13. Que me veut-il ?

Huit jours étaient passés depuis le réveil de Louis, depuis les révélations glaçantes concernant Athénaïs, et depuis ma dispute avec Geoffroy. Je n'avais d'ailleurs pas revu mon frère depuis cet instant. Il n'était pas revenu voir les enfants, ni me voir. Et je m'en voulais terriblement. Il était le seul qui m'avait soutenue pendant toutes ces années, et je n'avais rien trouvé de mieux à faire que de l'envoyer paître de façon totalement ignoble, méprisante et suffisante.

Je retins un soupir, étirant à la place un sourire en regardant Louise Françoise nous réciter un poème. Sa petite figure était très concentrée, et je reconnaissais des mimiques qu'avait également Athénaïs lorsque nous étions jeunes. Repenser à ma sœur m'amena immédiatement à penser aux sorcières qu'elle allait voir.

Je ne savais que faire. Devais-je me taire ? Car si je parlais, qui pourrait bien me croire ? Tous allaient penser que je ne souhaitais que faire du tort à ma sœur, qui était bien plus belle, intelligente, charmante, et pleine de pouvoirs que moi. Oui, c'était sûr. Personne ne me croirait. Et certainement pas la principale victime, à savoir Louis.

Une profonde tristesse m'envahit, mais je la repoussai, comme à chaque fois. Et tout comme je le faisais avec mes nausées.

« - Alors, Lottie ? Comment étais-je ? »

Je reportai mon attention sur Louise Françoise, m'en voulant de ne pas l'avoir vraiment écoutée. Mais j'étirai un sourire tendre, et acquiesçai :

« - C'était très bien ma puce.

- Merci Lottie ! »

Elle courut se jeter dans mes bras. Et j'entendis soudain derrière nous :

« - Tu es aussi douée que Lottie quand elle était jeune. »

J'écarquillai les yeux en reconnaissant la voix de Geoffroy. Brusquement, je lâchai la petite, et me retournai vivement. C'était bien mon frère, qui se tenait devant la porte, la mine hésitante. Sans réfléchir, je me relevai avec des gestes précipités, et me jetai dans ses bras :

« - Geoffroy ! »

Je m'agrippai à lui en balbutiant :

« - Je suis tellement désolée de t'avoir dit tout cela ! Je me suis montrée tellement ingrate, et...

- Et rien, me coupa-t-il. Tu n'as fait que me dire la vérité, et ce que tu retenais depuis des années. Je ne peux pas comprendre à quel point tu as souffert durant toutes ces années, et je ne le pourrais jamais.

- Mais tu es le seul qui m'aies soutenue, et... Et je t'ai envoyé paître, comme si... Comme si tu étais Athénaïs ! »

Je relevai la tête pour le fixer en face :

« - Je ne veux pas te perdre Geoffroy, tu es la personne qui m'est la plus chère. Tu es mon ami, mon confident, et mon frère.

- Je le sais, ma Lottie. Et j'ai réfléchis à tout ce que tu m'avais dit. »

Son ton devint sérieux :

« - Je sais à quel point la solitude te pèse. Alors... J'ai proposé à mes amis de venir jouer de la musique demain. »

Je fronçai les sourcils, avant de me souvenir de sa proposition. Comme cela remontait à loin ! Et malgré l'enthousiasme mitigé que cela suscitait en moi, j'eus un grand sourire :

« - Merci, tu es le meilleur ! Cela fera également très plaisir aux petits, j'en suis sûre !

- Qu'est-ce qui nous ferait plaisir ? »

Je lâchai mon frère et me retournai vers Louise Françoise pour m'accroupir en face d'elle. Je lui expliquai en tâchant d'être claire :

« - Demain, des amis de mon frère vont venir jouer un peu de musique.

- Oh, chouette ! »

Elle en trépignait de joie, sautillant presque sur le tapis. Un sourire attendri m'échappa, et je la pris dans mes bras pour embrasser ses joues, avant de lui sourire de plus belle :

« - Que dirais-tu d'aller prévenir tes frères et sœurs ?

- J'y cours ! »

Tout heureuse, elle s'esquiva, et sortit de la pièce.

Lentement, je me retournai pour faire face à mon frère, qui m'observait en souriant. Il finit par m'embrasser sur le front :

« - Moi non plus, je ne veux pas te perdre, ma Lottie. Je suis ravi que mon initiative te plaise. Et Gabriel sera là.

- Gabriel ? »

Je fronçai les sourcils, ne me souvenant plus de cet homme. Devant ma surprise, Geoffroy s'empressa de frapper dans ses mains :

« - Mais si, Gabriel ! Je t'avais parlé de lui ! Il joue très bien du violon, et est très beau garçon... »

Mon sourire se crispa, mais j'écoutai malgré tout mon frère me vanter les mérites de cet homme :

« - Il est blond, avec de superbes yeux bleus. Je pense qu'il est peut-être un peu plus grand que moi, et surtout, il est très gentil. Il n'a jamais un mot plus haut que l'autre, et est très doux. En fait, il me fait par moment penser à toi. »

Il caressa doucement ma joue, avant de me prendre dans ses bras et d'embrasser mon nez :

« - Je sais qu'il ne pourra jamais remplacer Louis. Mais je t'en prie... Ne te renferme pas sur toi-même. Ton histoire avec le roi t'a appris ce qu'étaient l'amour, les sensations que cela provoque en nous, sûrement le plaisir, sa voix devint légèrement honteuse. Cela a été une expérience. Mais d'autres hommes seront sans aucun doute impatients de prendre la place qu'il a laissée vide. »

Je déglutis difficilement, sidérée par sa volonté de me rendre heureuse, et de me marier. Et je balbutiai :

« - Mais comment peux-tu être aussi sûr qu'il finira par m'épouser, ce Gabriel ?

- Parce que, au détour d'une conversation, il nous a décrit sa femme idéale. Et tu lui corresponds sur de nombreux points. »

Moi ? La femme idéale d'un homme ? C'était impossible. J'eus un rire nerveux, avant de secouer la tête :

« - Non, tu dois te tromper.

- Je t'assure. Il cherche une femme douce, intelligente, point trop sûre d'elle pour ne pas qu'elle soit hautaine, belle, et gentille.

- Je ne suis ni belle ni intelligente. »

Geoffroy eut un soupir agacé, avant de secouer mon menton :

« - Lottie, tu as attiré l'œil du souverain de ce pays ! Alors si, tu es un minimum belle. Et je sais que tu es intelligente. Tu n'oses juste pas te l'avouer. »

J'avalai lentement ma salive, et finis par hausser les épaules. Je n'y croyais pas.

Et alors que mon frère allait répliquer, une voix derrière lui nous interrompit :

« - Charlotte Rochechouart de Mortemart ? »

Le ton était sentencieux. Je sentis les battements de mon cœur s'accélérer tandis que je me détachais de Geoffroy, qui se retourna.

Un garde en livrée royale se tenait face à nous. Il s'inclina brièvement, avant de planter son regard dans le mien :

« - Sa Majesté demande à vous voir le plus vite possible. Elle vous attend dans le petit salon.

- Me... Me voir ? Moi ? »

L'homme eut une mimique agacée, comme si mon apparente stupidité l'énervait :

« - Oui, vous. »

Il s'inclina encore une fois, avant de partir.

Aussitôt, je me tournai vers Geoffroy, les yeux agrandis par la panique :

« - Mais pourquoi ? Que me veut-il ? Qu'ai-je fait de mal ?

- Lottie, calme-toi. »

La panique emplissait mon cœur et ma gorge, et je me sentis soudain faible. Je m'agrippai à mon frère, qui prit mon visage entre ses mains pour coller mon front au sien :

« - Lottie. Respire calmement. Il ne va rien t'arriver.

- Mais pourquoi veux-t-il me voir ?!

- Je n'en sais rien. Mais s'il avait voulu t'exiler, il ne t'aurait certainement point parlé avant. »

Il avait raison. Alors je pris une profonde inspiration, et lui demandai dans un murmure :

« - Reste là, je t'en prie !

- Oui, je t'attendrai dans la salle de jeux, avec les enfants.

- Merci... »

Geoffroy me serra dans ses bras de toutes ses forces, brièvement, avant de me relâcher, et d'embrasser mon front :

« - Allez, vas-y. Tu ne crains rien. »

Lentement, je m'éloignai de lui, le cœur battant. Je sentais le sang battre dans mes tempes au rythme de mes pas, chacun d'eux me rapprochant un peu plus du petit salon.

Parvenue devant la porte, je crispai mes mains sur la poignée. Et avant de ne plus en avoir la force, je la tournai, et pénétrai dans la pièce.


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Hey !

Je poste matinalement à cause d'un partiel prévu le samedi matin... xD


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