17. C'est fabuleux, Lottie !

Hagarde, je gardai les yeux fixés sur les rideaux tirés. Depuis combien de temps étais-je ainsi, couchée sur le flanc, le regard porté sur ces teintures ? Je n'en savais rien. Je savais juste que Gabriel était parti précipitamment après que j'ai fondu en larmes. Louisette était venue pour me surveiller, et avait bien tenté de me parler, mais j'étais incapable de lui répondre. Elle avait ensuite laissé la place à d'autres domestiques, qui s'étaient relayés pour me surveiller. J'avais bien entendu la voix de Louis, qui demandait à me voir, mais Louisette avait eu l'intelligence de dire que je dormais. Il n'avait pas osé insister.

Et c'était mieux ainsi. Comment aurais-je pu agir, alors même que je portais son enfant ? A cette pensée, de nouvelles larmes piquèrent mes yeux, avant de dévaler mes joues. Je ne cherchai même pas à les essuyer. Il y en avait trop, et j'étais incapable de bouger. J'avais tant voulu être mère, et je me retrouvais à porter l'enfant d'un homme qui m'avait détruite. Qu'avais-je donc fait au Ciel pour avoir une telle vie ? Je voulais juste être heureuse...

Je fermai un instant les yeux, secouée par les pleurs. Qu'allais-je faire ? Je n'avais plus confiance en Louis. Et je ne pouvais décemment pas aller le voir pour lui annoncer brutalement que j'étais enceinte de lui ! Qu'allait-il penser de moi ? Que je me servais de cela pour lui soutirer des richesses et des honneurs, comme l'avait fait Athénaïs ? Que je lui mentais pour tenter de le garder auprès de moi ?

« - Lottie ? »

Ce surnom m'apaisa un instant. Je rouvris les yeux pour faire face à Geoffroy. Il s'était accroupi à côté du lit, pour se mettre à ma hauteur. Doucement, il tendit la main pour caresser ma joue, les traits tirés par l'inquiétude :

« - Gabriel est venu me chercher, me disant que tu allais mal. Et visiblement... Il avait raison. »

Il se releva, et me contourna pour venir s'allonger à mes côtés. Immobile, je fixai de nouveau les rideaux.

Je sentis mon frère agripper ma hanche pour me retourner, et me blottir contre lui. Toujours immobile, je laissai mon regard se fixer sur l'un des boutons de son veston. Et Geoffroy me prit dans ses bras, la voix inquiète :

« - Lottie, que se passe-t-il ? La dernière fois que nous nous sommes vus... Tu me semblais bien portante. Alors que t'arrive-t-il ? »

Sans répondre, je me laissai de nouveau aller au chagrin. J'avais l'impression d'être une fontaine semblable à celles qui ornaient les jardins. L'étreinte de mon frère se resserra tandis qu'il murmurait à mon oreille :

« - Dis-moi, je t'en prie Lottie... Je déteste te voir dans un tel état... J'ai toujours peur que... »

Sa voix se tut un instant, juste avant qu'il ne prenne mon visage entre ses mains pour que je le regarde :

« - C'est lui ? Qu'a-t-il fait encore ? Que t'a-t-il fait ? »

Geoffroy prenait toujours soin de ne plus jamais nommer Louis devant moi. Et il avait raison de faire cela, car la simple pensée du roi me faisait pleurer. Alors entendre son nom...

Bouleversée, je soufflai :

« - Je... J'ai appris que...

- Que quoi, Lottie ? »

Je me dégageai de son étreinte pour enfouir mon visage dans son cou en sanglotant. Mon frère me serra aussitôt contre lui :

« - Qu'y a-t-il ? T'a-t-il encore fait du mal ?

- Je suis enceinte, Geoffroy... »

J'avais gémi ces mots. Mais les prononcer et les entendre me fit encore plus de mal.

Geoffroy resta un instant immobile, avant de s'écarter de moi pour prendre de nouveau mon visage entre ses mains, les yeux écarquillés :

« - Tu... Tu attends un enfant ? De... Du roi ?!

- Oui... »

A cet instant, j'attendais juste de mon frère qu'il me console et me conseille. Comme toujours.

Mais il me lâcha, le regard stupéfait, et se releva pour faire les cents pas dans la pièce. Lentement, je me recroquevillai sur moi-même en l'observant. Il semblait réellement abasourdi. Mais il revint rapidement vers moi pour me serrer contre lui :

« - Tu vas être mère... C'est fabuleux Lottie ! »

Il s'écarta un instant pour embrasser mon front, la mine émue :

« - Tu seras une mère formidable, Charlotte. Je le sais. Et je serai là pour t'aider.

- Parce que Louis sera absent... »

J'étais de nouveau au bord des larmes. C'était sûr que jamais Louis ne voudrait de mon enfant. Il avait déjà ceux d'Athénaïs, qu'il aimait plus que tout.

En soupirant, Geoffroy me reprit dans ses bras :

« - Lottie, je t'en prie... Dorénavant, il faut que tu te concentres sur toi, et uniquement sur toi. Tu t'es trop donnée pour les autres. Et je refuse que cela t'empoisonne davantage la vie. »

Je reniflai, consciente qu'il avait raison. Il était peut-être temps pour moi d'arrêter de vouloir toujours aider les autres, de devenir plus égoïste... Et d'apprendre définitivement à vivre sans Louis. Il m'avait trop fait souffrir pour que je continue à espérer au fond de moi qu'il me revienne et qu'il me soit fidèle. Je le savais, il avait eu une foule de maîtresses, alors en quoi serais-je différente, moi, pauvre Charlotte ?

Instinctivement, je portai mes mains à mon ventre. J'attendais un enfant. Lentement, un sourire étira mes lèvres. Je réalisais enfin que j'allais vraiment être mère. Mon vœu le plus cher avait été exaucé. Geoffroy baissa la tête vers moi pour me sourire :

« - Je suis heureux pour toi, Lottie. Ton enfant aura la meilleure mère qui existe.

- Tu m'aideras vraiment ?

- Bien sûr ! »

Il semblait scandalisé que je pose la question :

« - Je ne t'abandonnerai pas, je te le promets. Je t'aime tellement, Lottie... »

Emue aux larmes, je me pendis à son cou en sanglotant :

« - Moi aussi, Geoffroy ! Je ne sais pas comment j'aurais pu survivre sans toi à mes côtés pendant toutes ces années ! Tu es le meilleur frère que je puisse avoir, et tu seras le meilleur oncle pour mon enfant, je le sais ! »

Mon frère me serra contre lui si fort qu'il m'étouffa presque, et je le sentis pleurer contre moi. Nous étions donc deux à sangloter dans les bras de l'autre. Et jamais je ne m'étais sentie aussi proche de lui. Je l'adorais.

A travers mes larmes, je balbutiai :

« - Ne dis rien à personne...

- Promis. Ce sera à toi de l'annoncer aux autres. »

Je compris qu'il me disait à mots couverts que c'était à moi de choisir si je l'annonçais à Louis. Encore une fois, Geoffroy avait compris mes hésitations. En reniflant, j'embrassai sa joue :

« - Je t'aime, Geoffroy. Sans toi...

- Je sais. »

Il essuya doucement mes larmes, et je fis de même avec les siennes. Le regard dans le sien, je soufflai :

« - Je ne lui dirai rien. »

Mon frère tiqua, mais finit par acquiescer :

« - Bien. C'est ton choix, je le respecte. »

Il embrassa une dernière fois mon front, avant de m'aider à me rallonger :

« - Maintenant que nous savons que tu attends un enfant, je vais tout faire pour qu'il ne t'arrive rien.

- Je peux me débrouiller seule, je ne suis pas malade ! »

Son regard sérieux me fit taire. Geoffroy tira les draps sur mon corps, puis s'assit près de moi :

« - Je le sais, Lottie. Mais je ne supporterai pas qu'il t'arrive un malheur. Je veux que tu puisses enfin être heureuse, et en tant que mère. »


*************

Hey !

Je poste ce chapitre aujourd'hui pour rattraper celui qui aurait dû sortir le 29 février (ce qui était évidemment impossible ^^)

Heureusement que Geoffroy est là, hein ? xD


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