Chapitre 26
—Lucy—
J'avais passé la fin de ma journée avec Descole, Gideon venant vérifier mon état de temps à autres. Nous n'avons pas fait grand chose, mis à part discuter et jouer à des jeux de société très abimés. Inévitablement, la conversation dévia aux évènements de la veille, en particulier à ma chute dans cette faille :
-Comment as-tu fait pour y tomber, m'a-t-il demandé ?
-Je l'ignore, quand je suis arrivée à l'endroit où je suis tombée, j'ai juste ressenti des choses... Des mauvais souvenirs, que j'avais espéré oublier sont revenus... Des... Des cauchemars beaucoup trop affreux et... J'avoue ne pas avoir tout compris quand je suis tombée, et quand j'ai vu le démon, j'ai totalement paniqué !
-Calme-toi, intervint-il. Je ne te fais pas de procès, je cherche simplement à comprendre.
-Je sais, mais... Je n'y peux pas grand chose.
-Cela n'a rien d'étonnant, répondit-il.
Je m'attendais à ce qu'il étaye son propos mais il se contenta de gagner la partie de dames, me faisant protester, et lui arrachant un petit ricanement de triomphe.
Lorsque la nuit fut bien avancée, Descole me souhaita bonne nuit et se retira, sans que je sache où il allait passer la nuit. Probablement au Bostonius. Je me suis endormie peu après.
Malheureusement, je fus réveillée au milieu de la nuit par un grand rire, suivit de sanglots et de lamentations. Le fait d'entendre cela me fit réagir instantanément : je développais mon aura de frayeur, me rendis invisible et laissais une épaisse fumée noire envahir la chambre.
Au même moment, Gideon entra en grognant et maintint la porte fermée à l'aide de la commode qui se trouvait juste à côté, en lançant injures et jurons de façon plus ou moins forte. En remarquant que ce n'était que lui, je laissais les effets de mes pouvoirs disparaitre. Il se retourna vers moi, sursauta, en lâchant un "putain" qui semblait venir du fond du cœur et alluma la lumière, me faisant lâcher des protestations. Il finit par soupirer de soulagement :
-Désolé pour ce bordel, j'ai quelques emmerdes avec mes familiers.
-C'est ce que j'ai cru entendre. Comment ça se fait ?
-Disons que je ne sais pas vraiment me faire respecter... Tu ne le dis pas à Jean, ça, hein ?
-Parce qu'il va se moquer de vous, c'est ça ?
-Ouais. C'est un gros chieur ce gars. Mais je suppose que tu l'as remarqué, non ?
-Il n'y a vraiment qu'envers vous qu'il a ce comportement, vous savez.
-Mouais, mouais.
-Dites, comment est-il possible que vous ne vous fassiez pas respecter par vos propres familiers ?
-T'as oublié ? Ce ne sont pas mes familiers, ce sont ceux de mes parents, ma mère, pour être précis. Ils n'obéissent qu'à elle, et la seule chose qu'ils sont censés faire, c'est me surveiller. Et là, ils me font chier parce que j'ai mis du temps avant d'aller me coucher. C'est pour ça que j'ai bloqué la porte.
-Je ne suis pas sûre de comprendre...
-Si j'ouvre la porte, ils vont me sauter dessus, m'assommer et me bloquer dans le lit jusqu'à demain.
-Ah.
-De toutes façons, je vais resté bloqué ici jusqu'à demain.
Je ne répondis pas, mais n'en pensais pas moins. J'étais complètement blasée par tout cela. Bien sûr, il fallait que je sois convalescente dans une maison remplie de familiers qui foutent le bordel au beau milieu de la nuit, sinon ce n'est pas marrant ! D'accord, c'est vrai qu'à l'époque où je vivais avec Maman, nous avions des familiers qui n'étaient pas très discrets, mais pas à ce point...
Il commença à fouiller dans l'armoire de la chambre et en récupéra des couvertures et des oreillers. Il éteignit la lumière et me demanda :
-Tu me fais une petite place ?
Je me suis décalée en m'enroulant dans les couvertures comme dans un cocon. Il fit de même avec ses couvertures et se coucha à côté de moi. Je ne sais pas quand il s'est endormi, mais dans mon cas, je finis par tomber rapidement dans les bras de Morphée.
À mon réveil, Gideon avait quitté la chambre, et la commode était revenue à sa place. Pour un peu, j'aurais pu croire que j'avais rêvé ce qu'il s'était passé la veille, mais il restait encore les couverture et l'oreiller dans lesquels Gideon avait dormi. J'allais me redresser, quand j'entendis le bruit caractéristique de petites griffes sur le plancher, non loin de la porte. Je ne vis rien, quand je tournais la tête, mais quelques minutes plus tard, Descole fit son entrée :
-Bonjour, Lucy. Bien dormi ?
-Bonjour. Oui, ça peut aller, merci.
Conversation banale, jusque là, tout va bien. Il s'assit à côté de moi, sur le lit. Je lui souris doucement.
-Gideon ne s'est pas montré trop envahissant ?
-Non, pas vraiment. Et puis, ça serait plutôt à lui de poser la question. C'est moi qui me suis imposée, après tout.
-N'exagères pas, c'est lui qui a tenu à ce que tu restes.
-J'ai mes raisons, fit notre hôte en entrant dans la chambre avec un plateau de petit-déjeuner.
-C'est gentil de votre part, dis-je, mais j'aurais pu me lever, vous savez.
-Si t'es aussi douée que ta mère, tu serais foutue de foncer dans les murs sans faire exprès, c'est hors de question.
-C'est un peu plat comme justification. Et complètement stupide, intervint Descole.
-La paix, le psycho, grommela Gideon.
-Vous allez continuer de vous chamailler encore longtemps, demandais-je ? J'ai l'impression de voir des gamins !
-C'est lui qui a commencé, se justifia le jeune homme aux cheveux bleuâtres !!
Mon ami soupira et leva les yeux au ciel :
-Je ne répondrai pas à cette provocation enfantine.
Je commençais à manger en grommelant ma désapprobation :
-Je vais devoir rester alitée longtemps ?
-Au moins 3-4 jours, répondit Gideon. Après tu restes ici.
-Je sais, vous l'avez déjà dit hier.
La conversation fut coupée par le son du téléphone. Notre hôte grommela et fonça à l'extérieur de la chambre.
-Cela ne me plait pas que tu soies forcée de rester ici, me dit Descole. Certes, c'est pour ton bien, cependant j'ai l'impression qu'il tient à ce que tu restes ici de façon définitive.
-Vous auriez voulu que je vous accompagne, demandais-je ?
-Là n'est pas la question. Ce qui me dérange, c'est que j'ai l'impression qu'il refuse de te laisser le choix.
-Je vois, murmurais-je...
Je continuais mon petit-déjeuner, tandis que Descole se leva et commença à scruter l'extérieur par la fenêtre.
-Où est Raymond, demandais-je ?
-Je lui ai demandé de m'attendre au Bostonius, je n'ai pas envie que Gideon l'exploite pour le ménage de sa ruine.
J'eus un petit rire amusé :
-Comment est-ce-que vous vous êtes connus ?
-Comme tu peux t'en douter, je l'ai rencontré quand je vivais chez ta mère. À l'époque, ce n'était qu'un gamin. Et puis nous nous sommes recroisés, par moment.
-Vous avez l'air proches, pour des personnes qui ne se sont que recroisées, fis-je observer.
-Gideon sort peu mais a l'amitié facile, en particulier quand son interlocuteur ne l'apprécie que peu et qu'il lui montre. Malheureusement, il en devient attachant.
J'eus un petit rire amusé :
-Donc tu l'aimes bien ?
-Pas plus qu'une vague connaissance.
Gideon remonta quelques secondes plus tard en grommelant :
-Mauvaise nouvelle, il parait qu'une bande de trouducs ont demandé où est-ce-que je vivais à une amie de Sarah. Je risque d'avoir une putain de visite dans pas longtemps, va falloir que tu gares ton bordel ailleurs que dans mon jardin, Jean.
Je lançais un regard inquiet à Descole :
-Vous pensez que ces personnes sont...?
-Je ne vois personne d'autre qu'eux.
-C'est quoi le bordel, demanda Gideon ?
-Les personnes qui vont te rendre visite sont à la recherche de Lucy. Il faut que nous partions, répondit mon ami.
-Hors de question, rétorqua notre hôte ! Elle est blessée, et la blessure s'est presque infectée, je dois la garder en observation !
-Pourquoi nous ne partons pas tous les 3, questionnais-je ?
-Alors on va faire un test à la con, tu vas voir, ça va être marrant.
-Gideon, je te prie de t'en abstenir.
-Nan, nan, nan, j'vais lui montrer, ça va être plus marrant.
-Gideon, elle n'est pas au courant. Tu ne feras que te rendre encore plus idiot et ridicule que tu ne l'es déjà.
Notre hôte soupira et reprit la parole :
-Pour faire court, mes parents ont fait en sorte que je ne puisse pas quitter l'enceinte de cette maison. Je sais, c'est stupide, en particulier pour un médecin, mais il m'est totalement impossible de sortir de cette foutue baraque parce que je suis censé faire gaffe à mon cul sans grandes raisons. Ouais, je sais, mes parents sont cons. Bref, Jean, casse-toi où tu veux, mais il est hors de question que je laisse Lucy se barrer sans qu'elle ne soit suffisamment guérie.
Jean soupira :
-Très bien. Je te préviens, si jamais elle a disparu de chez toi après la prochaine visite que tu recevras, ce ne sont pas tes familiers ou ta condition de sorcier qui te sauveront de ma colère.
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