15. Donc... Vous êtes musicien ?
Anéantie, j'observais les enfants se préparer joyeusement pour la venue des amis de Geoffroy. Ils piaillaient joyeusement, s'amusant à imiter le bruit de certains instruments de musique. Et moi, au milieu de leur joyeux babil, je me sentais comme morte. Je m'étais refusé à Louis, créant par la même occasion un gouffre sans fin dans mon cœur. Je l'avais repoussé, alors qu'il était revenu vers moi.
Une nouvelle nausée me prit, bien plus violente que tout ce que j'avais connu jusque-là. Aussitôt, je me levai, une main plaquée sur la bouche, et sortit de la pièce, pour me ruer dans ma chambre. Là, écroulée au bord de ma coiffeuse, le visage dans mon pot de chambre, je vomis.
Et alors que je m'essuyai la bouche avec des gestes tremblants, j'entendis derrière moi :
« - Charlotte ? Tout va bien ? »
J'eus un frisson en reconnaissant la voix de Louis. Mais que faisait-il ici ? Lentement, je tournai le buste vers lui, toujours agenouillée près de ma coiffeuse.
Louis se tenait bien dans l'encadrement de ma porte, le visage visiblement inquiet. A le voir, une nausée remonta dans ma gorge, alors je me retournai vivement pour vomir de nouveau dans le pot de chambre. Je ne l'entendis pas se déplacer, mais il fut rapidement près de moi, ramenant doucement les mèches de cheveux qui tombaient sur mes yeux en arrière. Son contact apaisa un instant mon mal-être.
Lasse, je fermai les yeux, appuyant mon front contre le bord de la coiffeuse. Et sa voix inquiète me parvint :
« - Es-tu malade ? Veux-tu que j'appelle un médecin ? »
Aussitôt, je secouai la tête, et me dérobai à son étreinte pour me redresser, afin de mouiller ma figure avec de l'eau. Ce contact froid apaisa mon mal de tête naissant, et mes nausées. Je m'autorisai à soupirer, puis répondis dans un murmure :
« - Non, je vais très bien. Mais je remercie Sa Majesté de sa sollicitude. »
Mon ton révérencieux était la seule barrière que je pouvais mettre entre nous. Car je ne pouvais le fuir.
J'entendis Louis grogner, et sa main se logea sur ma nuque. Immédiatement, je me relevai avec des gestes précipités. Le moindre contact avec lui m'emplissait d'une folle envie d'abandon. Mais il ne m'avait pas fait confiance, il m'avait brisée, alors je ne pouvais m'abandonner de nouveau entre ses bras. Je savais que j'allais de nouveau souffrir.
Sans oser le regarder, j'effectuai une brève révérence, et sortis précipitamment de la pièce, mon cœur battant dans ma poitrine. Mais alors que je retournai au salon principal, d'où s'échappaient plusieurs notes de musique, je heurtai violemment une personne. Je manquai de tomber en arrière, mais une main me rattrapa par le bras :
« - Mademoiselle, je suis navré ! »
Je relevai le visage, puis le levai encore, et finis par apercevoir un jeune homme blond, qui était visiblement désolé. Ses yeux d'un bleu intense me détaillaient avec inquiétude :
« - Allez-vous bien ? Vous ai-je fait mal ? »
Hébétée, je compris en voyant le violon qu'il avait à la main qu'il s'agissait du fameux Gabriel, dont m'avait tant parlé mon frère. Je clignai plusieurs fois des paupières, avant de répondre enfin :
« - Oh, je... Oui. Enfin non, vous ne m'avez pas fait mal ! »
Un sourire étira alors ses lèvres, le rendant réellement très beau. Je balbutiai, soudainement mal à l'aise :
« - Donc... Vous êtes musicien ?
- Oh, pardonnez-moi de ne point m'être présenté. »
Il s'inclina devant moi, avant de se relever pour me fixer dans les yeux :
« - Gabriel de Mercœur. Et vous devez être Charlotte de Rochechouart de Mortemart. »
J'acquiesçai lentement, stupéfaite qu'il me connaisse. En voyant ma surprise, Gabriel eut un sourire amusé :
« - Votre frère parle beaucoup de vous.
- Oh... »
Je me sentis rougir. Et Gabriel me tendit aussitôt le bras en souriant :
« - Je serais ravi de vous conduire jusqu'au salon. »
En souriant à mon tour, séduite par sa gentillesse, je pris son bras.
Lorsque nous pénétrâmes dans le salon, je vis que les enfants s'amusaient à courir autour des musiciens en piaillant. Et ceux-ci tentaient tant bien que mal d'accorder leurs instruments. Aussitôt, je lâchai le bras de Gabriel pour frapper dans mes mains, et m'adresser aux enfants :
« - Eh bien ! Est-ce une manière d'accueillir des visiteurs ? »
Les petits s'arrêtèrent immédiatement de courir, pour se ruer vers moi :
« - Lottie ! On va avoir de la musique ! »
Ils en trépignaient d'impatience. En souriant, je caressai leurs cheveux :
« - Alors asseyez-vous, et surtout, soyez sages !
- Bien Lottie ! »
Ils embrassèrent tous ma joue, avant d'aller s'asseoir sur les coussins, disposés à même le sol, et destinés à les accueillir. Un sourire attendri m'échappa, mais il se fana bien vite lorsque je vis Louis, du coin de l'œil, qui s'asseyait à mes côtés.
Aussitôt, je détournai le visage pour fuir son regard, et tentai de me concentrer sur les musiciens, qui prenaient place. Je vis Gabriel avoir un sourire pour moi, et fis un énorme effort pour le lui rendre, alors que je n'avais qu'une seule envie, celle de courir me réfugier sous mes couvertures. Les premières notes résonnèrent, alors je m'efforçai de ne penser plus à rien, de me laisser envahir par la musique.
Et Gabriel commença à jouer, soliste qu'il était. Et je restai sidérée. Il était réellement très doué. Son archet semblait virevolter sur les cordes, tandis que les notes qui s'échappaient de son violon m'apaisaient. Je fixai mon regard sur lui, ébahie. Geoffroy ne m'avait pas menti, il était un violoniste hors-pair.
Mais alors que je commençai tout juste à me détendre, à oublier la présence de Louis à mes côtés, je sentis la main de celui-ci se déposer doucement juste à côté de ma hanche, la frôlant. Un frisson me parcourut. Et comme s'il l'avait senti, je sentis ses doigts caresser lentement ma hanche. Je me crispai aussitôt, alors que des souvenirs de nos étreintes me revenaient en mémoire. Mon mal de crâne revint, lancinant. Et j'avais l'impression que je pouvais m'effondrer à tout moment.
Mais pourquoi s'acharnait-il ? Pourquoi n'allait-il pas voir une autre de ses maîtresses ? Je lui avais dit que je ne voulais plus être à lui, et... Et il revenait à la charge. Comme s'il voulait que je craque. A fleur de peau, je fis mine de rajuster mes jupes, et en profitai pour m'écarter légèrement de lui. J'espérais qu'il comprenne que je ne voulais pas qu'il recommence.
Mais comme si Louis n'avait pas compris, il fit mine de s'étirer, et reposa sa main près de moi, mais plus en arrière que la dernière fois, effleurant cette fois-ci ma fesse. Ma salive se bloqua dans ma gorge. Et une insidieuse chaleur grimpa en moi.
A cet instant, je le détestais, et je me détestais. J'étais tellement faible, incapable de lui résister ! Je serrai les poings, mes mains enfouies dans les plis de mes jupes, et fixai mon regard sur Gabriel. En me concentrant sur lui, je parvenais à oublier la main de Louis.
La dernière note résonna dans l'air, avant que tout ne redevienne silencieux. Puis, les applaudissements retentirent. Je ne boudais pas non plus mon plaisir, frappant des mains avec les autres. Les musiciens s'inclinèrent devant nous, semblant content d'eux. Je croisai le regard de Gabriel, qui me fit un sourire joyeux.
Sa gentillesse me mit du baume au cœur. En me relevant, j'ignorai totalement Louis, et me dirigeai vers le violoniste. Devant lui, je m'empressai de le féliciter :
« - C'était magnifique ! Vous êtes réellement très doué, monsieur.
- Je vous remercie, mademoiselle. »
Avec un grand sourire, il inclina la tête, comme pour me saluer :
« - Je suis ravi que cela vous ait plu. C'est toujours difficile de jouer devant un public que l'on ne connaît pas, alors jouer en plus devant le roi... »
Le roi... J'avais réussi, pendant ma brève discussion avec Gabriel, à oublier Louis. Et à repenser à lui, ma respiration se fit plus heurtée. Une vive faiblesse m'envahit. Brusquement faible, je murmurai des excuses envers le violoniste, et m'esquivai.
Je sortis du petit salon, et fis quelques pas avant de sentir mes jambes trembler. Alors je m'adossai au mur, la gorge nouée, et m'acharnai à respirer calmement, les paupières crispées. Mais la panique m'enserrait la gorge.
« - Mademoiselle ? Qu'avez-vous ?! »
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Hey !
Enfin, ce fameux Gabriel apparaît ! ^^
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