Chapitre V


Cela fait quelques minutes que la femme et moi jouons une partie dans le plus grand des silences mais je suis plutôt concentré à la contempler. Malgré le masque qui camoufle le haut de son visage, je devine largement qu'elle doit être magnifique. Je n'aime pas passer mon temps avec des inconnus, mais cette fois-ci, cette mystérieuse jeune femme a attisé ma curiosité.

— Au lieu de me contempler, je vous conseille de surveiller votre jeu, je risque de gagner, s'exclame-t-elle en levant ses yeux bruns sur moi.

J'arque un sourcil et sans prendre la peine de regarder mon jeu, je place un pion sur l'échiquier.

— Qui êtes-vous ? je demande soudainement.

Elle laisse entendre un rire mélodieux.

— Pourquoi le savoir ? Vous ne me reverrez plus après cette partie.

— Ne dites jamais un truc de ce genre. En un coup de fil, je peux vous retrouver et je peux connaître davantage sur vous, je réplique.

Elle hausse les épaules, toujours avec un sourire en coin sur ses lèvres pulpeuses. D'accord, on veut jouer à la maligne. Sans qu'elle le sache, je vais lui tirer des verres du nez.

Je m'adosse sur le sofa et quelques secondes plus tard, elle quitte son regard sur le jeu avant de me concentrer sur moi.

— Si vous voulez tout savoir sur moi, je suis une fille qui vient de loin, très loin. Je suis une fille qui adore jouer aux échecs et j'aime beaucoup les affaires, dit-elle finalement.

— Donc vous me dites dès que vous avez vu mon ami quitté la partie, vous avez pris directement sa place ? je devine en penchant ma tête sur le côté.

Je veux savoir son prénom, je souhaite connaître davantage sur elle, mais celle-ci veut jouer la mystérieuse avec moi.

— Mon oncle m'a toujours dit que pour faire du business, il faut manipuler autrui. Il faut connaître ses points forts comme ses points faibles, souligne-t-elle d'un regard intense. Dès que je suis arrivée ici, je vous ai vu avec une femme et j'ai su de suite un de vos points faibles : les femmes. Une femme a le don de vous déstabiliser et vous perdez tous vos moyens.

Je fronce mes sourcils, méfiant.

Qu'est-ce qu'elle raconte ? Elle me connaît à peine et elle me fait une psychanalyse ?

Avec son doigt, elle m'indique d'observer le jeu. Elle attrape sa reine et renverse mon roi sous mon regard surpris.

— Et comme d'habitude, la reine renverse le roi. J'ai gagné. J'ai gagné car je vous ai manipulé. Vous étiez tellement concentré sur moi que vous avez oublié de jouer correctement. C'est ça le secret du business.

Soudain, la description de la fille que Fabio a rencontré revient dans ma mémoire et je comprends peu à peu que je fais face à la sœur d'Enzo. Comparé à l'autre sœur de celui-ci, celle-là a un cerveau et semble bien l'utiliser.

Sans le comprendre, j'ai perdu et d'un côté, j'avoue, elle a raison. Mon attention était portée sur elle et sur son corps. Pendant un moment, j'ai oublié de jouer et je prends encore conscience que j'ai perdu et bizarrement, cela ne me fait rien.

— Tu as fait des études de psychologie ? J'avoue que tu as vrai sur ton explication, j'avoue en la tutoyant voulant mettre fin aux politesses.

— J'ai failli, rit-elle. Mais la situation n'était pas en ma faveur.

Je souris, intéressé.

— Alors, dis-moi. Qu'est-ce que tu vois d'autres en moi ? Je meurs d'impatience de savoir...

La frangine d'Enzo fait mine de réfléchir en posant un doigt sur son menton.

— Désolée mais c'est tout ce que je peux dire.

Je garde mon sourire pour cacher ma déception car je voulais vraiment continuer ce jeu avec elle.

— À mon tour alors. Comme tu me l'as prouvé, tu aimes le monde des affaires, vu tes cicatrices qui longent sur tes bras, je pense que tu n'es pas cette femme qui se focalise que sur son maquillage. Après mon petit doigt me dit que tu es sans doute une femme qui ne respecte pas les règles.

Elle garde son sourire et s'apprête à répondre mais Enzo déboule près de nous et interrompt notre conversation divertissante.

– Daniela, on doit partir, annonce-t-il sur un ton inquiet alors que la jeune femme fronce ses sourcils.

Elle tente de faire passer un message avec ses yeux, mais cède et se lève sous mon incompréhension.

– Angelo, je suis désolé d'avoir coupé votre conversation mais Bianca ne se sent pas bien. Il est préférable qu'on parte tout de suite, m'informe mon ami alors que je hoche la tête.

– Ne t'inquiète pas, Enzo, dis-je en me levant ici. Je suis heureux d'avoir fait la connaissance de ta petite sœur. Si vous voulez bien, je voudrais que vous viendrez me voir à la maison, demain à neuf heures.

Enzo et sa sœur s'échangent un regard avant de se concentrer sur moi.

— D'accord, on viendra, affirme Enzo. Passe une bonne soirée.

Ils s'en vont tous les deux et je garde mon sourire ce qui attire le regard de mes soldats.

Dommage que notre conversation soit brusquement interrompue.

Cela fait longtemps que je n'ai pas eu la compagnie avec une vraie femme. Une femme avec qui je pouvais parler comme je le voulais, entretenir une vraie conversation.

Malgré cette discussion qui a été courte selon moi, ça m'a changé les idées pendant quelque temps. Je ne pensais plus aux tracas et à la mafia. Non, je savourais ce moment et une chose est sûre, je vais revoir Daniela demain.

Et j'ai hâte.

**

PDV Sara

Enzo me tient fermement le bras et j'essaie tant bien que mal de suivre son rythme saccadé. Je rate plusieurs marches d'escalier mais Dieu merci, le dos large de mon coéquipier me sauve la vie.

J'ai des milliers de questions qui fusent dans ma tête et j'ai vraiment cette envie de gifler Enzo. Il a brusquement coupé ma conversation intéressante avec le chef de Cosa Nostra et j'espère qu'il a une bonne et vraie raison pour m'interrompre dans mon plan.

Parce que, s'il s'avère que c'est sa petite-amie rousse soit vraiment malade, non seulement je giflerai bien fort Enzo mais sa copine tant qu'on y est.

Nous traversons la foule et Enzo attrape rapidement le bras de sa copine qui était en train de se dandiner avec d'autres filles.

— Enzo ! se plaint-elle. Pourquoi on part déjà ? Il est encore tôt et la fête ne fait que de commencer !

Bon, visiblement, elle n'est pas vraiment malade.

Alors Enzo a réellement un problème !

Nous sortons du club et le vent frais nous accueille. Je frictionne mes mains contre mes bras et je suis du regard Bianca qui court vers un buisson et se met à gerber. Je grimace et détourne le regard.

— Enzo, j'espère que tu as une bonne raison pour m'interrompre ainsi, je le menace alors que celui-ci part vers sa petite-amie.

Celle-ci tombe soudainement dans les bras de son copain, inconsciente, et je m'en rappelle encore les litres d'alcool qu'elle a ingurgités une fois que nous sommes arrivés au club. Enzo revient vers moi et nous partons vers sa berline noire. Il installe sa copine sur la banquette arrière et une fois qu'il ferme la portière, il se tourne enfin vers moi et la mine inquiète qu'il aborde, m'appréhende.

— J'ai eu des informations. Angelo va s'en prendre à ta famille, chuchote-il alors que je fronce les sourcils.

— Qu'est-ce qu'il a en tête ? je questionne, méfiante.

— Hier, il s'en est pris à la ME mais celle-ci a gagné contre la Cosa Nostra. Cependant, Fabio a réussi à infiltrer une assassin qualifiée dans la maison de la chef de la ME. L'assassin a pour but de tuer ses petites filles.

Je garde le silence et ôte mon masque avant de le balancer par terre.

Ça, par contre, ce n'était pas dans mes plans. Angelo s'en prend à ma cousine alors que celle-ci n'a rien à voir dans notre conflit. Sa Mafia nous soutient tout simplement.

— Putain ! Ça va nous retarder. Si la ME et la Cosa Nostra entrent en guerre, ça va compliquer notre plan !

J'ai deux possibilités face à moi : soit je ne dis rien à ma cousine et elle découvrira le jour-j la mauvaise surprise ce qui fait qu'elle va se retourner contre moi. Ou soit je lui informe tout ce que je viens d'apprendre. Car cette fois-ci, la vie de trois petites filles est en danger et Sorcha qui est une mère poule, créera un sérieux carnage.

Que je lui dise ou pas, la ME va foutre son nez dans notre conflit.

— Daniela, on a pas vraiment le choix, soupire Enzo. Il faut que tu téléphones Carlos pour qu'il prévienne le ME.

— Je sais, je sais. C'est juste qu'on vient à peine de commencer la mission et elle prend un sens que je n'ai pas voulu. Angelo crée des problèmes partout et à la fin, ce sont des innocents qui meurent.

Tout à coup, je me mets à penser si cela arrivera un jour à Santos et sa petite fille. J'ose à peine imaginer Santos mourir. S'il meurt, je serai désorientée. Il est mon grand frère et il m'a toujours veillé. S'il meurt, je ne survivrai pas.

D'une main tremblante de peur, je prends mon téléphone et m'éloigne. Après quelques minutes avec Carlos, je raccroche en espérant qu'il n'y aura pas de mort durant ce conflit.

*

Le lendemain.

Enzo m'emmène à la villa du Parrain et je constate que nous nous enfonçons dans une forêt sans limite. Après une nuit agitée, me voici cherchant le diable pour l'amadouer.

Il faut que mon plan s'avance rapidement. Je dois mettre un terme. Et pour mettre un terme, il va falloir tuer Angelo et les obstacles comme Fabio.

– Tu n'as pas besoin de stresser. Angelo est intéressé par toi, je l'ai vu de mes propres yeux, hier soir. Angelo n'a pas l'habitude des femmes qui parlent si intelligemment.

– Certes mais si toutes les organisations entrent en conflit contre lui, il va devenir méfiant auprès de ses proches. Je crains que cette mission ne sera pas aboutie.

Enzo pousse un soupir.

Si c'était le cas, mon frère et Carlos auront honte de moi. Je dois venger maman. Pour elle.

Tout à coup, un portail fait face à nous. Il s'ouvre lentement et Enzo s'engage dans la propriété. Un immense manoir se dresse sous nos yeux. Il est sombre et presque effrayant. Ce manoir est aussi mystérieux que son propriétaire. Enzo coupe le contact et nous sortons de la voiture et je vois Angelo, nous attendre sur le parking à côté de Fabio.

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