27. Je vais vous écraser.

« - A vous, Charlotte. »

Pensivement, je caressai mon ventre d'une main, tandis que je laissai l'autre voleter au-dessus de mes pions. En face de moi, Gabriel s'amusait à me narguer de son air fier. Finalement, je pris ma tour, et la déplaçai. Mais aussitôt, il attrapa sa dame, et s'empara de ma tour, la rajoutant à la pile de pièces d'échecs qu'il m'avait déjà prises.

J'eus un grognement dépité, et soupirai :

« - Ce n'est pas équitable ! Vous venez juste de m'apprendre à jouer !

- Peut-être, mais c'est comme ça que vous apprenez. »

Je soupirai, découragée. Ce jeu était si compliqué ! Je m'embrouillais sans cesse entre les pièces, les déplacements qu'elles pouvaient effectuer, les pièces adverses...

Amusé, Gabriel me proposa :

« - Voulez-vous plutôt jouer aux dames ?

- Oh oui ! »

Je tapai dans mes mains, enthousiaste. Enfin un jeu auquel je pouvais gagner !

En souriant, Gabriel rangea le plateau d'échecs, et déposa sur la table entre nous deux celui de dames. Puis, il se replaça en face de moi, et eut un geste élégant de la main :

« - Allez-y, commencez.

- Je vais vous écraser. »

Il eut un rire franc, avant de secouer la tête :

« - Oh non, cela m'étonnerait grandement, ma chère Charlotte. »

Mais alors que je prenais l'un de mes pions pour l'avancer, j'entendis un raclement de gorge dans mon dos.

En relevant la tête, je vis que Gabriel affichait une mine stupéfaite et craintive. Lentement, je me retournai, l'une de mes mains crispée sur mon ventre. Et en reconnaissant Louis, j'étouffai une exclamation de surprise. Que faisait-il là ?

Aussitôt, Gabriel se releva pour s'incliner révérencieusement. Mais le roi eut à peine un regard pour lui. Il me fixait, les prunelles sombres. Majestueux, il s'avança vers moi, et me demanda d'un ton glacial :

« - Puis-je savoir qui est cet homme ? »

Je ne sus pourquoi, mais sa question me blessa. Comment osait-il être si dédaigneux avec mon ami, alors même qu'il était à côté de nous ? Agacée, je me relevai difficilement pour pointer un doigt accusateur vers lui :

« - Cela ne te regarde pas ! C'est mon ami le plus cher, et c'est tout ce que tu as à savoir ! »

Un hoquet de surprise se fit entendre, et je me tournai en même temps que Louis vers Gabriel, qui nous fixait avec stupéfaction.

Et je compris bien trop tard que je m'étais montrée trop familière avec le roi. Jamais, s'il n'avait été mon amant, je n'aurais pu lui parler comme ça. Et j'eus soudain peur que Gabriel n'ait une mauvaise opinion de moi. Aussitôt, j'esquivai Louis pour me diriger vers mon ami, et pris ses mains dans les miennes en l'implorant du regard :

« - Gabriel, je vous en prie... Je sais que cela vous a surpris, mais...

- C'est lui, n'est-ce pas ? »

Son regard bleu était empli de nouvelles certitudes.

Je sursautai en sentant des bras enlacer ma taille, tandis que Louis se collait à mon dos. Et il répondit lui-même d'un ton toujours froid :

« - En effet. Je suis le père de cet enfant. »

Gabriel passa son regard de Louis à moi, avant de soupirer :

« - Jamais je ne l'aurais deviné... Vous êtes une petite cachotière, ma chère Charlotte... »

Je sentis Louis se tendre derrière moi, alors m'empressai de lâcher Gabriel pour poser mes mains sur les siennes, entrelaçant nos doigts. Aussitôt, il embrassa mon crâne, et se détendit.

Gabriel se passa une main gênée dans les cheveux, avant de bredouiller :

« - Bon, eh bien... Je vais vous laisser un moment. Majesté... »

Il s'inclina devant le roi, avant de venir embrasser ma joue avec un sourire qui me rassura. Tout était pareil qu'avant. Je l'observai quitter la pièce, soulagée.

Dès que nous fûmes seuls, Louis s'empressa de me guider jusqu'au fauteuil en grommelant :

« - Puis-je savoir ce qu'il fait ici, avec toi ? »

Je me calai confortablement, et répondis d'un ton agacé :

« - C'est mon ami ! Il a tout à fait le droit de venir me voir ici, que je sache !

- Charlotte... »

Louis s'accroupit à mes côtés et prit mes mains dans les siennes, le regard peiné :

« - Un instant, j'ai cru que... »

Il ne termina pas sa phrase, mais ce n'était pas nécessaire. J'avais compris. Je le repoussai aussitôt, furieuse, et m'écriai :

« - Pourquoi es-tu aussi incapable de me faire confiance ?! Je porte ton enfant, et... Et tu me crois capable de batifoler avec un autre homme ?! »

Des larmes roulèrent sur mes joues, que je m'empressai d'essuyer. Louis essaya de me toucher, mais je m'esquivai et me relevai, ne tenant pas compte de ma faiblesse :

« - J'en ai assez ! Gabriel est mon ami le plus cher, il est même mon seul ami ! Et il est hors de question que je cesse de le voir uniquement parce que tu n'es pas capable de me croire ! »

Furieuse, humiliée qu'il ne me croit pas fidèle, je repoussai ses mains qui tentaient de me toucher, et me dirigeai vers la porte. Il était hors de question que je reste une seconde de plus dans la même pièce que lui !

Mais Louis agrippa soudain mon bras, me retourna brutalement en me plaquant contre le mur, et pressa désespérément ses lèvres sur les miennes. L'une de ses mains vint me soutenir, tandis que l'autre s'accrochait à ma taille. Et, comme la faible femme que j'étais, je me retrouvai à embrasser Louis avec fougue, comme si nous ne nous étions jamais quittés.

Tout contre mes lèvres, il murmura d'une voix brisée :

« - Je suis tellement désolé, ma Charlotte... Mais je t'aime tellement, et je ne peux supporter de te voir aussi proche d'un autre homme... »

Encore une fois, l'aveu de son amour me réchauffa le cœur. Doucement, je caressai ses cheveux, entremêlant mes doigts dans ses boucles, et lui répondis d'une voix tendre :

« - Louis... Je n'aime que toi. Et j'aimerais que tu arrêtes de... De m'imaginer avec un autre homme. Gabriel est mon ami, et... »

J'hésitai. Devais-je lui avouer ce que j'avais appris lorsqu'il était venu me voir ? Rapidement, je décidai que non. Alors je continuai en esquivant ce sujet, les yeux plongés dans ceux de Louis :

« - Je peux t'assurer qu'il ne m'aime pas. Pour lui, je ne suis qu'une très proche amie, rien de plus.

- Rien de plus... »

J'acquiesçai, avant de l'embrasser fugacement :

« - Je t'aime, Louis. Alors cesse de douter. »

J'aurais pu continuer en lui disant que c'était à cause de lui que nous avions été séparés, qu'il ne m'avait pas assez fait confiance, mais... Je préférais ne rien lui dire de tout cela. Alors je me contentai d'enfouir mon visage dans son cou, et de le laisser m'enlacer tendrement.

Je sentis Louis déposer ses lèvres juste au-dessus de mon oreille, et il m'avoua à mi-voix :

« - J'ai été si déchiré de ton départ... Chaque jour, en allant voir mes enfants, j'espérais te voir surgir du salon, j'espérais revoir ton magnifique visage, et... Oh, je voulais tant te revoir, te toucher, t'embrasser ! »

Blottie contre lui, je me laissais bercer par ces douces paroles. J'avais tant rêvé de les entendre de nouveau, qu'elles effacent les humiliations proférées par Louis !

De sa voix douce et aimante, il continua à me murmurer des paroles d'amour, qui réchauffaient mon cœur. Et quand enfin, il se tut, ce fut pour parsemer mon visage de baisers aussi légers qu'une plume. Les yeux fermés, je me laissai faire, savourant cet instant de pur bonheur. Si seulement cela pouvait durer éternellement ! Si seulement je pouvais rester éternellement ainsi blottie dans ses bras, à le laisser m'embrasser, me rassurer, me cajoler, m'aimer...


*********

Hey !

Encore une fois, Louis semble ne pas avoir fait confiance à Charlotte...


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