Chapitre XLI
Le visage de Carlos se déforme sous la colère et rit aux éclats avec une arme à feu pointée sur ma nièce qui pleure, sans comprendre la situation. Elle se tient entre ses deux parents morts sous les coups de Carlos et malheureusement, je ne peux rien y faire.
C'est comme si une force invisible m'empêche de faire un pas de plus. Je lutte et tente de courir dans la direction d'Hortensia pour la protéger de ce fou mais on me renverse en arrière. Ma tête se cogne douloureusement contre le sol et Carlos pose son regard sur moi.
— C'est à cause de toi, Sara... c'est à cause de toi si ton frère et ta belle-sœur sont morts, dit-il avant de rire sadiquement. Cette petite fille suivra le même destin.
— Carlos, ne fais pas ça !
Mais il m'écoute pas. Je me débats contre les liens imaginaires mais je m'épuise qu'autre chose. Je regarde Carlos se diriger lentement vers la petite fille et mon stress se double quand il pointe à nouveau son arme sur elle.
Des larmes coulent le long de mes joues et je retiens ma respiration quand Carlos tire sur Hortensia.
Il l'a fait...
Il l'a fait.
— NON !
Je crie de douleur tandis que mon parrain continue de rire encore et encore. Il disparaît dans un épais brouillard et mes cris se perdent dans le vide. Mes yeux restent ancrer sur ce petit corps qui tombent lourdement au sol et j'ai l'impression que mon monde s'écroule.
— Sara.
Cette voix...
Toujours en pleurs, je me tourne et croise un regard orageux. Ce regard.
Toujours impeccable dans sa tenue trois pièces, Angelo s'avance lentement vers moi, tel un félin. Je remarque sa main dégouliner de sang et je me mets à hurler encore et encore...
Je me réveille en sursaut et me retrouve dans l'obscurité de ma chambre. J'attrape ma tête entre mes mains et pousse un soupir soulagé mais ma peur est toujours présente.
Encore ces cauchemars...
Ce sont mes punitions.
Ces cauchemars sont tellement effrayants et à chaque fois, je me réveille en sueur avec la respiration saccadée. C'est pour cela que j'évite de m'endormir mais hier soir, j'étais tellement épuisée que je n'arrivais plus à lutter contre le sommeil.
Mais cette fois-ci, dans mon cauchemar il y avait lui, Angelo.
Il voulait me tuer.
Par réflexe, je tâtonne mon annulaire à la recherche de ma... bague.
La bague que j'ai rendu à Angelo il y a maintenant deux mois.
Je repense à son regard glacial de la dernière fois et je me sens tout à coup triste.
Je secoue ma tête et me glisse hors du lit. Aujourd'hui est l'anniversaire de ma nièce, alors je dois mettre de côté cette tristesse.
C'est une journée très chargée et l'heure que mon horloge m'indique, m'annonce que je suis déjà en retard à une de mes réunions avec les sous-boss. J'envoie un message à mon conseiller et attrape rapidement un tailleur bleu nuit avant de filer dans la salle de bain.
Je sors de la maison une demi-heure plus tard et me hâte d' entrer dans ma voiture mais Elina se poste devant moi, les sourcils froncés.
— Tu vas où comme ça ? Tu ne vas pas rater l'anniversaire de ta nièce quand même ? me demande-t-elle, suspicieuse.
— J'ai du pain sur la planche et pour rien au monde je raterai l'anniversaire d'Hortensia. Par contre, je risque de rentrer un peu tard...
Elina pousse un soupir et hoche la tête.
— Ce n'est pas grave, prends ton temps. Avec Hortensia on va décorer cette grande maison vide ! Quand tu seras de retour, ne te pose pas de questions pourquoi le personnel est habillé en licorne ou en Olaf.
Je ris.
— N'entrez surtout pas dans ma chambre ! je le préviens avec un regard lourd.
La rousse rigole et acquiesce avant de me laisser tranquille. J'entre dans la voiture et pars en direction de la réunion qui m'attend.
*
Un autre corps s'affaisse sur lui-même et je range mon arme à feu dans son étui. Dans un silence de mort, mon conseiller me tend un mouchoir que je prends avant d'essuyer les gouttes de sang sur mon visage.
— Il reste combien de personnes ?
— Cinq, Sara, me répond Diego. Mes hommes les pistent toujours mais quant à Maria, je dois la faire surveiller ou bien...
— C'est America qui se charge du cas de sa mère. N'entrons pas dans leur conflit.
Maria était la femme de Carlos et il s'avérait qu'elle participait aussi dans les manigances de son terrible mari. J'ai commencé à avoir des doutes sur America mais il a buté son père pour moi...
Je ne pense pas qu'il prendra le relais de son père, du moins, je ne l'espère pas.
Je jette un coup d'œil sur ma montre et il est vingt-et-une heures. La fête d'anniversaire a déjà commencé depuis un petit moment.
— Tu sais Diego, je suis heureuse que tu sois à mes côtés. T'es un gars bien. Ta femme doit être fière de toi. Au moins, tu es lié avec une personne jusqu'à ton dernier souffle, lui dis-je en jetant un coup d'œil à son alliance.
Diego lève son regard pétillant dans ma direction et me sourit.
— Tu trouveras aussi la bonne personne, Sara...
Je rigole franchement et sors de l'entrepôt suivit de près par mon conseiller.
Est-ce que je serai capable de remplacer cette seule et unique personne qui m'a réellement aimé ?
Au fond de moi, je ne veux pas remplacer Angelo. Il n'y a que lui qui hante mes pensées, je veux que lui... mais j'ai tout foiré.
Angelo ne veut plus de moi parce que je lui ai menti.
— Je suis amoureuse d'une personne qui ne veut pas de moi parce que je lui ai trop fait de mal. Seule cette personne m'avait fait sentir vivante et je me sentais tellement bien à ses côtés. Je ne pourrai jamais tourner la page parce que je l'aime encore, je raconte nostalgiquement.
Mon regard se perd sur la carrosserie de ma voiture et je secoue ma tête avant d'observer Diego qui me fixe toujours avec un grand sourire. Ça me terrifie, c'est comme s'il avait une idée derrière sa tête.
— Si cette personne t'aime réellement, elle pourra te pardonner et elle reviendra vers toi. Ce n'est juste qu'une question de temps.
C'est adorable comment Diego essaie de me donner espoir mais je ne vais pas me leurrer.
Angelo ne reviendra jamais.
Je parie actuellement, il est en train de noyer son chagrin à l'intérieur d'une fille qui a croisé au club.
Je ne relève pas et lui souhaite une bonne fin de semaine avant d'entrer dans ma voiture. Le chauffeur m'emmène à la villa. Je rentre à la maison et regarde bizarrement les employés déguisés en licorne...
Carrément, Elina est capable de tout pour rendre heureuse sa petite fille.
Je me retiens de rire et monte dans ma chambre pour me préparer. Je trouve une housse de vêtement sur mon lit et une fois la housse ouverte, j'ouvre ma bouche devant cette tenue, consternée.
Et moi qui voulais porter un simple jean et un débardeur...
Je prends entre mes mains cette longue robe rouge et cligne plusieurs fois des yeux. Plusieurs questions filent dans ma tête et la première qui arrive à se frayer un chemin entre mes lèvres c'est...
— On est invité au festival de Cannes ou ça se passe comment ?
J'entends la porte s'ouvrir derrière moi et distingue une petite voix qui chantonne une chanson de Mariah Carey.
— Oh tu es enfin arrivée ! La robe est belle n'est-ce pas ? s'exclame Elina, excitée.
Je me pose la question si c'est elle qui fête son anniversaire ou bien sa petite fille.
Je jette un coup d'œil à la robe bleue de ma belle-sœur. Contrairement à la chose que j'ai entre mes mains, la sienne est simple. Elle n'est pas tape à l'œil.
— Tu veux que je vole la vedette à ta fille ? Et puis, pourquoi cette robe ? On sera qu'à trois à la maison...
— Hmm, rectification : on a des invités.
— Des invités ? je répète, outrée.
Je m'étrangle presque et balance la robe sur mon lit.
— Et tu n'as pas pensé que c'était plus judicieux de me prévenir, Elina ?
— Aller, ne fais pas cette tête ! Tu vas voir, tu vas les adorer...
Elle laisse le suspens à son comble et ça a le don de m'agacer.
Résignée, je pousse un soupir avant de me réfugier dans la salle de bain avec la robe. Je prends ma douche et une fois en sous-vêtement, j'analyse une dernière fois cette robe avant de me glisser à l'intérieur. Je remonte la fermeture éclaire et m'observe dans le miroir suivit d'une grimace.
C'est une magnifique robe et je n'avais même pas remarqué qu'elle était fendue sur ma jambe droite. Pendant quelques secondes, j'ai cru être ma mère qui avait l'habitude de s'habiller si élégamment.
Mais ce n'est pas moi.
Je n'aime pas les robes, voire je les hais. Cette robe est belle et je vais me forcer à la porter pendant toute la soirée mais une fois la fête d'anniversaire terminée, je vais la jeter dans la cheminée.
Je me maquille légèrement avec du mascara et d'un gloss puis j'attache mes cheveux dans une queue-de-cheval. Je sors de la salle de bain et je remarque qu'Elina m'attend patiemment sur mon lit. Elle ouvre grands ses yeux verts et je crois lire de l'admiration sur son visage.
Elle s'apprête à parler mais je devance :
— Je suis déjà mal à l'aise, alors ne rajoute pas une couche avec tes compliments. Je m'en passerai.
Je me chausse de mes escarpins noirs et ma belle-sœur s'approche de moi.
— Allons-y, les invités ont hâte de te rencontrer !
Quel invité à hâte de me rencontrer ? La dernière fois que j'étais invitée à un gala, il y a un mois de cela, j'ai plutôt récolté un petit paquet de regards peiné et aguicheur. Personne n'apprécie ma présence, même le personnel ne supporte pas de rester dans la même pièce que moi.
— Tu me fais peur, Elina, je souffle en descendant les escaliers.
Une fois au rez-de-chaussée, elle me lance :
— Tu me remercieras plus tard.
— T'es pas net comme fille.
Elle hausse les épaules et nous entrons dans le salon. Mes pas s'arrêtent brusquement et mes yeux jonglent sur chaque personne présente dans le salon. Toute ma famille est là.
Mes oncles, mes tantes, mes cousins et cousines. Tout le monde est au grand complet.
Après tant d'années, je les revois.
Plusieurs sentiments contradictoires se cognent dans mon cœur et je ne sais pas quoi faire et quoi dire.
– Oh, des revenants...
– Par contre, je ne suis pas une revenante. J'étais toujours là, intervient Sorcha avant de m'enlacer. Insulte plutôt ses crétins qui sont partis sans nous donner des nouvelles.
Rael et Farren s'approchent de moi, totalement mal à l'aise. Avec mon cousin et ma cousine, on faisait les quatre cent coups à la maison. On était tellement proches, mais suite au décès de maman, ils ont quitté l'Espagne pour entamer leur deuil.
Le pire dans tout ça, je les détestais pour m'avoir abandonné.
– Eh bien, je vois que le petit blondinet qui avait peur des papillons est devenu un...biker, dis-je en remarquant le logo d'un phœnix sur le blouson de mon cousin.
– Sara, je suis désolé pour...
– Pas la peine. Tout le monde avait ses raisons pour quitter l'Espagne. Le plus important c'est que tout le monde aille bien.
Ils hochent la tête et je souris, ravie de retrouver ma famille.
— Je suis contente que tu sois devenue la cheffe de la mafia Moretti. Ce rôle te va à ravir, s'exclame Farren.
— Je suis née d'une mafieuse, il fallait s'y attendre.
— Je n'arrive pas à croire que tu es devenue mafieuse. La petite fille qui avait peur des gros escargots est devenue mafieuse, ricane Rael avant de se servir une bière.
Je hausse un sourcil avant d'éclater de rire.
— Elle a changé notre petite Sara, me défend Sorcha. À moins qu'elle ait toujours la phobie des escargots.
Elle se tourne dans ma direction avec un regard lourd et je déglutis, mal à l'aise.
— Orr c'est bon ! Je tue des escargots avec du sel.
— T'as vu ? J'ai toujours su que cette fille n'était pas nette, chuchote fortement Rael à Farren.
Celle-ci ricane et durant le reste de la soirée, on rattrape le temps perdu. J'oublie presque qu'il s'agit de l'anniversaire de ma nièce.
Honnêtement, ça me fait un bien fou de retrouver ma famille. Reparler avec mes oncles et tantes me rappellent tellement ma mère et ce n'est pas désagréable cette sensation. Je vois toujours une part de ma mère chez eux dans leur manière de parler.
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