Chapitre 27

—Methyst—

Dès lors que j'eus obtenu les informations apportées par la lettre, je les communiquais au professeur. Ainsi, nous décidâmes de rendre visite à Mme Doyle le lendemain, pour savoir si elle savait quelque chose à ce sujet. Elle nous donna l'adresse de Gideon Frank, le cousin de Sarah qui était mentionné dans la lettre. Dès que nous eûmes cette adresse, nous avons fait nos bagages et sommes partis en direction de la gare. J'eus à peine le temps d'échanger quelques mots à ma mère, mais elle me donna une lettre que j'étais censé lire en entrant dans mon wagon.

Lorsque nous fûmes finalement partis, le professeur prit la parole :

-Pourquoi tiens-tu tant que cela à retrouver Lucy ?

-J-je suis curieux à son sujet. Je... Je veux savoir qui elle est un p-peu plus en détails, et j-j'aimerais savoir si je suis c-capable de la convaincre de n-ne pas s'en prendre à Mère...

Il ne dit rien. Je me sentais un peu mal à l'aise, mais finis par demander :

-V-vous devez penser que c-c'est stupide...

-Absolument pas. Chercher à régler une situation par la diplomatie est louable, bien au contraire. Seulement j'ai bien peur que cette jeune femme soit beaucoup trop concentrée sur son objectif pour abandonner suite à un simple discours...

-V-vous dites cela p-parce que son complice... D-Descole, il me semble ? F-fonctionne ainsi... Non ?

Le professeur eut un petit sourire semblable à ce qui ressemblait à de la fierté :

-En effet, Methyst.

-Professeur, vous pensez que Descole sera avec elle, lorsqu'on la retrouvera, demanda Luke, dont l'attention était, jusque là, concentrée sur la fenêtre ?

-J'en suis sûr, mon garçon. Malheureusement...

-Décidément, ce n'est pas aujourd'hui qu'il arrêtera de nous causer du tort  s'énerva l'enfant !!

-V-vous avez déjà eu affaire à l-lui ?

-C'est un ennemi redoutable, répondit le professeur, mais j'étais sûr de ne plus jamais le croiser, au vu de ce qu'il s'est passé lors de notre dernière rencontre...

Luke sembla un petit peu mal à l'aise en entendant cela. Et malgré ma curiosité envers ce passé dont je ne savais rien, cette réaction m'empêcha de poser plus de questions sur le sujet. C'est pour cela que je décidais de me pencher sur cette lettre :

Mon très cher fils,

J'ignore quand te parviendras cette lettre, mais toujours est-il que je crains de ne pas pouvoir te la donner en personne, ou même de te dire ces quelques mots quand tu seras suffisamment âgé pour comprendre.

Je voulais simplement t'adresser ces quelques mots pour pouvoir te communiquer ma joie. Tu es né il y a à peine quelques heures, et cette nouvelle me comble de joie. Jamais je ne me serai imaginé père, et maintenant que je peux te tenir dans mes bras, je me rends compte à quel point tu comptes pour moi. J'espère sincèrement que tu auras une vie merveilleuse, mon petit Methyst.

Seulement j'ai eu comme une sorte de mauvais pressentiment lorsque tu es né, comme si une impression du tréfonds des enfers venait m'attaquer pour faire du plus beau moment de ma vie une sorte de cauchemar.

Je voudrais que tu fasses très attention si jamais tu rencontres une femme de l'âge de ta mère nommée Sarah, si tant est qu'un jour, tu puisses la rencontrer. Tout ça parce que j'ai été un lâche incapable de choisir.

Ne te méprends pas sur moi, je souhaite être le plus sincère possible avec toi, libre à toi de ma haïr ou non, maintenant. J'aimerais que tu saches que j'aime ta mère, et que je l'ai toujours profondément aimé. Mais j'ai également aimé Sarah, autant qu'elle, au même moment qu'elle. Et encore maintenant, j'ignore si je ne l'aime plus ou non, mais j'ai été forcé de faire un choix entre ta mère et elle. Aujourd'hui, j'ai peur qu'elle se venge. Pas sur moi, je considère que je le mérite. J'aurais même mérité que ta mère m'abandonne. Mais je dis ça pour toi.

Je vais te demander de faire très attention à elle, Sarah est une sorcière. Une vraie sorcière. Pas méchante en elle-même, mais très rancunière. Et avec raison. Elle a souffert, il est norma qu'elle réclame vengeance. Encore de nos jours, je me souviens la voir en rêve et lui parler, cependant je ne retiens jamais nos conversations. C'est comme si elle me hantait.

Je ne veux pas qu'il t'arrive la même chose, alors s'il te plait, fait attention.

Ton père qui t'aime plus que tout,

                                                     Ash Crimsom

Je restais silencieux après la lecture de cette lettre. J'en avais presque les larmes aux yeux. Je n'avais rien appris de plus sur la situation dans laquelle je me trouvais, mais le fait de tenir dans mes mains un mot écrit par mon père, qui avait prédit ce qu'il s'était passé 19 plus tôt provoquait en moi des sensations parfois contradictoires. J'étais à la fois surexcité et vidé de toute énergie, déçu et émerveillé par ces propos, triste par rapport au manque d'optimisme de mon père quant à son propre destin, et en colère qu'il ait eu la bêtise, en quelque sorte, de s'être rapproché de quelqu'un d'aussi dangereux.

Je rangeais la lettre, les mains tremblante, et fixais la fenêtre en retenant la larme qui menaçait de couler. Je n'allais pas pleurer pour si peu, bon sang !

Oui, mais... Pour moi, ce n'était pas si peu...

Je soupirais, sous le regard aussi intrigué qu'inquiet du professeur, et pris la parole pour le rassurer :

-C-ce n'est rien, juste une l-lettre qui me v-venait de mon père...

Le professeur ne rajouta rien, mais m'offrit un regard appuyé, pour me signifier qu'il comprenait. Le reste du trajet se déroula sans encombre, et lorsque nous arrivâmes à la gare de cette petite ville qu'était notre destination, tard dans la soirée, nous trouvâmes un hôtel dans lequel nous nous sommes restaurés et reposés jusqu'au lendemain matin.

Enfin, reposés... Je ne doute pas que Luke et le professeur aient réussi à dormir, mais moi, j'ai mis longtemps à trouver le sommeil, à cause de cette lettre. Si moi père avait été en vie à ce moment-là, je me serais inquiété comme jamais pour lui. Mais là, la seule chose qui me préoccupait était : qu'est-ce-qu'il lui ait arrivé ?

La réponse la plus logique aurait été que sa disparition en mer avait été causée par Sarah. Je ne voyais sincèrement pas d'autres réponses à cela, étant donné que son mobile était justifié. Et ça me faisait mal, vraiment mal. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi, cependant.

Le lendemain, je me suis levé plus tard que le professeur et Luke. Je me suis préparé en 4e vitesse, ce qui amusa Layton, et dès que je fus proprement habillé, nous nous dirigeâmes, à pieds, à l'adresse donnée par Mme Doyle. Nous mîmes à peine une demi-heure pour arriver à destination, et vu l'état de la maison, j'avais du mal à croire que quiconque puisse vivre là-dedans.

Néanmoins, nous traversâmes le portail rouillé et le jardin en friche pour arriver face à cette imposante porte d'entrée. Le professeur y frappa plusieurs fois, ce qui eut pour effet de faire entendre la voix d'un jeune homme énervée :

-OUAIS OUAIS, J'ME BOUGE !!!

Quelques secondes plus tard, Gideon Frank ouvrit la porte. Cet homme avait de quoi intriguer : il portait une blouse blanche par-dessus un costume abîmé par endroits et dépareillé, et ses cheveux bleuâtres couvraient ses yeux que je ne pouvais pas voir. Son visage était fendu d'un grand sourire amusé quand il nous vit :

-Vous, vous n'êtes pas venus pour une consultation...

-En effet, répondit le professeur. Je m'appelle Hershel Layton, et voici Luke Triton et Methyst Beckett. Avez-vous quelques minutes à nous accorder ?

-Mmm. Oui, bien sûr. Entrez, ne faites pas attention au bordel, je ne suis pas très porté sur le rangement. Installez-vous dans le salon, c'est la première porte à votre gauche. Je vais faire du thé, j'en aurais pu très peu de temps.

Nous obéîmes et passâmes le couloir défraichi pour entrer dans un salon semblable.

Les rideaux étaient déchirés, le parquet semblait vraiment ancien et le papier peint était dans le même état que celui du couloir. Les meubles, deux canapés, deux fauteuils, une table basse et des bibliothèques, étaient anciens et en mauvais état. Les bibliothèques étaient couvertes de livres et de bibelots occultes. Le sol était recouvert des ouvrages qui ne se trouvaient pas dans les bibliothèques, rangés en piles disséminées çà et là dans la pièce. Il y avait, sur la table basse, ce qui semblaient être des notes, ou du moins des feuilles de papier recouvertes d'une écriture quasiment illisible. Certaines de ces feuilles avaient échoué par terre.

Je consultais le professeur du regard, qui avait l'air aussi décontenancé que moi face à ce spectacle. Luke prit la parole :

-Et bien, quel bazar... Même votre bureau n'est pas dans cet état, professeur.

J'eus un sourire amusé et me retins de pouffer de rire en entendant cela, mais cette remarque ne sembla pas gêner Layton, qui lui offrit un sourire amusé. Nous nous assîmes sur me canapé qui était le moins déchiré, et nous fûmes rejoints quelques instants plus tard par Gideon, qui nous signala que l'eau était en train de bouillir :

-Donc, que puis-je faire pour vous messieurs ?

-Nous enquêtons sur une personne de votre famille, répondit le professeur.

-Sarah a encore fait des... siennes, demanda-t-il après avoir jeté un coup d'œil à Luke ?

-Non, il s'agit de sa fille, Lucy.

-Ah, oui, Lucy, fit Gideon en s'enfonçant dans un des fauteuils... Quel est le problème avec Lucy ?

-E-elle a causé d'énormes problèmes d-dans mon village, e-elle... À l'aide d'un complice, e-elle a attaqué plusieurs p-personnes importantes...

Gideon me dévisagea quelques minutes et se pencha en avant, a tête sur les mains, les coudes sur les cuisses. Je ne pouvais plus distinguer son visage.

-D'accord. Et j'ai quoi à voir là-dedans, moi ?

-Au vu de votre relation avec Sarah, peut-être que vous savez où se trouve Lucy ?

-Hm... Non, désolé, je n'ai plus de nouvelles de Sarah et, par extension, de Lucy depuis quelques mois déjà.

Il se redressa et nous lança un grand sourire, qui me fit froid dans le dos. Luke eut la même réaction que moi, cependant le professeur semblait intrigué par cette réaction :

-Vraiment ?

-Oui. Vous avez encore des questions à me poser ? Non ? Dans ce cas je vais vous demander de partir, j'ai à faire, merci.

Au même moment, nous entendîmes un grand bruit venant de l'étage. Gideon lâcha un juron plutôt violent, qui fit que Layton boucha les oreilles de Luke, et fonça à l'étage. Nous l'entendîmes s'énerver, sans pour autant comprendre ce qu'il disait. Le professeur se leva et se dirigea dans le couloir. Luke et moi le suivîmes sans discuter, tandis qu'il visitait les autres pièces de la maison. Cependant, nos recherches se révélèrent infructueuses, et nous retournâmes bien vite dans le salon.

Nous entendîmes les pas de Gideon dans les escaliers tandis qu'il grommelait des paroles intelligibles. Il avait soulevé les cheveux qu'il avait devant les yeux, les maintenant au-dessus de son front avec sa main et nous regardant avec une forme d'étonnement. Je n'avais jamais vu de tels yeux... Un vert aussi clair et aussi perçant, qui donnaient à ce regard une vie particulière et effrayante...

-Vous n'êtes toujours pas partis, grogna-t-il ?!

-À vrai dire, nous avons de fortes raisons de penser que vous nous mentez, répondit le professeur. Puis-je vous demander quel était le problème, à l'étage ?

-Un pu... Un chat, qui faisait le bor... Le... Le bazar à l'étage, je l'ai dégagé par la fenêtre.

Il fit retomber ses cheveux devant ses yeux et fit le tour de la pièce. Il s'approcha rapidement de moi et me regarda dans les yeux. J'avais lâché un petit cri de surprise, qui avait déclenché des protestations de la part de Luke et fait se lever le professeur, puis me détaillait du regard avant de pousser un petit ricanement effrayant :

-Mais c'est que t'as la gueule de Lucy, toi !

-A-arrêtez ça, s-s'il vous plait...

-Mmmm... Nan, sérieusement, t'es vraiment identique à elle, c'est fascinant !! Dommage qu'elle ne soit pas ici, je me serais bien amusé  à vous comparer...

Je tentais de me dégager, et il me laissa faire avant de se redresser et de me sourire, du même sourire que tout à l'heure, qui me causa des frissons de terreur. 

-Bon, vu que vous n'avez plus rien à faire, je vous prierai d'aller voir ailleurs, merci bien.

Il nous fit des signes de mains pour nous ordonner de partir, ce que nous fîmes. Une fois dehors, Luke s'énerva :

-Il est complètement fou ce type !!

-C-c'est aussi mon impression, murmurais-je...

Le professeur ne fit aucun commentaire, et il nous était impossible de deviner quelles étaient ses pensées à ce moment précis.

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