventre désormais bien rond. Mais alors que normalement, cette douleur n'était que légère et passagère, là j'avais l'impression de souffrir le martyr.

A travers mes pleurs, je bredouillai :

« - Lison... Lison, je t'en prie... »

Un sanglot me coupa la parole. J'avais si mal ! Grâce à un effort qui me parut surhumain, je hurlai le prénom de ma gouvernante. Elle saurait sûrement quoi faire !

Lentement, la douleur reflua, me laissant haletante et meurtrie au milieu de mon lit. J'entendis à peine la porte s'ouvrir avec fracas. Mais je sentis des mains prendre doucement mon visage, et la voix paniquée de Lison me parvint :

« - Seigneur, mademoiselle Charlotte ! Que vous arrive-il ? »

J'ouvris doucement les yeux, et balbutiai :

« - J'ai... J'ai eu si mal, Lison ! »

Je vis ses yeux s'agrandir, juste avant qu'elle ne me lâche. Elle releva les draps, et dut apercevoir quelque chose sur ma chemise, car elle s'empressa de me redresser en empilant des coussins dans mon dos, puis reprit mes mains dans les siennes :

« - Vous êtes en plein travail, mademoiselle Charlotte. »

La terreur déferla immédiatement en moi. Je ne voulais pas ! Je ne voulais pas accoucher, je ne voulais pas finir comme ma mère ! J'éclatai en sanglots terrifiés, la poitrine comme écrasée. Je ne voulais pas mourir !

Lison s'empressa de me prendre dans ses bras :

« - Tout se passera bien, je vous le promets... Je vous le promets. »

Haletante, je secouai la tête :

« - Je ne veux pas ! Lison, je ne veux pas !

- Vous n'avez plus le choix. Ne bougez pas, je vais chercher l'accoucheuse. »

Elle s'écarta de moi. Aussitôt, je m'agrippai à son bras en la suppliant :

« - Non ! Je t'en prie, reste avec moi !

- Je vais envoyer quelqu'un vous surveiller, mademoiselle. »

Lison détacha mes doigts de son bras, et s'esquiva pour échapper à ma tentative de la garder près de moi. Elle sortit de la pièce.

Aussitôt, je plaquai mes mains sur mon visage en sanglotant. Seigneur, pourquoi Gabriel était-il parti la veille ? Pourquoi Louis n'était-il pas venu depuis deux semaines ? Pourquoi Geoffroy n'était-il pas là ? Pourquoi étais-je si seule ?!

« - Mademoiselle Charlotte ? »

Je reconnus lentement la voix de Jean. Je relevai aussitôt la tête, et l'aperçus près de mon lit, qui semblait visiblement hésitant quant à la conduite à adopter. Sans réfléchir, je tendis les bras vers lui en pleurant. Et il s'empressa de me prendre dans ses bras, comme lorsque j'étais petite. Je me blottis contre lui en sanglotant :

« - Je ne veux pas, Jean ! Je ne veux pas... Je ne veux pas mourir ! »

Il me serra davantage contre lui en caressant doucement mon dos :

« - Mais non, mademoiselle Charlotte, il ne vous arrivera rien. Tout ira bien. »

Je voulais tant le croire !

Je ne sais combien de temps je restai dans ses bras à pleurer, à crier dès qu'une nouvelle douleur me cisaillait le ventre. J'avais l'horrible impression que ces vagues de douleur étaient de plus en plus rapprochées, et plus intenses. Jean me laissait lui broyer la main entre mes doigts lorsque j'avais trop mal, et s'employait à me consoler avec de douces et affectueuses étreintes.

Soudain, la porte s'ouvrit, et Lison apparut, suivie d'une vieille femme à l'aspect maternel. Celle-ci s'approcha du lit, et écarta Jean pour prendre place à mon chevet. Ma gouvernante se plaça de l'autre côté, agrippant ma main dans la sienne :

« - J'ai envoyé un messager prévenir votre frère, et... »

Elle se pencha pour murmurer à mon oreille :

« - Il est également porteur d'un message pour le roi. »

A travers mes larmes de terreur, j'acquiesçai, et murmurai :

« - Merci Lison... »

L'accoucheuse fit sortir Jean, avant de rabattre les couvertures sur le côté pour dégager mon corps. Et tout en relevant ma chemise jusqu'à mon ventre, elle m'adressa un sourire rassurant :

« - Tout ira bien, mademoiselle. Je me nomme Agnès. »

La respiration saccadée, je la saluai du bout des lèvres, avant de me laisser aller contre la masse d'oreillers qui me maintenaient presque assise.

Tandis qu'elle examinait entre mes jambes, je fermai les yeux d'épuisement, et laissai Lison éponger mon front poissé de sueur avec des linges frais. Elle ne cessait de me murmurer des paroles apaisantes, qui rassérénaient mon cœur empli d'inquiétudes. Comme à travers un brouillard, j'entendis Agnès plier mes jambes en les écartant, et elle déclara :

« - Vous n'êtes pas encore prête. Vous allez souffrir encore de longues heures, mademoiselle. »

A ces mots, le découragement s'abattit sur moi, et j'éclatai en sanglots. Je n'en pouvais plus, je voulais que tout s'arrête !

Lison essuya mes larmes avec les mains tremblantes, puis agrippa mes doigts pour les serrer dans les siens :

« - Je serai avec vous, mademoiselle. Ne vous découragez pas, vous vous en sortez très bien. Geoffroy ne devrait pas tarder, je vous assure qu'il fera aussi vite qu'il le peut. Il était en route pour venir vous voir, mais cela devait être une surprise. Alors il n'est pas loin. »

Je devinais que Lison parlait pour me détendre, me distraire, et ses mots m'emplirent d'une joie soudaine. Je voulais tant avoir Geoffroy à mes côtés !

Une nouvelle vague de douleur me transperça. Je me tordis en gémissant sur le matelas, sentant à peine Lison qui tentait de me maintenir immobile. La voix de l'accoucheuse perça la brume de souffrance qui envahissait mon esprit :

« - Respirez profondément, mademoiselle ! Allez, respirez ! »

Je l'entendais prendre de grandes inspirations, et sans réfléchir, je calai ma respiration sur la sienne. Alors, lentement, la douleur reflua de nouveau. Et cette fois-ci, même si je savais que ce n'était que temporaire, je me sentais plus sereine.

Sans réfléchir, je demandai à Lison en agrippant ses mains :

« - Penses-tu que Louis viendra ? »

L'expression de son visage se modifia, affichant un scepticisme retenu. Mais Lison finit par répondre :

« - Je l'espère, mademoiselle Charlotte. Je l'espère. »

J'acquiesçai, le cœur serré. S'il ne venait pas ? S'il décidait finalement qu'il ne voulait pas d'un autre enfant ?

Mon cœur se gonfla de sanglots. Mais alors que j'étais sur le point de pleurer, encore une fois, j'entendis de bruyants bruits de pas, qui se précipitaient vers ma chambre. La porte s'ouvrit avec fracas, et je vis Geoffroy se ruer dans la pièce. Dans une autre situation, j'aurais pu rire de son aspect débraillé : il était uniquement vêtu d'une chemise encore froissée, d'un pantalon enfilé à la va-vite, et d'une paire de bottes.

Mais j'étais tellement dans un état de nerf que j'éclatai en sanglots en le voyant. Aussitôt, je sentis Lison me lâcher, et mon frère me prit dans ses bras :

« - Tout va bien, Lottie. Je suis là, tout va bien se passer. »

Sa voix si familière m'apaisa un instant, même si elle était assombrie par la panique. Je m'agrippai à sa chemise en bredouillant :

« - J'ai eu si peur, Geoffroy ! J'ai eu si mal, et... Je ne veux pas mourir comme notre mère ! »

Il se raidit contre moi, et prit mon visage dans ses mains pour coller son front au mien. Je lisais dans son regard qu'il était complètement terrifié, mais il m'assena d'une voix déterminée :

« - Tu ne mourras pas, Lottie. Je t'en fais la promesse. Je ne le permettrai pas. »


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Hey !

Le grand moment est arrivé pour Charlotte ! Tout le monde est là, même si l'absence de Louis se fait remarquer...

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