—Methyst—

Ce matin j'ai fait en sorte de me réveiller relativement tôt, pour éviter de faire attendre le professeur Layton. Je n'avais pas envie de lui faire perdre sa matinée, à lui et à Luke. Mais au vu de l'heure qu'il était, il y avait de fortes chances pour que je sois le dernier réveillé. Aussi je me suis préparé en vitesse, négligeant mon habituel rituel du miroir.

Lorsque je suis descendu dans la salle à manger, je me suis rendu compte qu'ils étaient déjà tous levés. Cependant, ils semblaient tous préoccupés. Après avoir salué tout le monde, je demandais quel était le problème. Mon père sembla étudier le professeur et Luke du regard pendant un moment, puis soupira et répondit :

-Il y a eu une nouvelle attaque, hier soir. Edgar, l'archiviste, a été blessé et s'est vidé d'une bonne partie de son sang. Des témoins qui ont été alertés par les cris ont déclarés avoir vu un "démon" aux longs cheveux roux vêtu de noir se moquer d'eux. Cependant l'attaque n'était pas isolée. Un docteur de la peste a créé un certain tapage dans le centre du village, au même moment. Il a détruit la statue qui ornait la fontaine en la faisant exploser. Je pense qu'il s'agit d'une organisation.

J'étais abasourdi. Comment cela se faisait-il que cette espèce de fou se soit de nouveau attaqué à quelqu'un ?!

Je vis Ann soupirer en triturant ses cheveux noirs. De toutes évidences, ce genre de choses lui passaient totalement au-dessus de la tête. Mais moi, cela m'inquiétait. Mon père était un ami de ces deux personnes, il était probable qu'il fasse parti des prochaines victimes... Maintenant que je n'y pensais il ne devrait pas être le seul.

Certes, cela aurait pu être une coïncidence, étant donné qu'une autre personne a perpétré une attaque. Mais cette attaque n'avait blessé personne, cela aurait pu être une sorte de distraction. Et puis, peut-être que ceux qui perpètrent ces attaques souhaitent juste s'en prendre à ceux qui sont considérés comme étant des personnes influentes dans le village.

Oui mais pourquoi faire ? Quel intérêt aurait n'importe quelle personne à s'en prendre à ces gens ? Je veux dire, s'ils s'étaient directement attaqués au gouvernement britannique, cela aurait été plus logique, mais là... On parle d'à peine une dizaine de personnes influentes au sein d'un petit village perdu dans la campagne...

-Methyst, est-ce-que vous êtes avec nous ?

La voix du professeur me sortit abruptement de mes réflexions :

-Euh, oui, oui, je suis là. Euh... Excusez-moi, j'aimerai sortir un instant, si cela ne vous dérange pas.

Je sortis précipitamment, sous le regard inquiet de ma mère qui me suivit à peine quelques secondes plus tard. Je m'étais dirigé dans le jardin, laissant l'air frais de l'automne fouetter mon visage tandis que je fermais les yeux pour les protéger de ce dernier.

-Methyst, qu'est-ce-qui ne va pas ?

La voix de ma mère résonna derrière moi. Je me tournais vers elle. Je pouvais lire l'inquiétude sur son visage. Après une brève hésitation, je répondis :

-Je... J'ai peur qu'il nous arrive quelque chose...

-Comment cela ?

-Ne me dis pas que tu ne l'as pas remarqué, ces types s'en prennent à des amis de la famille, à des gens influents, il y a de fortes chances pour que nous soyons les prochains sur la liste. Voilà ce qui m'inquiète !

-Methyst... Je l'ai compris aussi, tu sais. Moi aussi je m'inquiète. Écoute, tu as 19 ans, tu es suffisamment grand pour comprendre qu'il vaut mieux cacher ce genre de choses plutôt que des les montrer. Toute cette peur, tout cet inconfort, tu devrais le garder pour toi au lieu de le montrer. Croies-moi, si tu te montres aussi émotif en public, cela pourrait se retourner contre toi.

Je restais silencieux, tout en sachant qu'elle avait raison. Un nouveau coup de vent me fit frissonner, et je la vis serrer ses bras autour d'elle, comme une faible tentative de se réchauffer. Je la pris dans mes bras et l'étreignis durant quelques minutes, puis l'entendis murmurer :

-Nous ferions mieux de rentrer, tu ne penses pas ?

J'approuvais et nous retournâmes dans la salle à manger, où je vis mon père dévisager le professeur avec une forme de dégout tandis qu'Ann cachait un rire que je devinais moqueur derrière sa main.

-Que se passe-t-il, demanda ma mère ?

-Il se trouve que le professeur de notre cher fils a l'idée saugrenue de vouloir enquêter sur ces attaques, répondit mon père d'un ton dur.

-Je ne vois pas le problème, intervins Mère.

-Il ne fait même pas partie de la police, fit Ann en riant !

-Hé ! Ne dites pas ça ! Le professeur a déjà résolu de nombreuses enquêtes en collaborant avec Scotland Yard, rétorqua Luke !!

Layton fit signe à Luke de se calmer, mais son affirmation déclencha une exclamation moqueuse de la part de mon père, qui décréta que ce n'étaient que de simples mensonges.
Cette situation m'énerva. Je détestais quand mon père se croyait intelligent et au-dessus de tout, tout en faisant une démonstration de sa remarquable ignorance. Les poings serrés, je lançais d'un ton que je voulais ferme, mais dont j'avais du mal à dissimuler les tremblements :

-C-c'est la vérité ! Tu le saurais s-si tu t'intéressais à ce qui t'entoures au lieu de rester focaliser sur tes petites affaires !!

Il me lança un regard noir, appuyé par Ann. Je soutins leurs regards à peine quelques secondes avant de baisser les yeux. Le professeur intervint :

-Allons, inutile de vous énerver pour si peu. Je peux comprendre votre scepticisme, M. Beckett, mais Methyst ne ment pas. Je pourrai me rendre utile pour cette enquête.

Je vis mon père hausser les épaules :

-Faites bien ce qu'il vous plait, tant que je ne suis pas concerné  là-dedans, cela me convient.

-Je... Je veux les aider, intervins-je !!

-Toi, ricana ma sœur ?! Tu as autant de courage qu'un chaton, ce n'est même pas la peine que tu t'y essayes !!

Je lançais un regard furieux à ma sœur, tout en serrant les poings. Layton m'offrit un sourire amical :

-Toute aide me sera la bienvenue, Methyst, j'accepte avec plaisir. Maintenant, si vous voulez bien nous excusez, nous vous souhaiterions prendre congé.

-Faites, grogna mon père.

Nous quittâmes la salle à manger en trombe. Luke était énervé :

-Non mais pour qui il se prend pour insulter le professeur ?!

-Il a toujours été comme ça, fis-je avant que Layton ne put prendre la parole. Il méprise tout le monde, il dit que ça lui permet de faire le tri entre les opportunistes et les autres, même si je ne vois pas en quoi.

-Ça ne doit pas être facile tous les jours, me dit l'enfant d'un ton compatissant.

-O-oh, tu sais, on s'y habitue, souris-je.

-Par où allons-nous commencer notre enquête, professeur ?

-Commençons par chercher des indices sur les lieux des attaques, répondit-il.

-Je propose que nous commencions par la ruelle où M. Johnson a été attaqué, dis-je.

Les autres acquiescèrent et nous prîmes nos manteaux avant de sortir en trombe. 

~.~.~.~

Il y avait encore des traces de sang dans la ruelle. Je m'inquiétais de savoir quel impact ce genre de choses pouvait avoir sur Luke, mais il ne semblait pas y porter une grande attention. Sur les lieux en eux-même, je ne voyais rien d'intéressant. Le professeur non plus, d'ailleurs. Mis à part un papier qui semblait être tombé de la poche de M. Johnson lorsqu'il s'est fait attaqué. Il indiquait  un rendez-vous qui devait avoir eu lieu il y a une semaine chez mon père.

Bien que nous ignorions en quoi cela pouvait être lié à cette attaque, nous estimions qu'il pouvait être intéressant de lui poser des questions sur ce rendez-vous.

-Vous savez, dis-je au professeur, il est possible que M. Johnson ne soit pas le seul à s'être rendu à ce rendez-vous.

-Vous pensez à quelqu'un en particulier, me demanda-t-il ?

-Oui. À Joshua Smith, le notaire qui a été attaqué avant-hier, au maire du village et à Oscar Kemper, qui est l'associé de mon père.

-Nous devrions les interroger, eux aussi, intervins Luke.

Malgré tout, nous ne trouvâmes rien de plus. Aussi nous nous dirigeâmes vers la place du village, autre lieu à avoir été attaqué.

Parmi les débris de la statue ayant explosé, nous trouvâmes ce qui ressemblait à une poupée très ancienne. De petite taille, grimée comme une sorcière, elle avait un visage souriant. Tandis que le professeur interrogeait quelques villageois sur les évènements de la veille, et que Luke était en train de chercher de nouveaux indices, j'examinais la poupée plus en détails.

Quelque chose me troubla, bien qu'elle fut en tissu, elle avait une consistance étrange lorsque j'appuyais sur son ventre. Je découvris un petit mot accrochée au ventre de la poupée, cachée derrière sa robe.

-"Il était une fois une innocente sorcière qui vivait heureuse dans une petite maison...", lis-je à voix haute.

Il n'y avait rien écrit de l'autre côté du petit mot. De son côté, Luke ne trouvait rien d'intéressant. Quant à Layton, il n'obtint rien de plus que la version officielle des faits.

Ce peu de preuves m'aurait découragé, si je ne m'étais pas acharné pendant des mois avant de trouver des traces d'une civilisation ancienne sur un terrain vague. Je savais que tout ce qu'il me restait à faire, c'était prendre mon mal en patience et persévérer.