Chapitre XXXI

PDV Sara

Je suis de retour à Sicile, prête à affronter la Cosa Nostra et prête à affronter Angelo.

Je ne vais pas me mentir mais j'ai hâte de terminer ce problème une fois pour toute. Je dois savoir, je dois récolter des informations.

Je suis ici au nom de mon frère Santos et si Carlos a raison, si c'est Matteo Romano qui a tué mon grand frère sous l'ordre d'Angelo, je reviendrais à mon premier objectif : le tuer.

Ça me fera mal au cœur mais pas autant que la mort de mon frère.

Emilia m'aide à m'installer dans le nouveau loft et elle range mes vêtements dans le dressing tout en me racontant ses dernières péripéties . Je l'écoute à peine et je place l'étui de mon violon sous mon lit. Je perds l'équilibre. Je tombe lourdement sur le parquet et une douleur apparaît au niveau de mes chevilles.

Alertée, Emilia vient à mon secours et m'aide à me relever.

Je n'aime pas comment elle se comporte. C'était comme si j'étais un enfant. J'en ai marre qu'on soit toujours auprès de moi et de veiller à mes faits et gestes.

— Daniela, tu dois reprendre des forces, me conseille Emilia avec une mine triste. Tu tiens à peine sur tes deux jambes.

— Je vais bien, dis-je sèchement et me dégageant de son emprise.

Un air peiné passe sur son visage d'ange et je regrette aussitôt mes mots.

Je pousse un soupir et me laisse tomber sur le matelas.

— Désolée, je suis à bout. Le décès de mon frère et maintenant ça... je...

— Tu ? insiste-elle.

— Je veux revoir Angelo parce qu'il me manque énormément mais les mots de Carlos me rappellent à l'ordre. Angelo est capable de faire un truc pareil...

Je chuchote mes derniers mots et je change de sujet.

— Enfin bref. Je préfère penser à autre chose. Tu sais ce qu'il s'est arrivé à Bianca ? Elle me semble différente.

Emilia soupire tristement et s'assoit près de moi.

J'ai remarqué depuis quelques jours que Bianca n'est pas dans son état normal. Je pensais qu'au départ c'était sûrement à cause de moi. Je mets sans cesse en danger la vie de son petit-copain et elle doit sûrement me détester mais j'ai l'impression que c'est plus que ça.

— Tu te rappelles du jour quand tu as tué Adam ? Il s'avère qu'elle était enceinte. Elle a perdu l'embryon sous les coups d'Adam, m'avoue-t-elle. Elle avait appris qu'elle était enceinte quelques jours avant et voulait faire la surprise à Enzo, mais...

Elle s'arrête et je baisse la tête, désolée pour Bianca.

Elle devait être attachée à ce petit-être pour qu'elle soit dans cet état.

— Depuis ce jour, elle passe ses journées dans la salle de sport. J'ai essayé de lui faire changer d'idée mais elle reste dans sa dépression. Alors, je me demande si tu peux...

Je me lève brusquement et m'éloigne d'elle. Elle va me demander si je peux aider Bianca, mais je ne peux pas.

Je suis toujours en deuil, j'ai du mal à tourner la page et j'ai du mal à me supporter.

Je m'adosse près de la fenêtre et observe la rue vide.

— Hors de question, Emilia, je réplique vivement. C'est à cause de moi que Bianca a perdu son enfant et puis, on n'est pas si proche que ça. Je ne peux rien pour elle.

Emilia hoche la tête, contrariée, mais elle ne dit rien. Elle doit accepter le fait que je ne peux rien faire pour sa belle-sœur.

— Elle s'en remettra, comme moi. Parfois, on a besoin de solitude pour guérir. Si Bianca a besoin de vous, elle fera appel à vous mais il ne faut pas la forcer.

Emilia médite à mes paroles jusqu'à ce que son téléphone émet un son. Elle reste sur son téléphone pendant quelques secondes avant de se lever sur ses grandes jambes.

— Je dois rejoindre une amie. Ça ne te dérange pas ?

Je secoue ma tête et l'incite à partir. J'ai besoin d'être seule et j'apprécie beaucoup Emilia mais parfois son excès d'excitation a le don de me péter les couilles.

Une fois seule, je finis à ranger mes vêtements dans le dressing.

**

Quelques jours plus tard.

Les jours qui précèdent, je les passe dans ma nouvelle chambre. Enzo me force à faire du sport avec lui mais je n'ai pas la force ni le moral. Aujourd'hui, il n'a pas trop insisté et je le remercie. La dernière fois qu'il m'a réellement forcé à pratiquer le sport avec lui c'était quand il m'a balancé sur son épaule comme si j'étais un putain de sac à patate.

Mais il a vite regretté son action. Je l'ai giflé et je sais qu'il ne recommencera plus.

Mais aujourd'hui est un miracle. De mon plein gré, je sors de ma chambre pour prendre mon dîner avec Enzo et ses proches. En m'approchant du salon, je l'entends parler au téléphone et le prénom de Matteo parvient à mes oreilles. J'arrête vivement mes pas et me cache derrière le mur qui me sépare du salon.

Je sais que Matteo est son ami mais le ton qu'il emploie, c'est comme s'il avait peur que j'entende sa conversation. Il chuchote presque avec Matteo.

— Matteo, je ne peux pas sortir. J'ai deux dépressives sur les épaules alors, ne me demande pas de venir avec toi. Ouais... d'accord... Non, elle n'est pas prête. Il est préférable que je la laisse ici.

Je hausse un sourcil et pose l'arrière de mon crâne contre le mur. Elle ? Parle-t-il de Bianca ou de moi ? Dans mes souvenirs, il y a deux dépressives dans le loft... à moins qu'ils parlent d'Emilia.

Et où Matteo veut qu'Enzo parte ?

J'attends la fin de la conversation téléphonique pour entrer dans le salon. Je sens le regard surpris d'Enzo et je passe droit devant lui, en l'ignorant complètement. Je m'installe à la table et commence à manger sans prendre la peine d' attendre les autres.

— Qui es-tu ? Tu as enfin décidé de sortir de ta chambre ? se moque Enzo en s'installant en face de moi.

— Et toi, qui es-tu ? Es-tu de mon côté ou bien vas-tu me trahir aussi ?

Je lui parle avec un ton sec. Je daigne lever mes yeux vers lui et il semble comprendre que j'ai entendu sa conversation téléphonique avec ce Matteo.

— Daniela...

— C'est Sara mon prénom. Je suis ici en tant que Sara et non cette putain de Daniela ! Daniela n'a jamais existé.

— Sara, Matteo n'est pas ce que tu crois. Il n'a... Il n'a jamais tué ton frère.

Je ris ironiquement.

Alors ces photos que Carlos m'a donné étaient fausses ? C'était des montages ?

Ce jour-là, les caméras de surveillance ont été piratées. C'est bizarre, non ?

Je ne crois pas aux coïncidences. Matteo était présent, ce jour-là, chez moi. Il était à côté de la fenêtre du bureau de Santos.

Je ne réponds pas et me force à manger ce poulet qui pourtant, est délicieux.

— Je dois partir, m'annonce tristement Enzo. Promis, je te dirai tout à mon retour.

Je reste silencieuse et Enzo pousse un soupir avant de s'en aller. Une fois la porte fermée, je recule mon assiette et passe une main nerveuse dans mes cheveux.

Et si Enzo me mentait depuis le début ? Pourquoi cherche-t-il à m'aider ? Il gagnera quoi à la fin ?

À mon arrivée à Sicile, Enzo et Bianca ont surmonté beaucoup d'obstacles surtout cette fausse couche. C'est à cause de moi que Bianca a perdu son bébé et je comprends tout à fait que celle-ci m'évite comme de la peste. Elle me déteste.

Mais son petit-copain, non.

Et s'il a retourné sa veste ? Enzo peut bien me dénoncer à Angelo pour sauver sa peau...

Si je suis revenue à Sicile, c'est pour mon frère. Matteo paiera très cher pour ce qu'il a fait... ainsi qu'Angelo.

Je retourne dans ma chambre et joue à nouveau au violon. Comme d'habitude, je ferme les yeux et laisse mes doigts glisser sur les cordes. Je me laisse emporter par la mélodie. J'ai besoin d'évacuer ce stress, cette tristesse et cette colère.

Le violon est un remède. C'est mon médicament. Seul lui m'aide à faire le deuil de mon frère et je sens déjà ses effets.

Je passe des heures et des heures à jouer tous les morceaux que je connais par cœur. En jouant, des souvenirs enterrés dans mon âme surgissent dans mon esprit. Celui qui passe actuellement dans ma tête c'était quand j'ai joué du violon devant mon premier public.

Et mon premier public était mon frère.

Je m'en rappelle encore de son regard rempli de fierté, il avait même les larmes aux yeux. Son regard m'a tellement donné confiance en moi, Santos a toujours été derrière moi et m'incitait à réaliser ce que je voulais vraiment.

C'était magnifique, Sara ! Je préfère te voir avec ce sourire, t'es beaucoup plus belle, me complimentait-il suivit d'un sourire franc.

Arrête ! Tu mens ! criais-je en le poussant à l'épaule, gênée.

En rigolant, il me prenait dans ses bras et me tournoyait dans les airs. Mon rire se mêlait au sien...

Ce doux souvenir s'efface progressivement pour imposer cette horrible image du cadavre de mon frère. Du sang, beaucoup de sang. J'entends encore les gouttes de sang qui s'éclatent contre le parquet mais cette image me hante encore et encore.

Mon coeur se serre douloureusement tandis que je commence à respirer bruyamment. L'air manque dans mes poumons et je me crie intérieurement pour que j'ouvre les yeux et que j'arrête de jouer. Mon corps n'est plus connecté à mon cerveau et j'ai peur. J'ai peur de mourir. J'ai peur si j'arrête pas et que je me laisse mourir.

Tout à coup, je sens une présence imposante. Cette présence. Une odeur musquée me titille le nez et comme si je me réveille d'un cauchemar, j'ouvre mes yeux et reprends mon souffle. J'entends des pas lourds se diriger dans ma direction et mon corps commence à trembler.

C'est lui.

Et je veux pas le revoir. Je ne veux pas le confronter à nouveau.

— Daniela, tu m'as tellement manqué.

Je pivote lentement dans sa direction avant de plonger dans ses prunelles orageuses et froides. Cette froideur laisse place à une autre chose, à quelque chose de doux et j'aime bien comment il me regarde.

Je me rappelle alors qui il est réellement et je reprends mon masque froid.

— Angelo ?

Que fait-il ici ? Qu'est-ce qu'il me veut ?

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