Chapitre 5
- Pourquoi tu me regardes comme ça? demanda Rémy en sentant le regard de Lucas peser sur elle.
Il avait posé ses coudes sur ses genoux, tenant sa tasse entre les deux mains. Il semblait vouloir la sonder avec ses yeux d'un bleu si profond, et elle se sentait comme déshabillée par ce regard inquisiteur.
- Parce-que tu m'intrigues, répondit-il.
- Comment ça?
- Je ne sais pas pourquoi, mais je sens comme un voile de mystère planer sur toi. Et je me demandes toujours ce que tu fais dans les parages, j'ai cru comprendre que tu habitais loin.
- J'avais juste envie de faire un tour en voiture pour... Me changer les idée, et je me suis aventurée trop loin!
- On va dire que je te crois, répondit Lucas en s'adossant. Alors, tu deviens quoi depuis... Le mariage?
Les souvenirs de leurs ébats lui revinrent en mémoire, et elle sentit une chaleur naitre dans le creux de ses reins. Aujourd'hui il avait lâché ses cheveux, et en se souvenant de leur douceur dans ses mains, elle eut envie d'y glisser les doigts. Elle frotta sa main libre contre sa cuisse pour faire passer cette montée de désir avant de répondre.
- Ma vie ordinaire! La maison, le travail, c'est tout!
- Tu ne sors pas avec tes amis, de temps en temps?
- Non, je ne suis pas très portée sur les sorties, et il faut dire que je n'ai pas tellement d'amis.
- Je peux être ton ami, si tu veux! proposa Vlad, les yeux pétillants.
Elle avait oublié sa présence pendant un moment! Sa déclaration la toucha vraiment. D'après son regard, il cherchait à se faire des amis. N'en avait-il pas de son âge? Était-il un de ceux que les autres enfants délaissaient dans les cours de récré et les parcs? Mais surtout, qui était-il exactement? Il ne ressemblait absolument pas à Lucas.
- J'en serais honorée, Vlad! répondit-elle en lui souriant. Quel âge as-tu?
- Bientôt neuf ans!
- Oh! Tu dois être en dernière année de primaire, normalement, n'est-ce pas?
- Je ne vais pas à l'école, répondit-il comme si c'était normal.
Rémy interrogea Lucas du regard.
- Je l'ai trouvé dans la rue, ça doit faire un peu plus d'un an, expliqua Lucas.
- Que faisait-il dans la rue!? questionna Rémy.
- J'avais fui l'orphelinat, répondit Vlad. Ils étaient méchants avec moi!
- Il m'est rentré dedans en essayant d'échapper à un marchant de fruits à qui il avait volé un régime de banane, raconta Lucas. Il était tout sale et maigrichon, alors j'ai payé le marchand et je l'ai ramené avec moi. Quand il m'a raconté ce qui lui était arrivé, j'ai décidé que je pouvais le garder avec moi, c'était mieux que de le ramener dans cet orphelinat pourri.
- Je suppose que tu as bien fait, songea Rémy.
Elle regarda le petit roux boire dans sa tasse, et eut le coeur serré. ''Il existe des tas d'enfants qui n'ont pas de parents''', se rappela Rémy. Elle comprenait pourquoi il avait semblé si impliqué par cette histoire. Elle n'osait imaginer ce que ce pauvre garçon avait pu vivre dans cet orphelinat pour être obligé de fuir! Et l'acte altruiste de Lucas en disait long sur sa personne. C'était vraiment un homme différent de ce qu'il dégageait.
- Tu viendras souvent me voir? s'enquit le petit roux.
- Aussi souvent que possible, promit-elle. Je suis assez prise au travail, mais je te promet que dès que j'aurai un peu de temps pour moi je passerai te voir.
- Et tu m'emmèneras faire un tour en voiture? demanda-t-il le regard pétillant.
- Avec joie, si Lucas le permet! précisa-t-elle.
Vlad se retourna vers Lucas, les yeux pleins d'espoir.
- Je n'y vois aucun inconvénient du moment que tu ne la dérange pas, répondit-il en haussant les épaules.
- Ouais! jubila Vlad.
Ce petit garçon lui faisait regretter le fait de ne pas avoir d'enfant. Elle aurait aimé avoir un fils comme lui. Il était si énergique et si jovial malgré les horreurs qu'il devait avoir vécues! Cela démontrait sa force de caractère à un si jeune âge.
- J'aurais aimé pouvoir rester pour bavarder un peu avec toi, mais je vais devoir rentrer, j'ai du travail qui m'attend à la maison. Mais je repasserait bientôt, notamment pour te rendre tes affaires, précisa-t-elle à l'attention de Lucas.
- D'accord! fit Vlad avec une pointé de déception dans la voix.
- On te raccompagne jusqu'à la voiture, suggéra Lucas. Allez, Vlad, debout!
Ils sortirent, et se dirigèrent vers la voiture, Vlad à leur tête, toujours au pas de course. Une fois devant la voiture, elle posa un gros baiser au dessus du crâne du petit roux avant de monter. Lucas lui tendit une carte de visite à son nom, afin qu'elle puisse le contacter au besoin. Elle le remercia et fourra rapidement la carte dans la poche du haut de survêtement.
Lucas lui ouvrit la porte du garage et elle sortit, accompagnée des larges mouvement d'au revoir de son nouvel ami. Une fois dehors, elle nota que la pluie s'était calmée, mais la nuit était tombée sur la ville. Elle roula aussi vite que possible jusqu'à chez elle, et prit ses habits mouillés pour les mettre à sécher dans le sèche linge de la buanderie de l'immeuble avant de monter à son appartement.
Elle trouva Samuel en train de préparer une valise. Il ne lui accorda aucune attention quand elle entra dans la chambre.
- Tu fais quoi? demanda-t-elle.
- Ça se voit, non? rétorqua-t-il sèchement.
- Pourquoi tu fais tes valises? Tu me quittes? s'enquit-elle avec inquiétude.
- Pas encore, répondit Samuel le plus naturellement possible,en fouillant partout dans la chambre. Je vais juste m'installer quelque part d'autre un moment.
Pas encore. Alors c'était prévu qu'il la quitte, mais pas encore!? Elle n'en revenait pas! Mais pourquoi ne la quittait-il pas en même temps? Pourquoi continuaient-ils cette mascarade de mariage? Et elle, pourquoi ne demandait-elle pas le divorce tout simplement? Sans doute parce qu'une petite part d'elle espérait encore. Elle espérait qu'il finisse par lui revenir, qu'il lui dise un jour qu'il était désolé pour tout ça, que ce n'était qu'une énorme blague de mauvais goût! Parce qu'elle n'arrivait pas à croire qu'une relation qui avait si bien commencé puisse finir ainsi!
Ils s'étaient rencontrés huit ans au paravant, quand ils étaient encore à l'Université. Ils avaient sympathisé, et étaient devenus rapidement inséparables. Il avait été son premier véritable ami, son premier tout! Il avait été là dans les moments les plus durs pour elle, quand elle avait perdu son père dans un accident, alors qu'il était la seule famille qui lui restait. Ils avaient tant partagé! Comment tant d'années ensemble pouvaient finir ainsi?
- Je t'ai trompé! lacha-t-elle tout à coup.
Il s'arrêta et lui prêta enfin attention.
- J'ai couché avec un autre homme, le jour du mariage de Debby, continua-t-elle.
- Ah! fit-il calmement. Et pourquoi tu me dis ça?
- C'est tout ce que ça te fait!? s'écria-t-elle aux bords des larmes. Je te dis que je t'ai trompé, j'ai couché avec un autre homme que toi, et c'est tout ce que ça te fait?
- Écoute, Rem, toi et moi on sait bien que les choses ont changé entre nous. Tu te doutes bien que cette information n'a pas tellement d'importance, à mes yeux!
- Mais alors pourquoi tu ne me quittes pas une bonne fois pour toutes? cria-t-elle sans chercher à empêcher ses larmes de couler. Pourquoi tu ne demandes pas le divorce, puisque tu ne m'aimes plus?
- Maman serait... Disons que ce n'est pas encore le bon moment... Mais si tu veux tu peux entamer les procédures!
- En fait tu redoutes la réaction de ta mère, c'est ça, hein! Et tu espères que je demandes le divorce pour ne pas avoir à te justifier? Eh bien je refuse! Puisque tu veux te séparer de moi, à toi de demander le divorce!
- Parfait! s'énerva-t-il. Alors lâche moi! Je demanderai le divorce quand ça me plaira!
Il se remit frénétiquement à fouiller les tiroirs de sa table de chevet, coupant court à la discussion.
- Si tu cherches tes documents ils sont dans la commode au salon, informa Rémy en essuyant ses larmes.
- Merci, balança-t-il froidement avant de prendre sa valise pour s'en aller.
- Attends! demanda-t-elle d'une voix monocorde. Dis-moi au moins ce qui s'est passé! Tu peux bien me le dire, non?
- J'ai rencontré quelqu'un, fit-ti au bout d'un moment. A la base ce n'était qu'une erreur, mais c'est devenu plus sérieux... Elle est enceinte de moi, et devrais accoucher dans deux mois. Quand le bébé sera là je pourrai demander le divorce.
Ils se faisaient dos. Il ne pût donc voir les larmes couler le long des joues de Rémy. Alors il avait réussi à concevoir un enfant avec une autre sur la base de ce qu'il appellait une erreur? Un acte isolé, si elle comprenait bien, avait suffit à cette femme pour tomber enceinte, alors que ça faisait trois ans qu'elle essayait de concevoir en vain!? Elle se sentit doublement pitoyable! Non seulement elle n'avait pas pu donner d'enfant à son mari, mais en plus elle n'avait pas pu l'empêcher d'aller voir ailleurs.
- Je suis désolé, fit-il avant de s'en aller.
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