Chapitre IX

Le reste du trajet se fait dans un silence très pesant. Je n'ai pas osé répondre à Enzo car honnêtement, je ne sais pas quoi dire. Carlos n'a pas voulu lui dire qui j'étais réellement. Pour lui comme pour moi, il était mieux qu'il ne connaissait pas ma vraie identité.

Mais avec ma famille, on a fait une erreur. Elle m'a appelé par mon vrai prénom et Enzo a plusieurs questions. Il sait que je fais partie de la famille et si je n'éclaircit pas cette connerie, cela pourrait porter préjudice à notre mission.

Nous entrons silencieusement dans le loft et je constate avec joie que Bianca s'est enfin cassée. Après tant de jours, elle a enfin compris qu'elle était de trop ici. Ma petite menace a marché.

— Enzo...

— Écoute, Daniela ou Sara, peu importe ton prénom, me coupe-t-il d'une voix sèche. Tu as intérêt à expliquer ce foutoir ! On m'a préparé pendant quatre ans, on m'a informé que j'allais accueillir une Daniela et...et...

Il pousse un soupir et passe une main sur son visage fatigué. Je ne dis rien, mal à l'aise. J'aime pas ce genre de situation et ça se voit qu'Enzo est en colère contre moi. On commençait bien à s'apprécier mais suite à cette erreur, je pense que nos débuts d'amitié n'ont servi à rien.

— Enzo, je suis désolée pour cette confusion. Carlos ne voulait pas que tu saches mon identité...

— Donc, tu t'appelles vraiment, Sara ? T'es la cousine de la cheffe de la ME ? demande-t-il rageusement.

Silencieusement, j'opine et son visage se décompose peu à peu. Il ne s'attendait pas à ça.

— Et tu es alors... la sœur de Santos et---

— Enzo, écoute-moi. Si on ne voulait pas te dire qui j'étais c'est pour une bonne raison, dis-je sérieusement en ancrant mon regard au sien. Ma vraie identité, Sara Moretti, doit rester secrète. Angelo ne sait pas que je suis la successeuse de ma mère et... et... juste fais-moi confiance.

En même temps, le téléphone d'Enzo émet un son. D'un regard déçu, il observe son téléphone.

— Angelo veut te voir, maintenant.

Je grimace.

Il doit se demander pourquoi je suis partie sans le prévenir et je n'ai toujours pas trouvé un mensonge à lui raconter. Je ne sais pas si j'ai encore la force de le regarder droit dans les yeux après ce qu'il s'est passé ce matin. Il a voulu tuer ma propre cousine et ça, c'est assez pour me mettre hors de moi.

— On en reparlera plus tard, j'annonce à Enzo avant de récupérer sa clé de voiture.

Je quitte le loft avec appréhension et une quinzaine de minutes plus tard, j'arrive devant le manoir d'Angelo. J'avance lentement jusqu'à la porte et avant que j'appuie sur la sonnette, celle-ci s'ouvre toute seule laissant voir Angelo qui est dans un piteux état. Sa chemise est à moitié déboutonnée et tachée de quelques tâches de sang. Je remonte lentement mes yeux jusqu'à son visage blessé et je remarque que son arcade est ouverte.

Mais, qu'est-ce qu'il a vraiment fait pour se retrouver ainsi ?

— Fossettes... pourquoi...

— Je devais rejoindre Bianca. Elle avait besoin de moi. Monsieur Canzano, vous allez bien ?

Il plisse ses yeux et opine lentement avant de me faire signe d'entrer dans sa demeure. J'observe son comportement et il marche en boitant, comme une des ses chevilles étaient blessées De milliers de questions passent dans ma tête et je marche à sa hauteur et il se met à vaciller. Sans que je me contrôle, j'entoure mes deux bras autour de lui et cette proximité me procure une sorte de décharge électrique.

Inquiète, j'observe son visage meurtri et ses yeux sont dans les vagues.

— Angelo, ne ferme pas les yeux ! Attends, je vais appeler une personne pour---

— Il n'y a personne à la maison, Fossettes. Je seul, comme d'habitude, m'interrompt-il d'une voix grave.

Je pince mes lèvres et décide de monter à l'étage pour le congédier à sa chambre. Comme s'il avait compris mon intention, il passe un bras sur mes épaules et fait des efforts supplémentaires pour monter cette série de marches d'escaliers. Il me chuchote le chemin à prendre pour arriver à sa chambre et une fois dans celle-ci, Angelo tombe mollement sur le grand lit. Sans attendre, je pars dans sa salle de bain pour récupérer une trousse de secours ainsi qu'une serviette humide et ensuite, je rejoins Angelo qui frôle l'inconscience. Les sourcils froncés, je m'assois près de lui et passe la serviette humide sur son visage viril pour le débarbouiller du sang séché.

Je dépose la serviette et attrape par la suite la trousse de secours mais une main ferme m'en empêche. Lentement, je remonte mes yeux vers Angelo et ses yeux m'électrifient littéralement. Et je prends conscience de ce que je viens de faire. J'aide le fils de l'homme qui a tué ma mère. Mon ennemi juré.

Mais... mais qu'est-ce qui ne va pas avec moi ?

Vivement, je me dégage de son emprise et m'éloigne de lui, totalement déstabilisée de ma réaction.

– Je... Vous...

– Tu es vraiment différente des filles que je fréquente, m'avoue-t-il faiblement Les filles que je fréquente ne se préoccupent pas de moi et même si on se connaît à peine, j'ai l'impression de te connaître depuis longtemps, Daniela.

Malgré l'obscurité, je sens son regard lourd sur moi.

– Vous êtes blessé et c'est humain d'aider autrui.

Malgré sa fatigue, il arrive à rire. Son rire me procure une étrange sensation en moi.

– Tu es encore innocente. Si tu savais le mal que j'ai fait envers mes proches.... Tu ne te comporterais pas comme ça avec moi. Je ne mérite pas la pitié des autres et ni la tienne.

Et il a raison. Il ne mérite pas ma pitié et je ne comprends toujours pas ma réaction de tout à l'heure. Pourquoi le soigner ? Nous sommes seuls dans sa maison et si je le voulais, je pourrais le tuer ici, maintenant, une fois pour toute.

Mes mains se mettent à trembler de rage et je pousse un long soupir de colère.

Mes yeux tombent sur une carafe d'eau et vivement, je pars servir un verre d'eau et le tends à Angelo en espérant oublier ce mauvais moment.

– Buvez un peu d'eau, vous devez sans doute être déshydraté, dis-je d'une voix faussement calme.

Il me remercie et ses doigts frôlent les miens. Il boit son verre d'eau et je me pose la question pourquoi il souhaitait me voir. Il est tard et ça se voit clairement qu'il est épuisé.

— Je pense que je vais rentrer chez moi. Il est tard et--

— Absolument pas !

Son ton me fait hausser un sourcil. Qu'est-ce qu'il a en tête...

— Comme tu l'as dit, il est tard et je pense que... je me rectifie : tu dois rester ici, au moins pour cette soirée. Demain, tu repartiras si tu le souhaites, ordonne-t-il. De plus, je suis seul à la maison, si j'aurai besoin de l'aide, je t'aurai toi.

Il arrive à me faire sourire et son air taquin revient sur son visage.

Passer la soirée avec le diable... je ne l'aurai jamais cru.

— Tu pourras prendre la chambre juste à côté de la mienne. Si tu as besoin quoi que ce soit---

— Je pense pouvoir me débrouiller toute seule, dis-je avec un sourire forcé. Vous devez vous reposer.

En voulant à tout prix m'éloigner de lui, je lui chuchote une bonne nuit et je quitte sa chambre avec le souffle coupé.

Bordel, qu'est-ce qui s'est passé ?!

Toujours confuse, je passe la main dans mes cheveux. Je dois à tout prix m'éloigner de lui. Ma réaction... je ne sais pas ce qu'il m'a pris. C'est comme si... c'est comme si j'étais l'ancienne Sara, la petite fille qui aidait n'importe qui, même son pire ennemi.

**

La nuit était courte. Du moins, je n'ai pas pu réussir à m'endormir car mon esprit était trop embrumé mais aussi je ne pouvais pas m'autoriser à dormir dans un endroit inconnu, encore moins chez Angelo. Je ne suis pas assez folle pour commettre une erreur pareille.

Dans les environs de cinq heures du matin, j'ai décidé de me promener dans le somptueux jardin de la maison. Flâner dans ce jardin me fait resurgir des doux moments partagés avec ma mère et pendant presque une heure, j'ai réussi à oublier les événements de la veille.

Avec mes doigts, je frôle les pétales d'une rose jaune et souris nostalgiquement. Tout à coup, je sens un regard électrifiant sur moi et vivement, je me redresse avant de rencontrer un regard ténébreux. Angelo est toujours habillé de son fidèle costume noir, sur la terrasse.

Il est de si bon matin ?

À contrecœur, je quitte les roses pour m'approcher de lui. Il me semble beaucoup mieux qu'hier soir. Hier soir, il souffrait tellement... je faisais face à un petit garçon en manque d'affection.

— Je suppose que tu n'as pas réussi à dormir pour flâner dans le jardin à une heure pareille, s'exclame-t-il. Je tiens à te remercier pour hier soir.

— Je n'ai pas fait grand-chose. J'ai juste passé une serviette humide sur votre visage.

— Et c'est beaucoup pour moi. Si tu n'étais pas venue, seul Dieu sait ce qu'il serait passé hier soir.

Tout à coup, il prend mes mains dans les siennes et les serrent un peu. Je frissonne à son toucher et je tente de rester marbre devant lui. Les yeux bruns d'Angelo me transpercent, c'est comme s'il lisait en moi.

— J'ai passé une mauvaise journée hier et en rentrant à la maison, j'espérais que tu sois encore ici, mais non. Je devrais te punir pour ça, susurre-t-il d'un ton suave.

Le mot punir sonne bizarrement et naît en moi une chaleur au creux de mon ventre.

Non Sara, calme-toi.

Je sais ce que veut Angelo et je refuse de lui donner. Je ne veux pas être une de ses putes, non... je ne veux aucune trace de lui sur moi. Angelo est un homme attirant et totalement à mon goût mais jamais j'oserai coucher avec lui. C'est clairement un manque de respect pour ma pauvre mère enterrée six pieds sous terre.

– Monsieur Canzano, je veux être honnête avec vous. Je ne veux pas être un de vos objets sexuels vivants. Je vaux mieux que vos prostituées et je ne vous laisserai jamais me considérer comme tel, j'annonce sérieusement.

Je détache brusquement mes mains des siennes et un vide s'installe en moi. Je détourne mon regard.

– En plus, vous semblez être en bonne forme, donc je vais rentrer chez moi. Enzo doit s'inquiéter.

– Excuse-moi, Fossettes. Je ne voulais pas te décevoir ! Je...

Confuse, je lui lance un regard et il semble être mal à l'aise.

– Reste avec moi. Juste une journée. Je veux qu'on fasse connaissance. 

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