Chapitre VII : Aaah, ces Français, quels charmeurs !
Les élèves rangèrent leurs affaires dans un joyeux brouhaha. Éva les avaient fait travailler sur les différents niveaux de langue. Un défi pour ses élèves. Pour tous, parce qu'elle avait distribué les rôles en fonction de leurs savoir-faire spécifiques. Le groupe des anciens avaient sué sur le vocabulaire soutenu, sur l'élaboration d'une argumentation solide. Le groupe des profs sur le français familier, les phrases minimales et le ton agressif ou provocateur. Une gageure. Particulièrement pour Mirna. Professeur dans un grand lycée d'Alep. La jeune femme possédait une exceptionnelle maîtrise de la langue française, mais elle parlait comme un livre, comme l'héroïne aristocratique d'un roman du XIXe siècle. Elle rappelait parfois à Éva, cette étudiante roumaine inscrite avec elle en maîtrise. Elle avait grandit à Bucarest et appris le français avec Honoré de Balzac. Éva adorait. Les étudiants français beaucoup moins. Trop littéraire à leur goût. Méprisants parce qu'ils se vautraient avec complaisance dans un français courant et limité, parce qu'ils considéraient que les belles-lettres étaient dépassées, désuètes et ridicules. Des illettrés qui s'ignoraient.
Les profs d'Éva avaient évoqué leur désir de parler un français moins littéraire, plus courant, parfois familier. Pas pour abaisser leur niveau de langue et se détourner de la forme soutenue qu'elles employaient naturellement, mais pour les différencier les uns des autres, identifier les registres familiers, argotiques ou vulgaires. Parce qu'elles se jugeaient incapables de distinguer les différents niveaux de langue. Elles voulaient apprendre. Quoi de mieux que la pratique ?
Mirna s'était ainsi retrouvée à défendre son opinion dans la peau d'une jeune fille de vingt ans, nature. Soutenue par ses collègues. Éva avait beaucoup rit. Mirna beaucoup rougit. Éva claquait des doigts dès que la jeune femme s'abandonnait à la facilité. À sa facilité : vocabulaire littéraire et phrases complexes élaborées. Le débat avait été animé. Les élèves avaient joué le jeu. Comme d'habitude. Ils s'étaient vivement affrontés pour défendre leurs privilèges. Pour savoir qui dans l'entreprise bénéficierait de places de parking réservées, qui abandonneraient sa voiture aux profits des transport en commun ou chercheraient une place ailleurs : les cadres supérieurs, ceux qui habitaient loin, personnes, les VRP, les femmes, les jeunes, les vieux , les premiers arrivés... ?
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Le cours fini, les élèves quittèrent peu à peu la classe, n'oubliant pas de saluer Éva, de lui exprimer leur contentement et de lui souhaiter une bonne soirée. Seules restèrent Raf'a et Rita.
Comme d'habitude.
Les deux jeunes femmes se connaissaient depuis longtemps. Elles avaient étudiés dans le même établissement scolaire.
— Éva, tu fais quelques chose pour Pâques ? lui demanda Raf'a.
— Non.
— Élias et moi, fêterons Pâques au Four Season avec des amis, et nous voudrions t'inviter pour le dîner le dimanche soir. Tu accepterais ?
— Oui, bien sûr, avec joie.
— Ah, s'illumina Raf'a. Bien.
Rita fronçait les sourcils.
— Rita vient aussi, déclara Raf'a à Éva. Avec Anouar.
— J'ai trouvé quelqu'un pour garder les enfants, expliqua Rita.
Éva tourna le regard vers elle.
— On ira ensemble, lui dit Rita.
— Ouais.
— Tu vas mettre des talons hauts ? plaisanta Rita.
— Moi ?! s'exclama Éva.
— Oui, tu es grande et mince, ça t'irait bien.
Éva se renfrogna :
— Je ne sais pas marcher avec des talons, bougonna-t-elle.
— Je t'apprendrai, ricana Rita.
— Je ne porterai jamais de talons, rétorqua Éva.
— Tu fais quelle pointure ?
— 38.
— Comme moi, je t'en prêterai une paire, continua Rita amusée par la mine vraiment fâchée qu'arborait Éva, par la disparition totale et évidente de son sens de l'humour.
— Compte là-dessus, rétorqua hargneusement Eva, décidément complètement imperméable à la plaisanterie.
Elle prenait réellement le sujet au sérieux, Rita ne rata pas l'occasion qu'Éva lui offrait de la taquiner, de l'énerver encore un peu plus, et elle insista. Lourdement. La plaisanterie tourna à la querelle. Elles la portèrent hors de la salle de classe, puis dehors, dans la rue, en vinrent aux mains. Elles se bousculaient sous les yeux mi-amusés, mi-éberlués de Raf'a. Éva à bout d'argument, attrapa Rita par la tête, la coinça sous son bras et lui frotta durement le cuir chevelu avec le poing. Rita protesta, se débattit et se dégagea en riant.
Elle prit Raf'a à témoin :
— Tu as vu comment elle me traite ? Je suis pleine de bleus.
— Vous vous entendez bien, sourit Raf'a .
Rita se reçut une gifle amicale.
— Éva ! protesta Rita feignant une mine scandalisée.
Elle lança une gifle, Éva la bloqua et lui envoya une autre, deux autres. Rita répliqua, elles esquivaient quand elles pouvaient, les mains claquaient les épaules, le haut des bras, les joues, la nuque. Raf'a comptait les points en riant. Une scène digne d'une cour de récréation. Quand les enfants se retrouvaient sans surveillance. Mais tout bon moment avait une fin :
— Il faut que je rentre, dit Raf'a à regret.
Elle enviait leur complicité, même si elle s'en étonnait un peu. Rita et Éva semblaient parfois tellement proches. Raf'a n'avait jamais vu Rita si heureuse et facétieuse depuis des années et jamais elle ne se serait permis les gestes et l'attitude que Rita se permettait vis à vis de leur professeur. Raf'a n'avait jamais rencontré de professeurs comme Éva. Qu'ils fussent Syriens ou Français. Une telle familiarité, une telle proximité. Son frère éprouvait les mêmes sentiments. Il aimait beaucoup Éva, lui-aussi. Sa simplicité. Son grand naturel. Son attitude. Éva se montrait toujours égale à elle-même, qu'elle fut en cours ou pas, qu'elle fut en présence d'un homme ou d'une femme. Un trait qu'il appréciait particulièrement chez elle. Éva se comportait avec lui comme avec sa sœur. Ils l'avaient invitée chez eux à prendre un thé ou un café, à discuter. Elle n'avait jamais paru empruntée, sur ses gardes, ou usée de ses charmes parce qu'il était un homme. Raf'a l'avait remarqué aussi. Mais Éva s'était aussi montrée réservée. Une réserve dont, apparemment, Rita n'avait pas à souffrir.
Rita et Éva cessèrent de se chamailler. Rita réajusta sa chemise, Éva se passa une main dans ses cheveux en bataille.
— À bientôt, et merci pour dimanche, la salua gentiment Éva.
— Ne faites pas trop les folles, répondit Raf'a en forme d'adieux.
Les yeux d'Éva et de Rita brillèrent et un même sourire leur découvrit les dents. Raf'a secoua la tête et s'éloigna.
Rita attrapa le bras d'Éva.
— Tu viens dîner à la maison ?
— Non, je vais à une soirée.
Rita s'assombrit.
— Où ? demanda-t-elle abruptement.
— Je t'en ai parlé, chez Jérôme Hauss. Tu as été invitée d'ailleurs.
— C'est ce soir ?
— Oui.
— Je ne peux pas venir. Anouar ne s'en est pas trop bien sorti avec les enfants quand j'étais à Palmyre et je n'ai personne pour les garder.
— C'est dommage, ça risque d'être sympa.
Rita haussa les épaules.
— Tu y vas toute seule ? Il habite le souk, la nuit, les rues n'y sont pas toujours très sûres.
— Je passe prendre Violette chez elle, nous irons ensemble.
Rita se renfrogna. Violette. La jeune étudiante était trop cultivée à son goût. Rita maudit son ignorance. Elle avait ressorti une encyclopédie de ses placards. Une encyclopédie historique pour adolescents, en plusieurs volume, une centaine. Elle abordait toutes les civilisations, détaillait l'Histoire des peuples, les conquêtes, les arts, les croyances religieuses, les migrations, les systèmes politiques, l'agriculture, l'artisanat, l'industrie, les costumes, la littérature, la philosophie, les us et coutumes. Tout ce qui intéressait Eva, tout ce dont elle parlait si on la lançait sur le sujet. Éva possédait une si vaste culture à ses yeux, que Rita avait toujours l'impression qu'elle savait tout sur tout.
Rita ne savait rien et elle s'en sentait profondément humiliée. Elle aurait tant voulu ressembler à Eva, partager avec elle un savoir qu'elle ne possédait pas. Elle avait montré l'encyclopédie à Éva. Éva avait crié comme une orfraie, elle connaissait cette encyclopédie. Qu'elle s'était plongée avec passion dans l'édition française quand elle avait dix ans. Elle se souvenait de tout. Elle emprunta un volume à Rita, tourna les pages, les yeux brillants, commenta, s'étonna ravie qu'une édition existât en arabe. Rita lui avait avoué son ignorance, son désir de la palier. Éva s'était lancée dans une critique enthousiaste de l'ouvrage. Qu'elle avait lu à dix ans se souvint Rita avec dépit.
Rita avait vingt cinq ans.
C'était affreux.
Voilà pourquoi Éva aimait Violette. Elle pouvait échanger avec elle. À Palmyre, Rita avait découvert avec désespoir qu'elle ne comprenait parfois rien à leurs conversations. Pas parce qu'elle parlaient en français, mais parce qu'elles abordaient des sujets dont n'avait jamais entendu parler Rita.
C'était horrible.
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Le soir même de son retour de Palmyre, à peine son sac posé par terre, elle avait recherché son encyclopédie. Ignorant Anouar. Lui accordant distraitement pour avoir la paix un chaste baiser sur les lèvres, ignorant ses mains crispés sur elle, le désir qu'elle sentait sourdre, la demande implicite de tendresse, de sexe. Comme si elle n'avait pas autre chose à faire et à penser. Elle s'était dégagée, il avait soupiré sans insister, sans rien lui reprocher. L'encyclopédie était rangé dans un buffet, elle s'était assise par terre, avait tiré un volume et s'était mise à lire. Anouar avait regagné la chambre de Paul. Résigné à se satisfaire d'expédients. À se plonger dans ses souvenirs.
Rita ne se souciait même plus de savoir comment il se soulageait du désir qu'il éprouvait pour elle. Quand il la tenait parfois dans ses bras, rarement depuis deux ans, elle ne relevait plus comme avant, d'une remarque licencieuse ou d'une grimace entendue, la bosse qui se formait dans son entre-jambe, elle ne se frottait plus dessus l'air aguicheur et provocant.
Et depuis sa dernière grossesse, il n'osait plus guider sa main ou sa tête vers son membre exigent. Il n'osait plus l'embrasser, la déshabiller, se repaître de ses seins, s'introduire en elle d'une façon ou d'une autre, dans une position ou une autre, enchaîner les coups de reins vigoureux, l'entendre gémir ou crier, la pétrir entre ses mains, la sentir humide et chaude parce qu'elle l'aimait et le désirait, parce qu'il savait la faire hurler de plaisir, parce qu'elle aimait ça, parce qu'elle l'aimait d'un amour exclusif, et enfin la combler de sa semence, jouir longuement en elle, sur elle. La posséder.
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Éva ne sut la dérider sur le chemin du retour. Elle n'essaya pas et se perdit dans ses pensées. Heureuse de la soirée à venir. Elle raccompagna Rita jusqu'au seuil de son immeuble.
— Salut, dit sobrement Éva.
Éva n'embrassait pas et ne tendait jamais une main pour saluer ou prendre congé de quelqu'un. Bonjour, salut, bonne journée, bonsoir, bonne soirée, bonne nuit, à demain, à bientôt, les courtes formules lui convenaient amplement. C'était parfois déstabilisant. Froid. Même après avoir fait l'amour avec elle, Éva n'avait pas changé ses manières avec Rita.
— Éva, tu vas au Centre demain matin ?
— Non, j'irai en fin d'après-midi, j'ai les clefs et je préfère y aller quand il n'y personne.
— Je passe chez toi demain matin, vers dix heures ?
— Oui.
Éva se mordit inconsciemment le coin de la bouche.
— J'adore avec toi, lui lança Rita à voix basse, les yeux brillants.
Une promesse licencieuse.
— Ah... euh, s'embarrassa Éva.
— Pas toi ? bouda Rita.
— Si.
— Avec Anouar, je n'ai jamais aimé.
Éva en resta coite. Rita, contente d'elle, lui adressa un petit salut de la main et disparut dans le couloir de son immeuble. Rejoindre son mari et ses enfants.
Éva n'était pas très sûre d'apprécier l'idée d'être la maîtresse de Rita. Parce que c'était bien ce qu'elle était en fin de compte. Le mot lui écorchait l'esprit. Amante ne sonnait pas mieux. Elle fronça les sourcils. Maîtresse ou amante, cela ne changeait pas le fait que la proximité de Rita la troublait.
En classe, son désir se tenait en sommeil, mais dès qu'elle se retrouvait seule avec elle... Depuis hier. Pas depuis la première fois, mais depuis hier matin. Dès qu'elle se retrouvait à deux pas d'elle, son corps s'éveillait au désir, aspirait au plaisir. Impudemment. Éva avait beau ne pas y penser, il était difficile d'ignorer la réaction de son corps, les effluves qui montaient. Éva possédait un odorat très développé. L'odeur de son désir, une odeur qu'elle goûtait particulièrement, contribuait un peu plus à la troubler. À accélérer le processus.
Elle secoua la tête. Incrédule. Personne n'avait jamais déclenché chez elle une telle réaction.
***
Eva n'était jamais venu le soir se promener dans les souks. Les boutiques fermaient à la nuit tombante, les passants désertaient les lieux et les rues vides bordées de rideaux de fers baissés ou de volets en bois n'engageaient pas les promeneurs à s'attarder.
Le taxi longea la rue El Kallaseh. Vide. Silencieuse. Le souk dormait. Éva rentrait toujours par la porte Antakiah quand elle venait errer dans le souk. Jérôme Hauss habitait un palais Mamelouk du XIVe siècle proche de la porte Qinesrin. Une porte monumentale datant du XIIe siècle. Impressionnante.
— Russié ? demanda soudain le chauffeur en se tournant vers Violette.
La jeune étudiante soupira d'un air excédée.
— Ils font chier avec leurs Russes ! jura Violette. J'en ai marre. On m'a déjà proposé d'aller à l'hôtel. Plusieurs fois. J'ai fini par dire que j'étais mariée, mais ça ne sert à rien, les types me disent que ça ne les dérangent pas.
Violette était blonde.
Le Liban commençait à exporter ses Russes. Elles faisaient la joie des Libanais, elle feraient celles des Syriens.
L'économie de la Syrie se redressait petit à petit, Damas attirait au dépend du Caire les Occidentaux qui désiraient se former à la langue arabe. Des Occidentaux souvent riches, salariés auprès des ambassades, des ministères des affaires étrangères ou de grandes compagnies implantées, ou désirant s'implanter, dans des pays arabophones. La Syrie était plus accueillante et les Frères musulmans, étroitement muselés par le gouvernement, n'avaient pas pignon sur rue. Une clientèle en perspective à ne pas négliger. Les Russes étaient venues. Les Syriens en profitaient eux-aussi.
Éva n'avait pas échappé aux regards concupiscents et aux propositions d'aller passer une heure ou deux dans un hôtel de passes. Un soir, alors qu'elle rentrait tard, sur le chemin qui menait du CCF à chez elle, un soldat l'avait arrêtée à un carrefour. Il avait engagé la conversation en lui demandant un renseignement. Il s'était perdu. Éva connaissait l'endroit où il désirait soit disant se rendre. Elle lui avait indiqué le chemin à suivre avec force détails dans un excellent arabe. Le soldat reconnut l'accent typique de la Béqua nord, il avait violemment rougit et, extrêmement gênée, il s'était confondu en excuses. Éva avait compris à ce moment-là qu'il s'était mépris sur son compte, sur sa nationalité et sur la raison de sa présence à Alep. Par contre, elle avait identifié sans l'ombre d'un doute ce que voulaient les types qui l'avaient prise en chasse, sur le même trajet, en pleine nuit dans les rues désertes. Les gars suivaient à cinq mètres de distance, prenaient l'air dégagé si elle se retournait. Ils traversaient la rue, si elle la traversait, s'asseyaient un peu plus loin si elle s'asseyait pour les laisser passer. Jouaient au prédateur. Le genre d'attitude qui l'énervait.
Elle avait attendu le premier sur un banc, s'était retourné pour le deuxième, avait traversé la rue pour rejoindre le dernier plus prudent que les deux autres. Elle leur avait demandé ce qu'ils voulaient, de venir la voir, d'approcher. Le premier avait fui dès qu'elle lui avait adressé la parole, le second avait couru d'autant plus vite qu'elle lui marchait dessus et qu'un couple hilare arrivait en contre-sens, et le dernier avait vite refermé la vitre de sa voiture avant de passer la troisième et de disparaître la plus vite possible, parce qu'elle lui avait dit que s'il voulait se payer une pute, il avait fait erreur sur la personne, mais que s'il avait assez d'argent pour la payer, elle ferait peut-être un effort.
Des histoires qui avaient beaucoup amusé Rita. Qui l'avait scandalisée aussi. Une femme ne pouvait pas se comporter ainsi. Elle avait même sévèrement tancé Éva d'avoir osé prononcé le mot pute en arabe.
— Comment as-tu pu dire cela, Éva ? C'est honteux, avait-elle reproché à son professeur, d'autant plus fâchée qu'Éva s'amusait de sa performance et des remontrances de son élève.
— Tu crois que je vais les laisser m'ennuyer ? Leur laisser croire que j'ai peur ?
— Tu ne te rends pas compte, grommela Rita contrariée qu'Éva se comportât aussi légèrement.
— Tu aurais préféré que je leur casse la gueule ?
— Oui.
— Ce n'était pas possible, s'était esclaffé Éva. Ils ont eu trop peur et je n'ai pas pu les rattraper !
Rita avait pensé qu'Éva était scandaleuse, mais l'admiration qu'elle lui vouait s'était intensifié. Son courage, sa force, sa bravoure, sa propension à aller casser la gueule d'un homme, sans peur, parce qu'assurée de le mettre à terre.
Éva se foutait de l'image qu'elle pouvait donner d'elle, qu'elle devait donner en tant que femme, en tant que représentante du sexe faible. Une expression qu'elle abhorrait. On l'agressait, elle répondait. Pas question d'être une proie ou une victime. Et si on avait besoin d'elle, si elle décelait une demoiselle en détresse, Éva arrivait toujours à la rescousse. Une habitude acquise dans ses jeunes années, auprès de ses amies un peu trop belles pour ne pas attirer les dragueurs de tout poil. Une habitude jamais prise en défaut :
— La, hyé Francié, lança-t-elle au chauffeur.
— Oh, s'illumina-t-il.
Les Français étaient bien vus. Les Syriens les aimaient beaucoup. Un privilège de la région. Antoine pourrait vérifier cet amour inconditionnel pour la France quelques mois plus tard.
— Pff... souffla Violette. Je devrais apprendre plus vite l'arabe, mais je ne suis pas sûre que ça servent vraiment à quelque chose. Tu es blonde, mais...
Violette ne continua pas. C'était une question d'attitude. Éva en imposait. Pas elle.
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Une porte anodine, minuscule. Un vestibule aussi quelconque malgré les photos affichées aux murs. Soigneusement encadrées. Des photos de Jérôme en compagnie des grands hommes de ce monde : Jacques Chirac, François Mitterrand, Hafez el Assad, Bachar el Assad, Jacques Lang, des ambassadeurs, des hommes d'état occidentaux et orientaux, des artistes...
Jérôme Hauss dégoulinait de vanité. Une qualité qu'Éva avait découverte avec étonnement et beaucoup d'indulgence. Une vanité un peu ridicule rachetée par l'extrême gentillesse de Jérôme et par son talent. Hauss était musicien. Il jouait du Qanoun. Avec virtuosité et générosité.
***
Elle et Violette l'avait rencontré par hasard alors qu'Éva pilotait Violette dans les souks. Elles avaient rencontrées deux étudiants français qui effectuaient un tour du monde à vélo. Sponsorisé par les bouillons cube Magie. Ils avaient sympathisé et avaient continué la visite ensemble. Un guide accompagnait les deux jeunes cyclistes. Il proposa aux deux jeunes femmes de venir avec eux rendre visite à Jérôme Hauss. Elles ne l'avaient jamais rencontré. Le musicien étaient pourtant une personnalité d'Alep. Antoine les avait mises très sérieusement en garde contre lui.
— Jérôme est un séducteur. Méfiez-vous. Vous êtes jeunes et mignonnes, vous lui plairez.
C'était surtout un phénomène. Une personnage haut en couleur. Un grand artiste, et il habitait une magnifique demeure cachée derrière des murs hauts, épais et aveugles, en plein milieu des souks. Ils les avait accueilli dans le vestibule où les quatre Français attendaient de savoir, si Monsieur Hauss acceptait les recevoir. Il était apparu jovial et apparemment enchanté de leur visite. Il leur avait détaillé les photos encadrées et accrochées aux murs, une par unes, avec une fierté d'enfant, raconté mille anecdotes qui démontraient à quel point il était célèbre et respecté.
Ils les avaient ensuite conviés à le suivre. Éva s'était retrouvée plongée dans un palais des contes des Mille et une nuits. Ils avaient traversé un petit patio qu'égayait une petite fontaine en son centre et deux orangers qui s'élançaient gracieusement vers la lumière, et puis ils étaient rentrés dans le salon d'apparat. Une immense pièce surmonté d'un dôme monumental. Une partie s'apparentait à un cour, sorte d'antichambre au diwan qui occupait l'autre partie de la pièce. Là encore, une fontaine chantait. Au milieu de l'antichambre. Une volée de marches permettait d'accédé au diwan, des mètres de banquette maçonnée couraient le long des mur. D'épais coussins apportaient confort et couleur à la banquette. Eva parcourut des yeux l'ensemble de la pièce, du sol au plafond. L'architecture mais aussi la décoration dans ses moindres détails concouraient à la magie du lieu. Sans ostentation, sans cliquant.
— J'ai tout ramené de mes voyages, lui avait précisé Hauss quand il avait surprit son regard admiratif.
Des lampes syriennes aux verres multicolores, des draperies venues d'Afrique du nord, des armes, des objets accrochés en vrac achetés dans tous les souks et les bazars d'Orient.
Hauss les avaient encouragé à visiter son palais, à leur guise, en prenant le temps qu'ils voudraient. Il trônait tel un pacha assis sur la banquette. Il ne s'était pas déplacé pour les accompagner, et leur avait précisé que toutes les pièces leur étaient ouvertes, même sa chambre. Un grand seigneur.
Tout le palais s'avéra à l'image du salon, et la terrasse qui coiffait une partie de l'édifice offrait une vue imprenable sur le souk.
Ensuite, Jérôme Hauss avait beaucoup parlé de lui, de ses concerts, de la musique, de son parcours musical. Puis, il avait proposé aux visiteurs d'écouter la maquette de son dernier disque.
— Une simple maquette, ce n'est pas encore parfait, avait-il préciser avant d'allumer la petite chaîne hifi qu'il possédait.
Il avait commenté l'enregistrement autant pour lui que pour pour ses invités.
Les quatre jeunes Français lui avaient plu. Leur jeunesse, leur attention, leur discrétion. La blondeur et les yeux bleus des deux jeunes femmes. Il sortit son Qanoun.
— Vous connaissez cet instrument ?
Les Français avait reconnu une cithare, mais ils ne savait pas grand chose d'autre à son propos. Jérôme s'était fait un plaisir de palier leur ignorance. Il avait d'abord parlé de son instrument, raconté son histoire, expliqué les modifications qu'il y avait apporté en rajoutant des demi-tons. Proposé de jouer un petit morceau pour en apprécier le son et les différentes possibilités mélodiques.
La démonstration avait tourné au concert. Il avait joué durant plus d'une heure.
Hauss était heureux. Les visiteurs ravis.
Les cyclistes partaient trois jours après, mais il invita les deux jeunes Française à revenir quand elles le souhaitaient, leur assurant qu'elles seraient toujours les bienvenues.
***
Une foule considérable se pressait à l'intérieur du palais.
Hauss participait seul ou en compagnie de son ensemble à la renaissance des salons musicaux d'Alep. Une tradition millénaire qui s'était lentement perdue au cours du XXe siècle. Qui avait presque disparu.
La ville se libérait petit à petit de la chape de plomb qui avait suivie la tentative de coup d'état des Frères musulmans vingt ans plus tôt. La renaissance des salons musicaux annonçait le retour d'Alep à la place qui lui était due : celle de la capitale culturelle de la Syrie.
Jérôme Hauss avait lancé des invitations dans toute la ville. Il partait bientôt pour Istanbul. Donner un concert prestigieux. La soirée servait de prétexte à une répétition générale. Tous les membres de son groupe étaient présent. Le percussionniste, le joueur de oud, le chanteur. La soirée assurait à Jérôme de se maintenir comme une figure incontournable de la vie culturelle alépine, aussi bien aux yeux de la population locale qu'à ceux de la communauté francophone.
Jérôme Hauss entretenait sa notoriété et se réjouissait avec délice d'être célèbre et adulé.
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Quand Éva et Violette entrèrent, le grand salon était bondé. Les spectateurs assis par terre, se poussaient à chaque nouvelle arrivée. Tout le CCF se trouvait présent. L'école française aussi bien qu'Éva n'eût jamais rencontré la moindre personne qui y travaillât. Une partie du consulat avait lui-aussi répondu à l'invitation d'après les têtes dont elle se souvenait, et beaucoup de notables alépins.
Une heure et demi de concert, dans un silence religieux. Une heure et demi hors du temps.
Et puis une tempête d'applaudissement. Méritée. Les musiciens syriens saluèrent avec modestie. L'artiste français, lui, rayonnait de fierté. Éva pensa en souriant et avec quelque indulgence que l'ego du musicien n'en serait pas amoindri et atteindrait au contraire des sommets. Elle méprisait les vaniteux, Hauss était gonflé à éclater de vanité, mais l'homme possédait un tel sens de l'hospitalité, se conduisait avec une telle bonhomie, montrait parfois une telle générosité désintéressée, il donnait avec tant de bonheur sa musique, qu'Éva ne pouvait s'empêcher de l'apprécier. Hauss était magnanime et simple. Habité par l'âme joyeuse d'un gamin assoiffé de reconnaissance et de récompenses.
Des rafraîchissement et des pâtisseries avaient été prévu pour prolonger la soirée. Beaucoup de gens, des Syriens pour la plupart, ne s'attardèrent pas après le concert. Les autres se retrouvèrent dans le patio. Violette avait disparue. Éva s'adossa à un oranger, occupée à observer les gens. Sans rien voir pourtant de ce qui l'entourait. Un plateau apparut devant elle.
— Tu veux un gâteau ?
Violette.
— Mouais, merci. Tu fais le service ?
— J'aide un peu.
— Sympa, se contenta de répondre Éva en souriant.
Plus tard, dans la soirée, Éva retrouva Violette dans la petite cuisine qui s'ouvrait sur le patio. La jeune étudiante lavait des verres.
— Une vraie petite femme d'intérieur, plaisanta Éva en croquant une olive qu'elle avait chipée dans une assiette.
— Emporte ça, lui rétorqua Violette en lui tendant un plateau de verres propres. Tu le poseras sur une table.
Éva rit et emporta le plateau. Plus tard, elle complimenta narquoisement Violette pour ses talents de maîtresse de maison. Violette était l'une des rares personnes, en dehors de ses élèves en classe, avec qui Éva osait plaisanter. Qu'elle osait taquiner. Sans arrière-pensées. Penchant qui lui causa beaucoup d'embarras à la fin de la soirée.
Éva quittait toujours la dernière les endroits où elle se sentait bien. Bien avec elle-même ou avec le lieu plutôt qu'avec les gens car elle n'avait pratiquement échangé de paroles qu'avec Violette et Jérôme Hauss venu courtoisement la saluer et recueillir des compliments qu'Éva lui accorda de bonne grâce avec force exclamations et adjectifs enthousiastes. Elle ne méprisait pas les gens, elle n'avait simplement rien à leur raconter, elle ne savait pas quoi leur dire. Elle se trouvait inculte et stupide.
Il ne restait qu'une demi-douzaine de personnes quand elle se prépara enfin à partir elle aussi. Violette ramassait les verres, les assiettes et les plateaux, Éva l'aida à tout rapporter à la cuisine. Violette s'attaqua à la vaisselle.
— Je t'attends dans le patio, je te raccompagnerai chez toi, lui dit amicalement Éva.
Une proposition pleine d'attention. Il était tard. Violette risquait d'être importunée. C'était plus prudent. Cela lui éviterait aussi des sueurs froides. Et puis, si Éva était avec elle, Violette ne s'énerverait pas à s'entendre une fois encore traitée de Russe.
Violette plongea la tête dans son évier. Éva se tenait appuyer contre un meuble à côté d'elle.
— Tu prends le temps que tu veux, précisa Éva. Je ne suis pas pressée.
Violette tourna la tête vers elle. Rouge comme une pivoine.
— Euh, ce n'est pas la peine, dit-elle lentement.
Éva fronça les sourcils.
— Je reste ici, l'éclaira Violette.
Éva comprit à la seconde l'étendue de sa bêtise, la lourdeur des plaisanteries dont elle avait gratifié Violette toute la soirée. En toute innocence. Ce qu'elle pouvait se montrer stupide !
Devant sa mine déconfite, Violette se prit à rire.
— Violette, je suis désolée. Je... J'ai... balbutia Éva. Euh, je...Sans rire, je ne voulais pas. J'ai été super lourde. Je suis nulle, je...
— Bah, voulut la rassurer Violette. Je savais que tu n'étais pas au courant. Et puis, tes petites piques sont plutôt sympathiques. Si tu savais ce que j'ai entendu depuis trois semaines... soupira Violette. Les gens sont vraiment cons.
Éva hocha la tête. Antoine n'avait pas menti. Hauss se révélait à la hauteur de sa réputation. Violette avait dû répondre à l'invitation qu'il leur avait lancé quand elles étaient venues le voir ensemble. Et après... L'histoire ne regardait qu'eux. Éva ne connaissait pas assez Hauss pour exprimer une quelconque opinion sur leur liaison D'ailleurs, le musicien n'avait rien de cynique. Il avait eu plusieurs enfants, de femmes différentes. Il les voyait de temps en temps et avait gardé d'excellentes relations avec toutes ces femmes. Éva n'était pas sensible au charme de Jérôme Hauss, du moins, pas sur ce plan-là mais elle ne voyait rien à redire sur le fait que lui et Violette partageassent leurs nuits et leurs journées ensemble. Violette avaient conservé l'appartement qu'elle avait enfin trouvé juste à côté du consulat et à priori, les deux amants se voyaient quand ils en avaient envie.
Violette depuis qu'on savait qu'elle couchait avec Jérôme, affrontait les regards réprobateurs en silence.
Éva paria qu'Antoine crevait de jalousie. Vexé que Jérôme eût osé porter son regard vers un autre Français que lui. Il ne le pardonna pas Violette.
On sut dans le souk, que Karim, le nom musulman que s'était choisi Jérôme lors de sa conversion à l'Islam, voyait une femme. Le séducteur se conduisit en grand seigneur.
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Fin mai, Éva était venue rendre visite à Violette. Dans son appartement. Elles avaient fini par s'installer chacune dans un fauteuil. Une table basse les séparait. Violette attrapa un livre qui traînait par terre. Éva tira celui qu'elle avait emprunté à la bibliothèque du CCF de son sac. Elles ouvrirent leur volume respectif et se mirent à lire en silence.
Une heure plus tard, Violette proposa un thé à Éva. Violette s'absenta dans la cuisine, Éva continua à lire. Elle referma son ouvrage quand Violette posa la théière et deux tasses sur la table. Violette versa le thé. Elles se réinstallèrent confortablement dans leur fauteuil.
— Qu'est-ce que tu lis ? demanda Éva.
—Les Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar, et toi ?
—Barrage contre le pacifique de Marguerite Duras.
Les deux jeunes Françaises se sourirent d'un air complice. Non pas tant parce que leur auteur respectif portaient le même prénom.
— C'est légèrement intello, déclara Éva.
— Ouais ! rit Violette. Je voulais faire Lettres classiques. J'adorais le latin et le grec.
— Pas légèrement intello ; super intello !
Violette sourit.
— Le problème, c'est que j'étais au Mans et qu'à la sortie du lycée, j'étais en pleine période punk.
— Punk ?! s'esclaffa Éva.
— Mouais, avec les cheveux noirs, les chaînes, les cuirs noirs, le maquillage appuyé.
— Et une crête ?
— Non, quand même pas ! Quand je suis arrivée en fac...
Violette soupira et ses yeux regardèrent le vide au-dessus de la tête d'Éva.
— C'était horrible, reprit-elle. En Lettres classiques, il n'y avait que des minettes BCBG, avec leurs jupes bleu marine, leur chemisiers blancs, leurs foulards en soie et leurs colliers de perles. Personne ne s'asseyait jamais à côté de moi, ni devant moi ou derrière moi, d'ailleurs. Personne ne me parlait. Je pleurais tous les soirs et tous les matins avant de partir à la fac. À la fin, ma sœur m'a dit que je ne pouvait pas continuer comme cela. Elle m'a engagée à changer de filière, j'ai tenu encore un peu et puis, j'ai cédé. Je me suis inscrite en lettres modernes. C'est nul, je regrette beaucoup de ne pas avoir fait Lettres classiques.
— Mouais, approuva Éva.
Elle trouvait surtout dommage que Violette eût renoncé à ses rêves. Elle l'imaginait très bien en prof de Lettres classiques.
— Je me suis mariée, annonça tout à coup Violette.
Éva fronça imperceptiblement les sourcils.
— Jérôme ne voulait pas qu'on me traite de femme adultère. Tu sais qu'il s'est converti à l'Islam ?
— Oui, parce que c'était plus facile pour vivre à Alep et pour fréquenter les milieux musicaux, du moins c'est ce qu'il raconte.
— Il est athée.
— J'avais compris. Vu ce qu'il sort quand il aborde le sujet de la religion, cela ne laisse aucun doute la-dessus.
— C'était délirant ! C'était un vrai mariage, s'exclama Violette. Avec un imam et des témoins. On a même signé un contrat.
Éva se marrait. La si sage Violette !
— De toute façon, je ne ferai pas ma vie avec lui.
Le mariage n'avait aucune valeur légale aux yeux des autorités françaises. Éva se demanda qui était au courant. Si Antoine le savait. Elle n'avait entendu aucune rumeur à ce sujet. Elle n'aurait rien su côté français, mais ses élèves lui en auraient peut-être parlé s'ils avaient été au courant, et Rita n'aurait pas manqué de le lui apprendre si elle avait eu vent de ce mariage. Elle aurait rit.
Éva pensait que Rita aurait surtout été heureuse d'apprendre une telle nouvelle.
Rita était jalouse. Terriblement. Et pas seulement de Violette.
Le mariage de Violette, son histoire avec Jérôme lui plairait. La rassurerait. Elle rirait certainement et observerait narquoisement que les Françaises étaient bien folles. Éva ? Violette ? Sous leur dehors angélique, les deux Françaises s'étaient révélées de scandaleuses séductrices, dénuée de tout sens moral.
.
Éva garderait pour elle l'histoire de Violette. Parce qu'elle aimait Violette et parce qu'elle ne donnerait pas à Rita le loisir d'être rassurée à propos de ses relations avec la jeune étudiante. Violette ne l'avait jamais troublée, leurs relations étaient amicales et le resteraient quelques fût les circonstances à venir. Par contre, elle éprouvait un malin plaisir à provoquer la jalousie de Rita.
Suzanne devait bientôt venir à Alep. Rita le savait. Elle avait mal accueilli la nouvelle. Éva ne parlait jamais de sa vie privée, encore moins de sa vie amoureuse. Mais Rita était très curieuse. Elle avait tout voulu savoir d'Éva. Tout voulu savoir de sa vie amoureuse. De tous ceux qu'elles avaient déshabillés avant de les jeter dans un lit.
Dans les bras d'une amante, Éva s'était toujours senti en confiance, en sécurité. Elle n'avait jamais rien confier de sa vie dans les bras d'un homme, mais elle finissait toujours par répondre à tout et sans pudeur si une amante lui posait des questions sur son passé amoureux, et Rita posait beaucoup de questions. Éva s'était laissé allée aux confidences, elle lui avait dévoilée ses histoires, ses amours, des secrets. Beaucoup de secrets qu'Éva tenait enfermés à double tour au fond de son cœur. Mais pas tous. Elle avait gardé des portes fermées. Pas beaucoup, mais quelques unes quand même.
Si Rita avait deviné des blessures, si elle les avait parfois dénoncées à Éva, si elle les avait touchées du bout des doigt avec beaucoup de sensibilité, Éva ne lui avait pas tout raconté. Rita avait décelé des souffrances, mais Éva ne lui avait pas toujours avoué ce qui les avaient provoquées.
Rita voulait s'attacher Éva. Exclusivement. Éva le savait plus ou moins confusément.
Provoquer la jalousie de Rita, sauvegardait Éva des chaînes que celle-ci désiraient lui passer aux poignets et aux chevilles.
La jalousie dont souffrait Rita évitait Éva de se retrouver prisonnière à l'intérieur d'une cage trop étroite et lui assurait, envers et contre leur passion et leur volonté, une certaine de liberté.
***
NOTES DE FIN DE CHAPITRE :
Jérôme Hauss : le personnage n'existe pas, mais je me suis inspirée d'un musicien lui aussi joueur de Qanoun, Julien Weiss (1953-2015).
Si vous avez envie d'écouter un peu ce qu'a pu entendre Éva à Alep, on trouve facilement des vidéo sur Youtube, je vous conseille cependant celle-ci enregistrée à Paris en 2011, même si c'est un peu différent de ce qu'ont pu écouter Éva et Violette :
Julien Bernard Jalaleddin Weiss - Ensemble AlKindi
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