11. Comment a-t-elle osé ?
La première chose que je vis, alors que la porte se refermait, fut Louis, étendu au milieu de son grand lit, les couvertures repoussées. Les rideaux de la pièce étaient tirés, et les bougies étaient allumées. Le cœur battant, je m'avançai lentement vers lui. Il était très pâle et amaigri, et avait de légers tremblements dus à la fièvre.
Mon cœur se comprima douloureusement alors que je me laissai tomber à genoux à son chevet. Il avait subi deux saignées. Une larme solitaire roula sur ma joue, alors je l'essuyai aussitôt. Puis, je levai la main, et caressai doucement le front de Louis. Il n'eut aucune réaction.
La nausée remonta encore une fois dans ma gorge. En sanglotant, je déposai ma tête sur sa poitrine, tout juste soulevée au rythme laborieux de sa respiration, et balbutiai :
« - Tu ne peux pas mourir, Louis... Je ne pourrais point vivre sans toi ! Et tes enfants non plus ! Ils t'aiment tellement, ils seraient perdus sans toi... Et moi aussi ! »
J'agrippai mes doigts à sa chemise, que je mouillais de larmes. C'était la faute de ces médecins qui pensaient que la saignée résolvait tout ! Ils le vidaient de son sang, sous le prétexte de le guérir.
Je reniflai, et me relevai un instant pour embrasser le front poissé de sueur de Louis :
« - Je vais veiller sur toi, je te le promets. Louisette surveille tes enfants. Je vais te veiller, et tu te relèveras. »
J'hésitai un bref instant, avant de me pencher pour déposer doucement mes lèvres sur les siennes. Et il eut un bref frisson.
Aussitôt, je pris son visage entre mes mains, les yeux écarquillés. Il réagissait ! Il réagissait à mon baiser ! Alors tout n'était peut-être pas perdu ! Un espoir insensé gonfla en moi, et de nouvelles larmes roulèrent sur mes joues. Je caressai doucement ses joues, lui promettant dans un murmure :
« - Tout va aller mieux. Je serai là avec toi. Comme si tu n'avais jamais cru cet horrible personnage qui se prétendait mon amant. Comme si tu avais eu confiance en moi. Et moi, je ne t'abandonnerai pas. »
J'embrassai son front brûlant, avant de reposer sa tête sur les oreillers.
Et je décidai d'appliquer les mêmes traitements que lorsque je soignais les enfants du domaine à côté du mien. Je tirai les chaudes couvertures sur son corps, puis me relevai, et allai ouvrir la porte pour demander à un garde, tout en reprenant mon ton froid et hautain :
« - Pourrais-je avoir un bol d'eau froide, ainsi que plusieurs couvertures ? »
Le garde à qui je m'adressais eut un mouvement gêné :
« - C'est que... Le médecin a décrété qu'il ne fallait pas que l'on touche à Sa Majesté...
- Faîtes. »
Je me tournai vers Geoffroy, qui venait de me soutenir. Devant nous deux, le garde se troubla, et finit par glisser quelques mots à l'oreille de son compagnon d'armes. Puis ils partirent tous les deux.
Un soupir soulagé m'échappa, et je me tournai vers mon frère pour le tirer dans la chambre. J'en refermai la porte, avant de soupirer :
« - Cet idiot de médecin l'avait laissé sans couvertures alors qu'il grelottait de fièvre ! Et il lui a fait deux saignées !
- Je sais tout cela, Lottie... »
Son ton calme m'apaisa. Je retournai m'agenouiller près de Louis, et passai une main hésitante dans ses cheveux. Et, tout bas, je murmurai à mon frère :
« - Je l'ai embrassé, et... Il a réagi. Alors qu'il n'avait pas bougé à tout ce que je lui disais...
- Lottie... soupira Geoffroy. Je ne veux pas que tu t'imagines des choses. C'est sûrement une coïncidence. »
Je déglutis difficilement. Je savais que Geoffroy ne voulait pas que je me fasse de faux espoirs. Il y avait, je le savais, de fortes chances pour que Louis m'en veuille autant, une fois rétabli. Mais j'espérais. J'espérais parce qu'il avait frissonné à mon baiser. Et je savais que j'étais stupide, mais c'était bien plus fort que moi.
Des coups furent soudain toqués à la porte, alors je retirai vite ma main des cheveux de Louis, tandis que Geoffroy allait ouvrir. C'étaient les gardes, qui revenaient avec des couvertures et un broc d'eau. Je me relevai à mon tour pour aller prendre les édredons, que j'étendis ensuite sur le corps de Louis. Il avait cessé de grelotter.
La porte se referma, et mon frère vint à mes côtés, le broc à la main, ainsi qu'un mouchoir propre. J'eus un pauvre sourire en lui prenant des mains le morceau de tissu, puis trempai le mouchoir dans l'eau froide, avant de le déposer doucement sur le front de Louis. Je vis ses paupières se plisser, alors murmurai si bas que je ne m'entendis presque pas :
« - Je sais que c'est étrange, mais c'est pour ton bien. Je vais te soigner de ta fièvre. Et je vais interdire aux médecins de te saigner. Ils ne font que t'affaiblir. »
Je tamponnai son front du tissu mouillé, avant de le descendre sur ses tempes. Et je l'entendis grogner. Aussitôt, je relevai le visage vers Geoffroy, qui me fixait avec tendresse et tristesse :
« - Il réagit !
- Je le sais, ma Lottie. »
Il avait adopté un ton neutre. Je baissai les yeux sur Louis, avant de murmurer :
« - Tu me trouves stupide, n'est-ce pas ? Stupide de m'accrocher ainsi à lui alors qu'il m'a brutalement rejetée, alors qu'il n'a pas eu confiance en moi...
- Non, et tu le sais très bien. Je sais que tu l'aimes énormément, et que c'est pour cette raison que tu as accouru à son chevet.
- Parce que je sais qu'il me renverra après... »
Geoffroy tira une chaise pour s'asseoir à mes côtés, et caressa doucement mes cheveux :
« - Mais tu es comme ça Lottie, tu fais toujours passer les autres avant toi. Alors tu ne peux t'empêcher d'accourir à son chevet, de le soigner, de l'aimer. »
J'acquiesçai lentement, cessant d'éponger le front de Louis, et me tournai pour fixer mon frère :
« - Sincèrement... Penses-tu qu'il va s'en sortir ?
- Avant, j'étais pessimiste. Mais tu es là. Et je sais que tu fais des merveilles. »
Il eut un sourire affectueux, et se pencha pour embrasser ma joue :
« - Tu es là, alors il s'en sortira. »
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Je sentis qu'on secouait mon épaule. En grommelant, je bougeai légèrement pour que la personne arrête. Mais elle recommença avec plus de vigueur. En râlant, je fis l'effort d'ouvrir les paupières.
J'étais allongée de moitié sur le corps de Louis, m'agrippant à sa chemise comme pour le forcer à rester avec moi. Je clignai des paupières, avant de tourner la tête. Geoffroy était assis à côté de moi, le regard attristé. Il m'aida à me redresser lorsque je grimaçai à cause de mon dos douloureux, et me fit asseoir sur une chaise, avant de prendre mes mains dans les siennes :
« - Lottie, tu dois te reposer. Cela fait une semaine que tu le veilles ainsi, et tu dépéris. Depuis quand n'as-tu vraiment dormi, ou mangé ? »
Je baissai le visage, honteuse. Mais il était vrai que depuis une semaine, je ne me consacrais qu'à Louis. Et il avait repris des couleurs. Grâce à moi. Mon frère continua :
« - Ne veux-tu vraiment pas manger quelque chose ?
- Non, je n'ai pas faim.
- Lottie... »
Il était à présent désapprobateur. Mais je m'en fichais. Le plus important était que Louis vive. Le reste passait en second. Alors je me redressai pour déclarer :
« - Je me sens parfaitement bien. Et regarde, il semble moins mal en point ! »
Geoffroy eut à peine un regard pour Louis :
« - Je le sais, Lottie. Je savais que tu le guérirais. Mais je ne veux pas que tu te négliges.
- Je sais... Mais je vais bien. Je te l'assure. »
Pour le convaincre, et surtout pour lui cacher mon épuisement et mes nausées de plus en plus fréquentes, j'étirai un grand sourire. Il soupira, ne semblant pas totalement convaincu, mais finit par abdiquer :
« - Très bien. »
Et brusquement, il prit ma main dans la sienne pour murmurer tout bas :
« - Je sais pourquoi Louis est revenu à Athénaïs. »
Stupéfaite, je levai les yeux vers lui :
« - Eh bien... Elle a tout manigancé, mais nous le savions déjà...
- Non, Charlotte. Elle va voir des ensorceleuses, pour avoir des philtres d'amour. »
Un grand vide se fit en moi. Des... Des ensorceleuses. Elle donnait des philtres au roi, à Louis... Je crispai ma main sur la sienne, cherchant son regard :
« - Depuis... Depuis quand ?
- Je ne sais. Mais un de mes amis m'a prévenu. Ce n'était pas la première fois qu'il la voyait. »
Une violente nausée me prit. Je déglutis difficilement, et murmurai :
« - Comment... Comment a-t-elle osé ?
- Je ne le sais. Mais elle a un sacré culot. »
Je n'en pouvais plus. J'en avais plus qu'assez de découvrir tant de choses sur ma sœur, assez d'être plongée dans le gouffre sans fin de mes sentiments. Je voulais que tout s'arrête.
Alors je lâchai Geoffroy pour souffler :
« - J'ai faim...
- Je cours te chercher quelque chose. Préviens lorsqu'il se réveille. »
Tentant de faire bonne figure, j'embrassai sa joue, récoltant un sourire affectueux.
Il sortit de la pièce, refermant soigneusement la pièce. Aussitôt, je plaquai une main sur ma bouche pour retenir ma nausée. Je n'en pouvais plus. Je ne dormais que très peu, mais à chaque réveil, une violente envie de vomir me taraudait. Alors si je rajoutais à cela les révélations glaçantes concernant Athénaïs...
Et soudain, j'entendis le froissement des draps.
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Hey !
Surprises des révélations concernant Athénaïs ? (Enfin, vu que c'était un peu dans le résumé de l'histoire, pas tant que ça, mais... ^^)
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