14. J'ai besoin de toi à mes côtés !
Charlotte s'inclina devant moi. Et je lui demandai aussitôt d'un ton plus que froid :
« - Pourquoi m'avez-vous menti ? »
Elle releva son visage vers moi, l'air surprise. Sa voix me demanda :
« - Majesté... De quoi parlez-vous ?
- De votre mensonge éhonté sur votre sœur, répliquai-je d'un ton sec. »
Sa bouche s'entrouvrit. Elle venait de comprendre pourquoi elle était là. Ses joues rougirent, tandis qu'elle balbutiait :
« - Mais... Je ne vous ai point menti, je... Je l'ai vue partir en calèche ! »
Sa voix était mal-assurée. Je savais qu'elle me mentait. Je le devinais à son regard fuyant, sa posture tendue.
Je sentis une brusque vague de colère m'envahir. Elle mentait sciemment à son souverain. Je croisai les bras, parlant d'une voix froide :
« - Dans ce cas... Peut-être pourriez-vous m'expliquer comment elle s'est débrouillée pour être à la fois dans votre domaine, et à la fois occupée à essayer de finir dans les bras de mon frère ? »
Je la vis prendre une grande respiration. Ses yeux devinrent humides. Je sentis vaguement la peine serrer mon cœur, mais la retins. Charlotte n'avait fait que me mentir. Il était hors de question que je lui accorde ma pitié.
« - Oui, je vous ai menti. »
Je posai un regard froid sur elle, mais elle ne baissa pas les yeux. Au contraire, elle se redressa, comme pour essayer de m'impressionner. Lorsqu'elle parla, sa voix était mouillée de larmes :
« - Je vous ai caché le fait qu'Athénaïs, aussitôt après avoir appris votre maladie, s'est jetée dans les bras de votre frère. Je vous ai aussi dissimulé ses visites chez des sorcières, qui lui préparaient des potions de jeunesse et des philtres d'amour. Vous ne savez pas non plus qu'elle s'est comportée comme si vous étiez déjà mort, et que durant votre maladie, jamais elle n'est venue vous voir, et... »
J'étais foudroyé par ces révélations. Charlotte s'arrêta brusquement de parler. Je remarquai alors que son beau visage était baigné de larmes. Je me passai une main stupéfaite sur la figure :
« - Depuis combien de temps... »
Je ne savais comment exprimer le brusque dégoût qui m'envahissait. La mère de mes enfants se rendait chez des ensorceleuses. Je ne pouvais remettre les paroles de Charlotte en doute. Elle ne me mentait pas. Je le savais. Ses larmes, sa tête baissée, sa position presque recroquevillée... Tout me le criait. Sa voix me parvint, comme un souffle :
« - Je ne sais... Longtemps. »
Et elle ne m'avait rien dit. Personne ne m'avait rien dit. Je baissai le visage vers elle. Charlotte était à genoux, le visage enfoui dans ses mains. Et je compris.
Elle avait gardé le secret parce que j'étais heureux avec Athénaïs. Ou du moins, je pensais l'être. Mais la douceur me manquait. L'innocence de Charlotte, sa sincérité... Tout chez elle me manquait.
Je m'accroupis devant elle. Elle n'avait rien dit, se sacrifiant pour mon bonheur. Doucement, je passai une main dans ses cheveux :
« - Regarde-moi. »
J'entendis un sanglot. Mais elle ôta ses mains de son visage pour le relever vers moi. Des larmes roulaient sans répit sur ses joues. Je lui demandai, résistant à la forte envie de la serrer contre moi :
« - Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?
- Parce que... Je savais qu'Athénaïs allait retourner la situation en sa faveur, et... Et personne ne me croirait. Jamais je n'aurais supporté d'être éloignée de la Cour... »
Elle baissa les yeux, sans cesser de pleurer. Et je me haïssais de la mettre dans un tel état. Je soupirai de rage, furieux envers cette manipulatrice d'Athénaïs, et envers moi-même.
Soudain, Charlotte se releva brusquement. Elle allait fuir, je le savais. Elle ne pouvait m'échapper ! Sans réfléchir, je me levai rapidement, et attrapai son bras, la coupant dans sa tentative de fuite. Sa voix me parvint, tremblante :
« - Lâchez-moi... Je vous en prie.
- Charlotte, écoute-moi. »
Ma voix était suppliante. Je m'en fichais. Tout ce qui m'importait, c'était de ne plus jamais la laisser repartir. Elle secoua faiblement la tête, refusant de me regarder :
« - Non... Il n'y a rien à dire... Je suis sûre que nous pourrons faire comme si je n'avais rien dit, et... Et tout ira mieux. Pour nous deux. »
Mon cœur se serra. Elle me proposait de la laisser partir, de retourner avec Athénaïs. Mais j'en était incapable. Je resserrai mon étreinte sur son bras, et la tournai doucement vers moi. Je l'entendis avoir un hoquet étouffé. Elle souffla, la tête baissée :
« - Laissez-moi...
- Non, Charlotte. J'ai été stupide. »
Elle secoua la tête :
« - Non, ne dîtes pas cela. Vous êtes le souverain... »
Sans réfléchir, j'enroulai mes doigts autour de son menton. Je relevai son visage vers le mien, et mon regard planté dans le sien, je déclarai d'une voix douce :
« - Je ne veux pas être votre souverain Charlotte. Je veux être votre amant. »
Elle eut un sanglot. Je pouvais lire dans ses yeux une hésitation immense. Elle eut un souffle tandis que je rapprochais mes lèvres des siennes :
« - Vous savez que... Que ce n'est pas... »
J'étouffai sa protestation avec mes lèvres. Charlotte se raidit contre moi, mais n'essaya pas de fuir. Sa bouche qui caressait la mienne me rendait fou. J'avais été si stupide... Et je l'aimais tellement !
J'écartai ma bouche, lui demandant dans une supplication :
« - Dis-moi que cette rumeur était fausse...
- Elle l'était. »
Je rouvris les yeux en entendant sa voix tremblante. Ses yeux étaient mouillés de larmes. Je la lâchai pour mieux la prendre dans mes bras. Elle agrippa ma veste en se serrant contre moi. J'enfouis mon visage dans ses cheveux :
« - Pardonne-moi Charlotte... Pardonne-moi de t'avoir ainsi rejetée, humiliée, blessée, trahie... J'ai été un imbécile.
- Ne dis pas cela. »
Elle leva la main pour poser doucement sa main sur ma bouche. Son tutoiement me rassura. Elle ne comptait plus me repousser. Je me trompais.
Charlotte baissa le visage, retirant doucement sa main :
« - Mais... Je ne peux pas. Je n'en ai plus la force. »
Je vis ses yeux s'emplir de larmes. Mon cœur se serra brutalement. Je pris son visage entre mes mains, collant mon front au sien :
« - Non, je t'en supplie ! Ne me laisse pas ! J'ai besoin de toi ! »
Charlotte eut un triste sourire, et murmura :
« - Tu sais que c'est faux. Tu es Louis le Quatorzième. Tu n'as besoin de personne.
- Si, gémis-je. J'ai besoin de toi à mes côtés !
- Tu as très bien réussi à vivre sans moi. »
Mes yeux s'emplirent de larmes. J'avais tellement envie de me jeter à ses pieds, de la supplier de rester avec moi, mais... Elle l'avait dit, j'étais Louis le Quatorzième. J'étais le souverain le plus puissant d'Europe. Je n'avais pas à m'abaisser à cela, et surtout pas à cause d'une femme.
Alors je la lâchai, reculant d'un pas, et je déclarai d'un ton froid :
« - Je vous remercie, mademoiselle, de m'avoir informé des agissements de votre sœur. A présent, veuillez me laisser. »
J'avais vu son visage se décomposer peu à peu. Mais elle se redressa en reniflant. Sans me regarder, elle effectua une brève révérence, et tourna les talons pour sortir de la pièce. Je fixai mon regard sur son dos, refoulant l'immense tristesse qui m'envahissait.
Lorsque la porte claqua, je restai un instant sans bouger. J'avais beau me répéter que j'avais fait le bon choix... Mon cœur n'en était pas convaincu. Au contraire.
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Hey !
Que ce chapitre brise mon petit coeur...
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