[PROLOGUE]
Le « Bip » retentit.
Le bruit sourd de l'interphone continua de siffler durant plusieurs longues secondes avant de s'atténuer une nouvelle fois. Une dernière fois. L'entrée ne s'ouvrit jamais.
Mes mains tapèrent frénétiquement contre la vitre mais l'impact sur la paroi épaisse n'émit aucun son. Mon dos heurta la porte et me décrocha une grimace. Toutes mes forces m'échappaient. Le destin m'avait englouti comme une tempête qui emporterait ses navires. J'allais atteindre le fond. Attaché à mes chevilles, un boulet lourd et puissant m'entraînait malgré mes efforts jusqu'au sol sableux de l'abîme.
Mes jambes cédèrent sous le joug des pulsations de mon cœur. L'afflux de sang palpitait jusque dans mes tempes et rythmait mes tremblements. L'empreinte de mes pieds nus agrippaient des particules de terre salissant et ternissant le bout de mes orteils. Puis la tête tombant peu à peu vers l'arrière, le plexiglas de la porte rattrapa mon crâne. J'étais perdu ! Des menottes invisibles m'immobilisait, un couteau greffé dans mon dos m'empêchait d'espérer. Les larmes roulaient sur mes joues tandis que ma respiration saccadée n'arrivait plus à se calmer. Mes cheveux gras collaient sur mon front, ma nuque me brûlait, la fatigue de ce sprint commençait tout juste à se faire sentir.
Et ma tête tournait fortement.
Une nausée profonde grimpait le long de ma gorge nouée et contaminait mes papilles. Je devais m'allonger, je devais faire quelque chose. Je n'avais plus d'allure, plus de sourire, plus d'envie. Je grimaçai de tristesse tel un monstre de foire, tous les traits de mon visage se déformaient. Mes yeux bouffis ne perlaient que des amorces de gouttes. Je n'avais plus de larmes, mon corps venait de se vider de tout. Je n'étais plus rien... Un garçon pathétique dans une situation déplorable...
Aurais-je dû comprendre et le quitter avant ça ? Avais-je manqué ses appels à l'aide ? Etais-je à l'origine de ce retournement soudain ?
Les souvenirs allaient et repartaient dans ma tête, des images défilaient devant mes yeux et minute après minute, j'abdiquai. Cela faisait des mois qu'il me poussait à rompre et pourtant, j'étais resté. Il m'avait prévenu. Je ne pouvais me résoudre à le qualifier de monstre mais que pouvait-il bien être s'il n'en était pas un ? Était-ce humain de faire subir cela à la personne qui compte le plus pour soi ? Je l'aimais, passionnément et aveuglément. Je l'aimais et je me détestais.
Je le détestais.
Il était à la fois la meilleure et la pire des choses qui m'étaient arrivées durant ces dix-huit longues années d'existence.
Les idées se bousculaient dans ma tête. La Lune arrondi au milieu de ce drap noir continuait de me lorgner sans dire mot. Les réverbères de la ville éteinte illuminaient le trottoir et dessinaient sur le sol, une ombre difforme de ma personne
— Est-ce que c'est toi, Lucas ?
Ma tête se redressa alors qu'un espoir venait enfin de m'apparaître. Je connaissais cette voix, ce timbre, cette détresse.
Je ne compris pas aussitôt que c'était lui.
Puis un frisson me parcourut soudainement le bras et fit redoubler mes palpitations. Je la connaissais, oui. Mon prédateur se trouvait à quelques mètres de moi. Mon sourcil bondit au-dessus de mon œil. Je me levai avec peine sur mes frêles jambes, tentant de concentrer mon esprit sur un unique point : fuir là-bas, le plus loin que je pouvais. Atteindre l'horizon pour ne plus entendre cette voix qui me terrifiait autant qu'elle m'appelait. Sans hésiter, je fixai le bout de l'avenue avant de déguerpir de la résidence d'appartements.
Cela restât le dernier souvenir que je gardai de lui car jamais de ma course, je n'osai me retourner pour le confronter ou au moins voir si j'avais réussi à le semer.
Et pour signifier ma présence, je hurlai.
La bouche béante et ma voix brisée dût réveiller le voisinage entier mais quelqu'un devait savoir mon urgence.
Tout ce qui se déroula ensuite devint flou dans mon esprit... J'avais vu un homme intervenir. Je ne savais plus d'où il était venu, je ne savais plus à quoi il ressemblait mais cela m'importait peu. Ce sauveteur inopiné s'interposa et me remonta à la surface. Ses mains sous mes épaules, il devint ma nouvelle bouée, la béquille qui me permit de tenir jusqu'à mon arrivée à l'hôpital.
Un crissement de frein sourd résonna dans le quartier et des bruits portières s'ajoutèrent à mon désarroi. Cette soirée idyllique s'était métamorphosée en une nuit dantesque. Les néons rouges et bleus des sirènes dansaient au-dessus des voitures policières et un cri fendit l'obscurité.
C'était lui.
Je reconnaissais cette détresse, cette puissance.
Eliott venait de crier. Eliott avait perdu la tête. Il avait déshonoré trois choses ce soir-là. Son regard noir et animal plongé dans le mien, une image frappante qui hanterait pour toujours mes nuits, je vis des gendarmes l'enterrer dans une de leurs voitures. Eliott ne reviendrait pas.
Sa liberté, sa raison et mon amour à son égard venaient de lui être confisqués...
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Et on se retrouve dans quelques temps pour une réecriture de ce roman...
Mon tout premier roman !
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