16. Majesté, permettez-moi de l'accompagner.

Je rouvris les yeux, et fis face à Gabriel. Ce dernier semblait visiblement inquiet, et honteux :

« - Vous sembliez faible, alors je me suis permis de vous suivre... J'espère que vous ne m'en voulez pas, mais...

- Vous êtes très gentil, je vous remercie. »

J'étirai difficilement un sourire, mais vis que je ne faisais que le rendre plus inquiet. Il tendit la main vers moi, avant de la retirer, la mine gênée. J'eus à mon tour un sourire gêné, et murmurai :

« - Vous devriez retourner voir le roi...

- Permettez-moi de vous accompagner vous asseoir. »

Il me tendit la main, semblant cette fois sûr de lui. Sans réfléchir, je la pris, mais alors que je m'écartai du mur, mes jambes se dérobèrent sous moi. Aussitôt, je sentis le bras de Gabriel entourer ma taille, et il me serra contre lui. Instinctivement, je me raccrochai à sa veste pour me soutenir.

Pressée contre lui, j'appuyai ma tête contre son épaule, ayant l'impression d'être vidée de forces. Et j'entendis soudain derrière moi :

« - Je vous prierai de trouver un autre endroit pour vos effusions. »

Le ton glacial de Louis me fit sursauter. Je tournai vivement la tête, mais un nouveau vertige me prit, et je m'affaissai un peu plus contre Gabriel. Ce dernier inclina la tête pour saluer Louis :

« - Majesté. Cette demoiselle m'a semblé faible, alors je me suis permis de l'aider.

- Faible ?! »

Je frissonnai en entendant la note de panique dans sa voix, et murmurai à Gabriel :

« - Pourriez-vous me raccompagner à ma chambre, je vous prie ?

- Bien sûr. Il s'adressa ensuite à Louis. Majesté, permettez-moi de l'accompagner. »

A cet instant, je devinai combien Louis devait avoir envie de me ramener lui-même jusqu'à ma chambre. Mais il finit par acquiescer :

« - Bien sûr. Allez-y. »

J'entendis ses pas s'éloigner, et exhalai un soupir de soulagement.

Lentement, Gabriel se mit en marche. Je m'accrochai à lui, et suivis le mouvement, les jambes tremblantes. Pendant le trajet, il ne cessait de me demander si j'avais besoin de souffler, si je voulais m'asseoir, ou d'autres gentillesses.

Quand, enfin, nous arrivâmes devant la porte de ma chambre, Gabriel ouvrit le battant, et m'aida à m'asseoir sur mon lit. Il referma ensuite la porte, tandis que je m'allongeai sur mon lit. Avec des pas hésitants, il tira une chaise pour s'asseoir près de moi, les traits empreints d'inquiétude. Et je devais avouer que je commençais également à angoisser de mon état. Pourquoi étais-je si faible ? Pourquoi avais-je souvent des nausées ? Pourquoi étais-je aussi fatiguée ?

Je me passai une main paniquée sur le visage. Aussitôt, Gabriel se rapprocha de moi :

« - Mademoiselle... Permettez-vous que je vous appelle Charlotte ? Ce sera moins... Enfin plus...

- Bien sûr. Je comprends. »

J'eus un faible sourire pour lui. Et son visage se détendit légèrement, tandis qu'il reprenait :

« - Alors... Charlotte, êtes-vous malade ?

- Je n'en sais rien. »

Gabriel dut remarquer ma mine angoissée, car il eut un sourire qui se voulait rassurant :

« - Je pense que ce ne sont que des vapeurs passagères. Peut-être voudriez-vous manger quelque chose ? »

Je ne réfléchis pas longtemps avant d'acquiescer. Aussitôt, un sourire soulagé aux lèvres, il se releva :

« - Alors je vais vous chercher quelque chose. Je ferai vite. »

Je n'eus pas le temps de répondre que déjà, il était sorti de la pièce.

Restée seule, je me recroquevillai sous les draps. Peut-être étais-je très malade ? Les larmes me montèrent aux yeux. Depuis un moment, tout allait de travers dans ma vie. Et tout tournait autour de Louis. Depuis qu'il m'avait rejetée, tout s'était dégradé. C'était de sa faute. Et il espérait se racheter en me suivant et en me harcelant ? Il était ridicule. Et moi aussi, je l'étais. Je me retrouvais à le fuir, alors que je ne voulais que rester auprès de lui.

Des bruits de pas se firent entendre. J'essuyai mes joues, avant de me redresser, m'adossant aux oreillers. C'était Gabriel qui revenait, une assiette fumante entre les mains. En me voyant ainsi, il s'empressa de déposer le plat sur la table de chevet, et m'aida à m'allonger sous les draps. Puis, il me tendit l'assiette, de nouveau hésitant :

« - Je me suis permis de vous apporter des petits pois braisés aux lardons. L'une des cuisinières m'a affirmé que vous aimiez ce plat, alors...

- C'est parfait, je vous remercie. »

J'eus pour lui un sourire de remerciement. Il était réellement gentil.

Gabriel me tendit également des couverts. Tandis qu'il s'asseyait près de moi,  je commençai à manger. Cela faisait plusieurs jours que je me contentais de picorer dans mon assiette, n'ayant pas réellement faim. J'avais l'impression dérangeante de lentement dépérir.

Tandis que je mangeais, Gabriel se mit à parler, sans doute pour égayer l'ambiance :

« - J'espère que les enfants ont apprécié notre... Petite représentation.

- J'en suis sûre. Cela fait longtemps qu'ils n'avaient pas eu de réelle distraction... »

Sans répondre, le jeune homme acquiesça.

Le silence revint, tandis que je me forçai à manger. Le plat était bon, certes, mais j'avais l'impression qu'un poids dans mon estomac m'empêchait d'avoir faim, et d'apprécier manger. Gabriel m'observait avec un air bienveillant qui m'apaisait, et ne réagissait pas alors que je triais les aliments dans l'assiette pour me donner l'impression de me nourrir.

Il était apaisant. Sa présence était apaisante. J'avais l'impression que tous mes tourments s'atténuaient lentement, libérant peu à peu ma gorge, ma poitrine et mon cœur. C'était comme si je pouvais respirer plus facilement. L'espace d'un instant, j'oubliai Louis, son insistance, ses multiples trahisons. Je ne me concentrais que sur les yeux bleus de Gabriel qui restaient sur moi.

Lentement, je m'arrêtai de manger, laissant presque la moitié de la nourriture dans l'assiette. Je vis Gabriel froncer les sourcils, et il se pencha vers moi pour me demander :

« - Pourquoi ne mangez-vous pas ? Vous n'avez plus faim ?

- Non, je... »

Je baissai les yeux, me sentant soudainement honteuse. J'étais faible devant cet homme.

Mais il me retira l'assiette des mains pour presser mes doigts, son regard cherchant le mien :

« - Depuis combien de temps êtes-vous ainsi ? »

Surprise, je relevai le visage pour le regarder :

« - Ainsi ?

- Oui. Vous mangez très peu, êtes faible... Vous devriez voir un médecin. »

Je me retins de lui dire ce que je pensais des médecins. Tous des charlatans. Si je voyais l'un d'eux, il me saignerait une ou deux fois, puis, confiant en sa science, s'en irait. Mais je savais que mon état ne se serait pas amélioré.

Mais il aurait été étonnant que Gabriel partage ma vision des choses. Alors je me contentai de hausser les épaules :

« - Je verrai si mon état s'est amélioré...

- Votre frère est-il au courant ? »

C'était presque adorable de voir Gabriel s'inquiéter autant pour moi, alors qu'il ne me connaissait quasiment pas. Je secouai la tête :

« - Ce n'est pas la peine... Je suis juste... Fatiguée, et... Et un peu anxieuse, il est vrai, mais... »

Je me tus brusquement, alors que j'avais l'impression que tout s'assemblait et concordait dans mon esprit. J'étais bien plus fatiguée qu'en temps normal, plus inquiète pour les enfants ou pour mon frère, et j'avais déjà vomi plusieurs fois. Si je rajoutais à cela le fait que mes menstrues n'étaient pas arrivées depuis presque trois mois...

Je sentis le sang déserter mon visage en parvenant à cette conclusion glaçante. J'étais enceinte. J'attendais un enfant de Louis.



***************

Hey !

Enfin, Charlotte a compris qu'elle était enceinte ! Et je pense que vous vous attendez, mais ça ne va pas être une nouvelle très heureuse...


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