Chapitre XLII
La soirée se passe bien et je suis heureuse de retrouver mes amis et ma famille. Ça fait très longtemps que je ne me suis pas sentie entourée de personnes qui m'aiment. Je croyais que ma seule et dernière famille était uniquement mon père mais j'avais oublié que j'ai une grande famille et c'est grâce à Elina que je ne sombre pas dans une dépression.
Ma belle-sœur m'a soutenue et je regrette de l'avoir mal jugée au début de notre rencontre. Cette femme est unique et je comprends finalement le choix de mon frère. Il méritait tellement Elina et sa petite fille.
Enzo me raconte comment il s'est enfui de la Sicile avec sa famille et je me sens coupable de ce qu'ils ont dû traverser. Ils étaient poursuivis par les gardes d'Angelo.
— Mais bon, on est toujours vivants ! Regarde, j'ai toujours mes deux pieds et je suis toujours beau, s'exclame Enzo en tournant sur lui-même pour se la péter.
— Et je remarque que tu es toujours idiot, dis-je ce qui fais rire Bianca et Emilia.
Enzo me donne un petit coup à l'épaule.
— Il ne fallait pas que vous vous déplacez jusqu'à chez moi. Vous pourrez vous mettre à nouveau en danger. Je suis tellement désolée, c'est à cause de moi si vous passerez votre vie à fuir.
— Je suis désolé envers moi-même pour ne pas avoir vu clair dans le jeu de Carlos, soupire Enzo.
Nous restons silencieux pendant quelques secondes. Voyons le bon côté des choses, nous sommes toujours vivants et Angelo n'a pas toujours lancé une tentative de vengeance. Pendant ces deux derniers mois, je n'ai eu aucune nouvelle de lui et honnêtement, il vaut mieux que je ne sache rien.
Ça m'a pris trois semaines pour que je me rétablisse de ma peine de cœur. La douleur est toujours présente mais j'évite de trop penser. Elina m'a soutenu durant cette petite période de dépression et j'ai beaucoup médité pour me sentir bien. À l'École du Dragon, on nous apprenait à méditer pour faire le tri dans nos pensées.
Mais en ce moment même, ma pensée se tourne vers Angelo et je me sens honteuse de lui avoir menti.
— Donc, mademoiselle la mafieuse, qu'est-ce que ça fait de devenir une vraie mafieuse ? demande Emilia pour changer de sujet.
Je termine mon verre de champagne et tique sur le mot « mafieuse ».
— Je me sens comme une star... Sans déconner, je ne sais pas. Au fond de moi, je sais que j'allais devenir la tête de la Mafia Moretti et ce n'est pas si compliqué à gérer.
— Ma pauvre, tu dois avoir beaucoup de charges sur tes épaules, souffle Bianca.
Je souris.
— Exact mais je ne suis pas la seule à gérer tout ce merdier. J'ai America et Diego à mes côtés. Le pouvoir est partagé et c'est mieux ainsi.
Enzo m'accoste et passe une main dans ses cheveux avant d'aborder un air aguicheur. Avec les filles, on s'échange un regard confus avant de se focaliser sur cet imbécile.
Qu'est-ce qu'il fout ?
— Tu sais Sara, je suis quand même ton frère alors il n'y a pas moyen que tu m'achètes une île où je pourrai vivre avec Bianca ? D'ailleurs tu peux aussi kidnapper pour moi Penélope Cruz ? Je suis un très grand fan d'elle.
Je cligne plusieurs fois des yeux avant d'éclater de rire.
Bon, on dirait qu'il a trop abusé de l'alcool.
Je tourne ma tête vers sa petite-amie qui n'est pas dans la même humeur que moi. Au contraire, Bianca est en train de fusiller du regard Enzo.
— Sara, je peux te parler ?
Je me calme et porte mon attention sur Elina qui berce sa fille entre ses bras.
— Oui ?
— Oncle Lino souhaite te parler en privé. Il t'attend sous le gazebo, m'informe-t-elle avant de désigner le jardin.
Je fronce mes sourcils mais hoche la tête. Je cherche du regard oncle Lino dans le salon mais il est absent. Il doit alors vraiment m'attendre dans le jardin et je me pose la question ce qu'il a à me dire. Je m'excuse auprès de mes convives et sors du salon par la baie vitrée.
Je me sens tout à coup anxieuse et j'essuie mes mains moites sur ma robe. Oncle Lino est l'aîné de cette famille, il est le grand frère de ma mère et honnêtement, il est très sévère. Je dois m'attendre au pire avec lui et ça me stresse qu'il souhaite me parler en privé. Mais je préfère ça au lieu qu'il me ridiculise devant toute la famille.
On dirait que j'ai fait quelque chose de mal.
Je rassemble tout mon courage et contourne la piscine avant d'emprunter un petit chemin éclairé par des petits spots. Je marche avec difficulté dans les graviers et j'atteins le gazebo... qui est vide.
Bon OK, oncle Lino n'est pas là.
J'entre dans le gazebo, méfiante et découvre une petite table où est installé un échiquier. Parce que oncle Lino joue aussi à l'échiquier ?
Il a voulu que je me déplace jusqu'à lui... pour jouer ?
C'est bizarre, vraiment bizarre. Je jette un coup d'œil autour de moi avant de m'installer silencieusement. Bon si mon oncle ne se pointe pas avant cinq minutes, je me tire d'ici. J'entremêle nerveusement mes doigts et écoute le chant horrible des criquets mais les minutes passent et toujours aucune nouvelle de mon oncle.
Je me fais à l'idée qu'il s'est sûrement perdu dans le jardin ou du moins, il n'a jamais voulu me parler en privé et que c'était une farce d'Elina.
Je pousse un soupir frustré et quand je m'apprête à me lever, j'entends des pas lourds sur le bois avant qu'une masse d'ombre s'impose sous mes yeux. Je lève lentement mon regard avant de croiser ce regard. Ce regard orageux qui m'a hanté ces deux derniers mois. Ce regard que j'ai essayé d'oublier mais ce fût un échec.
Il s'assit en face de moi et esquisse un sourire en coin. J'ai l'impression que mon cœur s'est arrêté de battre et je crois que je suis victime d'une hallucination. Je secoue ma tête en fermant les yeux puis je les ouvre à nouveau. Bordel, le champagne était vraiment fort pour me créer des hallucinations ?
Mais je le vois toujours.
— Bonsoir, Sara, s'exclame Angelo avec une voix envoûtante.
Angelo est vraiment devant moi et heureusement que je suis assise car si c'était le contraire, je mangerai le sol.
— Qu..qu'est-ce que tu fais ici ? je souffle, étourdie.
Il ne répond pas et se focalise sur l'échiquier avant de placer un pion. Je comprends que je dois jouer et avec une main tremblante, je place aussi un pion.
Je ne comprends pas pourquoi il est ici. Qu'est-ce qu'il veut ? Après deux mois, je croyais que je ne le reverrai plus jamais. Mais le voir de nouveau me procure une sensation étrange dans mon ventre.
Je suis heureuse de le revoir mais je suis aussi ravagée par la honte et la peur.
C'est toujours dans un silence que nous continuons à jouer mais cette situation malaisante commence à m'agacer. Lorsque c'est mon tour à placer un pion, je lève ma tête dans la direction d'Angelo et le regarde intensément. Interloqué, il m'observe.
— Comment es-tu venu ici et qu'est-ce que tu fais ici, chez moi ? je demande en articulant chaque mot.
Il arque un sourcil et ses lèvres étirent un petit sourire avant qu'il se dissipe. Il attrape une mallette, la dépose sur la table et l'ouvre. Il glisse un dossier dans ma direction et méfiante, je le prends avant de le consulter.
— Je tiens à réaliser le projet de nos parents. Cette alliance est importante pour moi et ça pourrait enfin rallier nos deux familles. C'était le souhait de nos parents.
Je respire bruyamment et remarque qu'Angelo a déjà signé le contrat.
Qu'est-ce qu'il mijote ?
— J'avoue que j'ai du mal à capter. Tu essaies de me dire que tu veux toujours cette alliance ? Après tout ce que je t'ai fait ?
J'ose pas le regarder dans les yeux et tapote mes doigts contre la table.
— Après que tu m'aie trahi ? Oui, je veux toujours cette alliance. Il est bénéfique dans les deux camps, lâche-t-il vivement.
Je grimace et je me sens blessée par sa pique.
Mais je le mérite après tout ce que je lui ai fait endurer .
Mais moi, est-ce que je veux cette alliance ? Angelo a raison, cette alliance est bénéfique pour moi mais je ne comprends pas la situation. Et si c'était un piège ? Et puis, il a toutes les raisons pour me piéger...
Je lui ai fait tellement de mal et que je n'ai pas les couilles pour le regarder droit dans les yeux.
Un stylo apparaît sous mes yeux et ma vue se brouille à cause des larmes. J'attrape le stylo et signe rapidement les documents avant de quitter le gazebo. Je ne sais pas où je vais mais j'ai besoin de partir loin de lui.
Je ne retiens pas mes larmes qui dévalent une à une sur mes joues. Mon cœur se serre douloureusement dans ma poitrine et j'ai l'impression d'avoir laissé une partie de moi auprès de lui.
— Alors, t'abandonnes ? Tu décides d'être une lâche ? je l'entends crier derrière moi.
Je m'arrête dans la foulée et serre mes poings. Je ne suis pas une lâche.
— Répète ce que tu m'as dit.
Je me tourne lentement dans sa direction et le vois avec un sourire en coin. Il connaît mon point faible mais c'est dommage pour lui, j'ai une fierté.
— Pourquoi t'enfuir ? Pourquoi t'éloigner de moi ?
Je passe une main dans mes cheveux et regarde le jardin comme pour trouver une réponse.
— Parce que j'ai honte de ce que je t'ai fait ! Comment pourrais-je te regarder droit dans les yeux après tout ce qu'il s'est passé entre nous ? Je t'ai menti, je t'ai trahi et je me déteste assez pour ça.
— Et je t'ai détesté aussi, m'avoue-t-il en faisant un pas dans ma direction.
Je me tends et m'apprête à reculer avant de me raviser.
Je ne suis pas une lâche.
— J'ai tellement honte que je n'arrive plus à me regarder dans un miroir et... et te revoir ici, après deux mois... c'est irréel.
Angelo s'avance encore dans ma direction.
— Je suis venu ici parce que je suis égoïste, Sara. J'ai toujours été égoïste. Crois-moi, j'ai essayé de te renier de ma vie, j'ai essayé de te détester mais les sentiments prenaient toujours le dessus. Je t'aime et ça n'a jamais arrêté . Tu as complètement envahi ma vie et tu as laissé un fossé, ici.
Il pose sa main sur sa poitrine où se trouve son cœur.
Je retrousse mes lèvres et détourne les yeux. Ma tête se met à tourner et je me force à lui tourner le dos.
Finalement, je suis une lâche.
Je marche rapidement vers la fontaine du jardin et j'entends toujours ses pas me suivre. Comment veut-il toujours de moi ?
Je m'arrête et serre mes poings pour canaliser cette envie de tout exploser.
— C'était une mission, une mission qui n'aurait jamais dû exister mais les sentiments se sont mêlés et je suis tombée amoureuse de toi, Angelo. Je le suis toujours et ça me tue de te voir souffrir à cause de moi ! J'étais perdue entre mes sentiments et les mensonges et tout est retombé sur toi. J'en suis incapable de te blesser à nouveau...
Tout à coup, je sens son corps se coller contre le mien. Dos à lui, je me tends tandis que ses bras serpentent autour de moi. Son souffle chaud s'échoue sur ma nuque et il pose son menton sur mon épaule. Je m'accroche à un de ses bras comme une bouée. Mes muscles se lâchent peu à peu et je ferme les yeux, appréciant à nouveau son toucher et sa présence.
Son corps diffuse une aura qui m'apaise et je retrouve cette sensation d'être en sécurité avec lui et que rien ne puisse nous atteindre.
— J'en suis incapable de te blesser à nouveau car je t'aime, Angelo, je chuchote difficilement. Je ne pourrai pas te remplacer parce que tu as une grande place dans ma tête et dans mon cœur.
Il me fait tourner dans sa direction et j'ouvre les yeux. Avec ses pouces, il essuie mes larmes avant de poser ses mains sur mes joues pour que je le regarde dans les yeux.
— Je suis égoïste Sara et je ne pourrai pas vivre sans toi. On ne va pas oublier les derniers événements mais nous les surmonterons ensemble. Je veux passer toutes les étapes de la vie avec toi. Je veux que nous nous aimions et que nous souffrions ensemble, déclare sérieusement Angelo. J'ai une promesse et je compte toujours la respecter.
Il enlève ses mains de mes joues et fouille dans sa veste avant de sortir un objet. Mes yeux tombent sur cet écrin que j'ai déjà vu autrefois. Cet écrin.
Il l'ouvre lentement et je retrouve la bague que j'avais du mal à me séparer. C'était avec cette bague qu'Angelo m'a demandé de l'épouser.
Il attrape ma main gauche et je pose mon autre main sur ma bouche pour retenir un hoquet. Je remarque que la sienne est tremblante montrant son anxiété mais il arrive à passer la bague à mon annulaire. Le froid du métal me fait frissonner et je reste figée pendant de longues secondes en prenant conscience de ce qu'il se passe actuellement.
— J'ai sauté quelques étapes mais je suis impatient. Sara Moretti, veux-tu devenir ma femme et veux-tu me supporter jusqu'à ton dernier souffle ?
Je cligne plusieurs fois des yeux et plonge mes yeux dans ceux du mafieux qui attend ma réponse avec angoisse.
Il veut que je devienne à nouveau sa fiancée ?
Je hoche frénétiquement la tête, envahie par un immense sentiment.
— C'est oui... oui je veux devenir ta femme ! je déclare avec le cœur battant à la chamade.
Angelo sourit et ses yeux se mettent à briller. Il attrape mes mains et nous restons silencieux, nous observant comme la première quand nous nous sommes rencontrés.
— Idiota ! Embrasse-le avant que je te gifle ! J'en ai marre de filmer votre scène, ça me fout des crampes aux bras ! crie Farren de l'autre côté du jardin.
Je m'apprête à répliquer mais Angelo m'attire vers lui et plonge avec fougue ses lèvres sur les miennes. Je sens son envie de m'embrasser et après deux mois, nos lèvres se retrouvent et reprennent une danse frénétique. Notre baiser est fougueux, sauvage et féérique. Mes mains retrouvent sa nuque et je rends son baiser avec la même ténacité. Je veux qu'il sente à quel point il m'a manqué et à quel point je suis désolée de mes erreurs.
Nous nous séparons, haletants et je le souris sincèrement.
— Prêt à rencontrer ma famille, monsieur Canzano ?
Il caresse affectueusement ma joue en me regardant comme si j'étais une pierre précieuse.
— Je suis prêt à vous suivre, future madame Canzano, me souffle-t-il avant de sourire.
J'entrelace nos mains et prenant un grand souffle, nous partons vers ma famille qui n'a absolument pas manqué une miette de ce qu'il s'est passé.
Je l'ai retrouvé et je vais tenir cette fois-ci cette promesse qu'on s'est faite.
Je ne vais plus l'abandonner.
Plus jamais.
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